Chapitre 9

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        Kiara et Maël avaient patienté dans le long couloir froid et impersonnel de l'hôpital de Lasserer depuis plus de deux heures avant qu'on ne vienne les informer qu'Alix était à présent hors de danger mais qu'elle avait besoin de beaucoup de repos. Cette dernière après avoir perdu beaucoup de sang avait dû être opérée d'urgence, elle s'en sortait avec deux côtes brisées et une fracture ouverte du tibia. Les deux adolescents fous d'inquiétude s'apprêtaient à prendre des nouvelles en personne d'Alix, quand le père de celle-ci s'engouffra dans le couloir, leur barrant la porte du haut de son mètre quatre-vingt-quinze.

- Hop hop hop pas si vite ! Je crois que tu me dois une explication Kiara, il est quatre heures du matin et les médecins m'ont dit que l'état de ma fille, est dû à une chute à vélo dans les bois ? Tu peux me dire ce que vous fichiez tous les trois en pleine nuit aussi loin de la maison ? Je croyais que vous deviez préparer un exposé ou je ne sais plus trop quoi pour les cours, et quelle ne fut pas ma surprise quand la sonnerie de mon téléphone m'extirpa du sommeil pour m'entendre apprendre que ma fille était hospitalisée dans mon propre hôpital et gravement blessée de surcroît ! Et puis qui est ce garçon ? Depuis quand Alix a des amis de sexe opposé ?

Les parents... Kiara dans la panique avait fourni cet alibi aux médecins lors de l'admission d'Alix aux urgences mais elle avait totalement oublié que son père, directeur de l'hôpital aurait directement accès à ces informations, ainsi il apprendrait qu'elle traînait dans les bois en pleine nuit mais le pire c'est qu'il apprendrait aussi la présence de Maël Willer avec elles ! Alors qu'elle cherchait tant bien que mal une explication logique à cette situation qui était tout sauf logique, la sueur commençant à perler sur son front, les mots n'arrivaient plus à sortir. Une vague de soulagement s'empara d'elle quand Maël fit face au père d'Alix pour prendre la parole.

- Bonsoir monsieur, je m'appelle Maël, Maël Willer et tout est de ma faute.

- Willer ? Comme Franck Willer ?

Aïe, Maël savait qu'il n'y échapperait pas, maintenant que le ton était donné c'était foutu pour faire bonne impression auprès du beau-père et passer pour le gendre idéal. Mais foutu pour foutu, autant tenir Kiara et Alix à l'écart des remontrances, elles avaient déjà bien assez de problèmes à résoudre et après une pareille nuit elles ne méritaient pas d'être assaillies de questions, lui les mensonges ça le connaissait tout autant que leurs conséquences, les punitions ne lui faisaient plus peur depuis bien longtemps, son père l'avait élevé à la dure. Un jour alors qu'il avait préféré jouer avec son chien Biscotte dans le parc au lieu d'aller à l'épicerie du coin et de ramener des chips et un steak comme promis à son père, celui-ci fout de rage et déjà imbibé d'alcool à onze heures du matin, avait abattu l'animal sous les yeux de l'enfant qu'il était encore à l'époque, à partir de ce jour il n'avait plus réussi à pardonner quoique ce soit à sa pourriture de géniteur. 

A partir du moment où il avait senti la majorité se rapprocher, Maël pour noyer ses démons, enchaînait de plus en plus les conneries, car à quoi bon persévérer à devenir quelqu'un de bien quand dès qu'une personne apprend votre identité, vous soyez catalogué dans la case « cassos irrécupérable ». Il n'avait plus foi en le fait de devenir un adulte responsable, jusqu'au jour où il avait croisé cette jeune fille au bord du lac, les pieds dans l'eau elle bouquinait, Maël adorait cet endroit, il y venait avec sa guitare pour composer quand le vacarme chez lui devenait insoutenable, mais jusqu'à présent il n'y avait encore jamais croisé personne à cette heure-ci. Le soleil déclinait et Alix était là, souriante, vêtue d'une petite robe légère aux motifs fleuris, la brise d'été faisant voltiger autour de son visage candide de délicates mèches de cheveux couleur des blés ; quand il s'était approché, elle avait pris peur et avait basculé dans l'eau, en la secourant Maël avait eu le droit à une sacrée bonne gifle ainsi qu'une tirade colérique d'Alix, mais depuis ce jour là il avait su qu'il voulait devenir quelqu'un de bien pour elle.

 Il avait suffi de deux grands yeux bleus lançant des éclairs, et d'une robe lui dégoulinant sur les pieds, pour que Maël se sente vraiment exister pour la première fois.

