11 - Adieux

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Si les nouvelles lois avaient fait jasé, leurs applications ne s'étaient pas faites immédiatement ressentir partout. J'avais vu maintes et maintes maisons closes fermer, les moins influentes en général, mais je n'avais réalisé l'ampleur de la situation que lorsque l'ordre de fermeture fut affiché sur la façade de Rose Bée.

En lettre rouges, les mots se détachaient nettement sur le papier. Un ordre couleur de sang qui était loin d'intimider Mère. Je savais qu'elle saurait sauver son affaire en quelques manigances bien pensées mais je ne pouvais cesser de m'inquiéter.


« Je ne pensais pas que ça arriverait si vite, s'étonna Em devant l'affichage.

- Moi non plus, avouai-je. »


Milloh guida le fiacre rempli de butin vers la cour et nous allâmes à sa suite. La pêche avait été bonne : nous avions attiré dans nos filets une riche demoiselle étrangère et son domestique chargé de bagages. Lorsque le fiacre fut déchargé, j'allai faire mon rapport à Mère.


« J'espère que la somme que je vais tirer de toutes ces affaires sera suffisante pour rattraper la soirée où tu t'es absentée ! Gronda-t-elle, toujours contrariée depuis la nuit où je m'en étais allée retrouver Diama. »


Nous avions longuement parlé lorsque j'étais rentrée ce soir là. L'inévitable discussion sur ma vente aux enchères avait eu lieu, des mots que j'avais encaissé, puisant mes forces dans la promesse de l'homme que j'aimais. J'avais beaucoup souffert de cette nouvelle mais, au vu de ma situation, partir loin de Rose Bée pouvait s'avérer la porte de sortie que j'avais espéré.



Des regards de dégoût,de compassion et de moquerie. Je n'avais croisé que ceux là dans les couloirs du bâtiment principal. Giil avait raison ; toutes sortes de rumeurs avaient couru sur mon compte. J'arrivai devant une porte semblable aux autres, en planches épaisses et usées, et frappai.


« Entrez !m'invita une voix de l'autre côté. »


Je m'introduisis dans la chambre de mon amie après un rapide coup d'œil à l'intérieur :des murs blancs, une lourde coiffeuse couverte de maquillage et de bijoux et un matelas moelleux posé à même le sol. Une grosse armoire cachait le mur de la fenêtre, débordant de vêtements et cadeaux en tout genre.

Au centre de la chambre, sur un coussin de sol et occupée à brosser ses longs cheveux noirs,se trouvait Lah, mon amie assoiffée de culture. Depuis le petit repas surprise organisé par l'adorable Ayk, je n'avais pas eu l'occasion de la recroiser ; j'avais donc décidé de lui rendre visite.


« Quelle surprise de te voir mon chou ! dit-elle en me reconnaissant.Je suis honorée de recevoir la nouvelle coqueluche de l'établissement dans ma chambre, ironisa-t-elle.

- Tu ne crois pas si bien dire ; je suis passée d'invisible à extrêmement repérable en quelques jours à peine... déplorai-je.

- Les langues fourchues savent se faire entendre, répondit-elle simplement. »


Elle tapota le lit pour m'inciter à m'y asseoir ; j'obtempérai. Je laissai Lah terminer le brossage consciencieux de sa chevelure en silence : l'absence de bruit me convenait très bien en ce moment même. La fenêtre était entrouverte, aérant son espace. Soudain, Lah eut un sursaut et poussa un petit cri aigu.

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