« Mère t'attend dans la cour. »
Je regardai Giil s'éloigner, les yeux rivés au sol. Nous y étions : ils allaient m'annoncer la date des enchères. Je soupirai. Même si Diama pouvait m'acheter, je n'étais pas totalement résignée. Mon quotidien m'avait toujours plu ; danser avec Giil, manger les bons petits plats d'Ayk et dérober les affaires de touristes fortunés avec Em et Milloh... Mon mariage à venir ne rattraperait probablement jamais toutes ces choses. Je sortis sans un mot, à l'image de Giil.
« Fhabe, te voilà, me dit Mère en guise d'accueil à mon entrée dans la cour. Suis-moi ; nous allons discuter à l'abri des oreilles indiscrètes. »
Elle fusilla du regard deux filles qui tendaient un peu trop l'oreille vers nous à son goût et m'entraîna dans un couloir. La partie du bâtiment principal dans laquelle nous évoluions était réservée au couple de proxénètes. C'était un territoire étendu mais bien plus vétuste que le reste de la maison close. Mère frappa à une porte que je savais être celle du bureau de Père Sad et entra sans attendre de réponse.
« Voilà notre aimant à problèmes, dit simplement l'homme grisonnant dans un nuage de fumée. »
Une pipe à la main, Père Sad se reposait dans un fauteuil. La pièce était jaunie parle tabac et l'air, à la limite du respirable, me prit la gorge. Mère s'installa aux côtés de son mari, la tête baissée. Elle faisai tpartie de cette génération qui imposait aux épouses une parfaite soumission à leur mari et ne s'y opposait donc jamais malgré sa force de caractère. Elle m'avait raconté que, plus jeune, Père était charmant, la carrure épaisse mais le regard doux ; un homme qui n'avait plus rien à voir avec le fumeur d'opium et l'ivrogne au teint gris qu'il était à présent.
« Nous t'avions déjà parlé de notre décision, dit Mère, coupant le silence.Tu sais que nous allons te chercher un époux.
- Me vendre au premier venu plutôt, la provoquai-je, amère.
- Ne commence pas à te rebeller petite chienne ! explosa subitement Père. Tu n'es qu'un nid à problèmes ! »
Je me tus. Des relents d'alcool m'étaient parvenus, me peinant au plus haut point. Où était passé le père aimant qui portait les enfants sur ses épaules et aurait donné sa vie pour Rose Bée ? Un fantôme alcoolique, une ombre de lui-même, semblait s'être glissée dans son corps vieillissant, insufflant la violence dans son esprit.
« La décision est prise, continua-t-il, tu seras vendue demain lors d'une enchère aux esclaves. Remercie-nous au moins de te marier au lieu de te vendre comme esclave !
- Vous m'abandonnez ! m'écriai-je. Comment pourrais-je vous remercier de me mettre à la porte ?
- Tais-toi ! hurla Père.
- Chéri ! couina Mère alors qu'il se levait, le poing serré. »
La proxénète, les yeux écarquillés et la mâchoire serrée, tenta d'arrêter son mari, s'agrippant de toutes ses forces à son bras, mais il la repoussa violemment. Son corps alla s'écraser contre une étagère dans un effroyable craquement. En retombant au sol, elle poussa un cri de souffrance et se replia sur elle-même.
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Explosive
ParanormalVendue enfant à des marchands d'esclaves, Fhabe a trouvé une nouvelle famille en la maison close qui l'a achetée. Elle a grandi entre les quatre quartiers d'Angirho qu'un Seigneur corrompu a laissé s'épandre dans le crime, l'escroquerie et les borde...