5 - Ivresse

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La porte coulissa lentement. L'air chaud du couloir s'introduisit dans la pièce, caressant nos corps peu vêtus. Mère s'avança d'un pas lent mais confiant. Comme chaque soir, elle avait foi en nos talents de danseuses. La lumière du jour avait décliné mais, grâce à la lampe à huile que tenait la proxénète, nous voyions clairement l'entièreté du salon.

Mère se décala sur le côté, laissant entrer nos clients. Un homme à l'aube de la vieillesse reluqua Giil sans aucune gêne, s'attardant sur ses hanches généreuses. Elle frissonna imperceptiblement. Rose Bée était la plus prestigieuse des maisons closes du quartier de Ville-pivoine ; ses filles n'étaient pas du genre que l'on apprécie comme on salive devant un steak.

Lorsque le rustre fut entré, un adolescent rougissant sur les talons, un troisième individu entra. Drapé de tissus noirs et tenant dans ses mains une liasse de papiers, il ne semblait venir que pour parler affaires avec l'un des autres hommes.

Notre dernier client apparu et mon cœur rata un battement en l'apercevant. Ses cheveux si légers et si blonds qu'on aurait cru voir des fils d'or, ses lèvres si roses et douces qu'on avait envie d'en mordre la chair et ses yeux si bleus que l'éclat de la mer paraissait pâle à côté : tout en Sire Diama allumait une flamme de désir irrépressible dans mon bas-ventre.


« Tu es magnifique Fhabe, susurra-t-il à mon oreille en frôlant mon flanc alors qu'il allait s'asseoir. »


Mère, qui avait saisi ces mots, soupira. Elle frotta ma joue de son pouce, comme pour en faire partir une tache.


« Fais en sorte qu'il ne remarque pas ta cicatrice, dit-elle en désignant Sire Diama du menton. Il ne faut pas qu'il perde son intérêt pour toi.

- Je saurai la lui cacher, Mère, affirmai-je. »


Elle recula, satisfaite. Par chance, ma blessure avait quasiment disparu, seule subsistait une ligne blanche à peine distinguable. Mère Ronama, avant de s'éclipser, pris les premières commandes de nos quatre clients, alluma quelques lampes et leur souhaita une excellente soirée. Quelques minutes plus tard, l'alcool et les musiciennes arrivèrent : la soirée pouvait commencer.



Le vin et la liqueur tombaient au goutte-à-goutte sur le sol. Les gémissements dessalons voisins et la musique entraînante de nos musiciennes se mêlaient en un tourbillon de plaisir. Par terre gisait le corps imbibé d'alcool du rustre. Il ronflait bruyamment, ignoré de tous : Sire Diama, l'homme mystérieux et l'adolescent étaient happés par notre danse.

Mon meilleur client et l'individu en noir avaient passé la première partie de la soirée à conclure des accords sans que je n'ai pu en saisir l'objet.Néanmoins, les coups d'œil à la volée de Sire Diama nem'avaient pas échappés. Enflammée par cette attention, j'avais dansé et bu jusqu'à en perdre la tête. Lorsque la fatigue s'était faite ressentir, le fruit de mon désir m'avait alors entraînée à ses côtés à table. Giil n'avait pas tardé à nous rejoindre,s'amusant de la timidité et du manque d'expérience du plus jeune d'entre nous.

Le salon s'était vite vidé : les musiciennes avaient quitté la pièce, suivies de l'adolescent et de ce qui semblait être son oncle, ivre mort. Il ne restait plus que Sire Diama et son intriguant partenaire de travail que Giil semblait très fortement intéresser. Les deux hommes discutaient pendant que nous nous servions des verres d'alcool.

ExplosiveWhere stories live. Discover now