10 - Passions

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La maison de Sire Diama, n'était peut-être pas aussi grande et belle que le palais du Seigneur Alikar mais elle en avait la prestance. Je n'étais passée devant qu'une seule fois mais j'en avais retenu les moindre détail : la façade crème bien entretenue, les rosiers taillés pour tenir sous les fenêtres du rez-de-chaussée et cette stupide porte qui n'avait pas daigné s'ouvrir. Je pestais dans l'obscurité, craignant de m'être éclipsée avant le travail pour rien.


« Qui vient déranger mon maître à une heure si tardive ? demanda une voix par l'entrebâillement du battant que je n'avais pas vu s'ouvrir.

- Je suis Fhabe, répondis-je, une amie de Sire Diama. »


La porte s'ouvrit largement cette fois. Un vieil homme aux traits fermés apparu. Ses cheveux blancs étaient soyeux, étincelants à la lumière de la lune.


« J'ai entendu parler de vous Dame Fhabe, me dit-il en s'inclinant autant que son dos faiblissant le lui permettait, soyez la bienvenue chez mon maître. »


Il s'effaça devant mon sourire ravi. J'étais heureuse d'apprendre que Sire Diama avait suffisamment parlé de moi à ses domestiques pour qu'ils me laissent entrer et m'appellent Dame Fhabe comme si j'eus été une noble.



Le salon principal était de taille raisonnable et accueillait toutes sortes de plantes en pot posées sous les fenêtres. Les carreaux et les lustres étaient astiqués, le parquet verni et les fauteuils brossés avec soin. Dans les tons bleu-gris, la décoration était à la fois délicate et envahissante. Tout en cette pièce était très exotique, dans le style des pays où les palais sont de pierre lisse et blanche et où les jardins sont en terrasses.

Sire Diama, toujours plus éblouissant que la veille, lisait dans un siège capitonné un roman à la couverture écornée. Le vieil homme se racla la gorge afin d'attirer son attention. En posant ses yeux sur moi, un air étonné se peignit sur le visage de l'homme que j'aimais tant. Il se leva, abandonnant son livre sur une table basse, et vint attraper mes épaules avec tendresse.


« Ma belle Fhabe, que fais-tu là ? me demanda-t-il joyeusement. Allez nous préparer du thé, ordonna-t-il à son employé, ma douce n'a pas fait tout ce chemin pour rester la gorge sèche.

- J'y vais de ce pas Sire, opina le vieil homme d'un ton neutre. »


Sire Diama s'installa dans un sofa et me tira sur ses genoux. Je rougis, surprise par ce contact inhabituel. Néanmoins, je ne devais pas oublier la raison de ma venue.


« Sire, commençai-je, je suis ici pour vous parler de...

- Je t'ai déjà dit de m'appeler par mon prénom Fhabe, me réprimanda-t-il gentiment. Et tutoie-moi, s'il-te-plaît ;  je veux être plus qu'un client à tes yeux. »


Je déglutis. Je n'avais jamais réussi à l'appeler par son nom ou à faire le premier pas vers lui ; la danseuse que j'étais ne pouvais s'y résoudre. Hors, ces résolutions, je les avais prises par respect pour ma famille adoptive, celle-là même qui pensait maintenant à me vendre au célibataire le plus fortuné qui passerait par là.

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