- Oui monsieur je suis son fils. Kiara n'est pas la responsable, c'est moi qui ai eu l'idée de la balade, elles travaillaient tranquillement quand je suis venu frapper à leur fenêtre pour leur proposer une virée nocturne, j'ai insisté et c'est pour cette raison qu'elles ont accepté.

- Es-tu inconscient jeune homme ? C'est de ma fille que l'on parle ! Qu'elle fricote avec les voyous dans ton genre, c'est sûrement que j'ai manqué de fermeté dans son éducation et j'aurais une discussion sérieuse avec elle dès qu'elle sera rétablie, mais que tu la mettes en danger, je ne le tolère pas ! Je t'ordonne de quitter dès maintenant mon établissement et je te conseille vivement de ne plus chercher à approcher les filles sinon je devrais me montrer plus ferme la prochaine fois !

- Monsieur je m'excuse, croyez-moi je n'avais pas l'intention de...

- Les gamins dans ton genre ont toujours de belles excuses mais je sais que chacune de tes paroles n'est qu'un tissu de mensonge, un Willer restera toujours une pourriture.

Le directeur avait haussé le ton, patients, familles et personnel présents dans le couloir c'était retourné vers le trio. Tous les regards étaient désormais rivés vers le jeune homme, celui-ci qui avait l'habitude de cogner lorsque quelqu'un lui tenait tête, s'abstint néanmoins, non pas à cause du lieu où il se trouvait mais plutôt face à qui il se trouvait ; le père d'Alix avait conscience de son autorité. Maël lui, aurait voulu être accepté, mais c'était illusoire de croire qu'un homme de sa réputation accepterait un petit vaux rien en tant que compagnon de vie pour sa fille. Sans broncher il fit demi-tour, Kiara lança un regard noir au père d'Alix et emboîta le pas de Maël.

- Attends Kiara ! Tu ne veux pas m'accompagner voir Alix ?

- Désolé monsieur, sauf mon respect, Alix a dû tout entendre à votre altercation méchante et gratuite en public avec son petit ami et la connaissant je suis sûre qu'elle préfère que je l'accompagne lui plutôt que de le laisser rentrer seul.

Maël c'était arrêté, puis retourné vers Kiara, depuis qu'elle lui avait sauvé la vie, elle se montrait de plus en plus amicale à son égard, Alix avait peut-être raison quand elle affirmait être sûre qu'un jour ils pourraient devenir bons amis, car cette nouvelle facette de la jeune fille lui faisait prendre conscience que lui qui détestait se voir coller des étiquettes, en avait collé à tous ceux qui croisait son chemin. Kiara passa son bras sous celui du garçon et le fit prendre la direction des toilettes pour femmes en le poussant à l'intérieur. Après un regard plein de sous-entendus et de reproches de la part d'une des infirmières qui avait vu le couple s'enfermer dans l'un des wc, Maël trouvant la situation bizarre, essaya de s'extraire de la poigne de la jeune fille.

- Kiara excuse-moi, c'est vrai que je ne te trouve pas réellement laide, tu es même plutôt mignonne et tu es finalement vraiment sympa mais j'aimerai toujours Alix, je crois qu'il y a eu un malentendu...

- Beurk ! Espèce d'idiot tu crois vraiment que je t'emmène dans les toilettes des filles pour te faire des avances ?

- Hé bien...

- Hé bien non ! J'ai simplement besoin d'un peu d'intimité, il faut que je te parle de quelque chose, je dois faire vite, nous n'avons pas beaucoup de temps !

- Nous ?

Kiara c'était rapprochée de Maël, ses lèvres effleurant les oreilles de celui-ci pour lui partager son plan dans un murmure, quand sa main avait touché le torse musclé du jeune homme, elle avait dû réprimer un frisson, troublée par ce contact, elle chassait de son esprit des idées déplacées pour se concentrer sur ce dont Alix et elle avait parlé plus tôt dans la journée.

- Écoutes il va falloir faire vite mais c'est le moment ou jamais ! Le père d'Alix étant auprès d'elle dans sa chambre, on va pouvoir toi et moi s'introduire dans son bureau, durant votre brouille de tout à l'heure, j'en ai profité pour voler la clé qui se trouvait dans la poche de sa veste. Oui je sais ne me regardes pas comme ça, c'est pas vraiment légale et ça ne me ressemble pas mais c'est pour la bonne cause, il faut qu'on retrouve le dossier médical d'Elisa Langlois pour savoir si elle a accouché un jour dans cet hôpital. Merde quelqu'un arrive ! Bon je vais sortir en première, tu comptes 50 secondes et tu sors ensuite, tournes à droite puis à gauche et encore à droite, au bout du couloir se trouve le bureau du père d'Alix, on se retrouve là-bas ! 

Le terrible secret de LassererOù les histoires vivent. Découvrez maintenant