Le terrible secret de Lasserer

Chapitre 10

        Maël avait bien failli se faire griller par l'une des nouvelles internes, mais grâce à son sourire enjôleur, il était parvenu à prétexter avoir un entretien avec le directeur de l'hôpital, coup de chance que la jeune femme encore novice dans l'établissement, n'ait pas fait le lien entre Alix et le directeur, ignorant sûrement encore l'admission de la fille unique de celui-ci aux urgences. À peine avoir passé le seuil de la porte, qu'il renversait un secrétaire en rotin, faisant s'étaler au sol le contenu des tiroirs de celui-ci.

- Bravo Maël !

Kiara lui avait lancé un regard capable de pétrifier sur place quiconque en était la cible, ses narines frémissaient légèrement et une ridule c'était formée entre ses sourcils. Décidément quel boulet il faisait ! Ils n'avaient déjà que très peu de temps devant eux et de surcroît ils se retrouvaient à présent à devoir ranger les affaires du directeur jonchant le sol.

- Oups, excuse-moi ! Tu as trouvé quelque chose ?

- Oui Don Juan, je t'ai vu à travers le store, pas mal ton petit numéro de charme avec l'infirmière, n'empêche que tu aurais pu nous mettre sacrément dans le pétrin si ça n'avait pas fonctionné !

- Mais ça a fonctionné, ma jolie.

Maël qui s'affairait à ramasser les objets, avait levé la tête vers Kiara qui lui faisait toujours les gros yeux, il revêtait quant à lui un sourire en coin et son regard brillait de malice ; gratifiant Kiara d'un clin d'œil avant de se remettre au travail, celle-ci restait troublée par ce court échange, « ma jolie »... Elle n'avait pas l'habitude de se voir attribuer de tel surnom, qui plus est de la part du garçon le plus populaire et le plus canon du lycée, ses yeux couleurs noisettes à elle restaient à fixer la fossette se dessinant au coin des lèvres du jeune homme, elle croyait le voir réellement pour la première fois, Maël le mauvais garçon au sourire qui fait chavirer, elle se perdait dans sa contemplation mais le dit contemplé se rendit vite compte du changement soudain de comportement de la jeune fille.

- Quelque chose ne va pas ? Tu ne veux plus trouver ce dossier ?

- Heu si si, excuse-moi, j'étais perdue dans mes pensées... À vrai dire j'ai trouvé un tiroir rempli de dossier datant de 1940, Alix ne me croyait pas quand je lui disais que ce village gardait n'importe quelle relique.

- Super ! Qu'est-ce qu'on attend pour chercher le dossier d'Elisa ?

- Malheureusement il nous faut une clé, regardes tous les tiroirs sont verrouillés, ça risque d'être très compliqué de trouver celle qui nous faut dans tout ce bazar, Monsieur de Valmont n'a jamais été très ordonné, au plus grand damne de la mère d'Alix. On ferait bien de finir de ranger ce que tu as fait tomber et de déguerpir.

L'enthousiasme des deux adolescents avait chuté de 10 étages, peinés d'avoir fait tout ça pour rien. Néanmoins il fallait remettre un petit peu d'ordre dans le chaos, Maël passa son bras autour de l'épaule de Kiara voyant que celle-ci se sentait vraiment misérable d'avoir échouée à leur mission. Kiara qui venait de ranger le dernier cahier dans le secrétaire, était à présent si près de Maël, les yeux remplis de larmes, elle le regardait intensément, quand l'une d'elle perla sur sa joue, Maël l'essuya délicatement avec son pouce, lui décochant un sourire réconfortant. Elle se sentait bien, l'instant était pour elle suspendu dans le temps. Soudainement elle l'étreignit avec force, se lovant dans les bras protecteurs du jeune homme, qui quelque peu surpris tout abord, lui rendit son étreinte. 

Kiara se laissa aller à cet élan de tendresse, non sans une pointe de culpabilité dans le cœur, il était le petit ami d'Alix, sa meilleure amie qui était d'ailleurs dans un sale état par leur faute, et voilà que dès que celle-ci avait eu le dos tourner elle s'était jeté dans les bras du ténébreux Maël, quelle mouche l'avait piquée, ça ne lui ressemblait pas, elle était toujours maîtresse de ses émotions et jamais elle n'aurait fait quoique ce soit qui puisse nuire à Alix. Toutefois, là dans les bras de Maël elle éprouvait un sentiment nouveau sur lequel elle ne parvenait pas à mettre de mot, elle s'apprêtait à passer une main bienveillante dans les cheveux du jeune homme quand tout à coup elle le repoussa vivement d'elle.

- Kiara je suis désolé si...

- Chut ! Viens par là ! Quelqu'un arrive ! Vite ! Sous le bureau !

Les deux adolescents étaient à présent collés l'un à l'autre, leurs deux cœurs battant la chamade à l'unisson. Une voix masculine accompagnée d'une voix féminine, était à présent discernable dans le silence du bureau. Kiara et Maël retenaient leur respiration car à présent la porte c'était refermée, et le père d'Alix ne se tenait plus qu'à quelques centimètres d'eux. Par un jour entre les planches en bois du bureau, Kiara pouvait observer la scène qui se jouait sous ses yeux sans risquer d'être démasquée. Une jeune femme en blouse de médecin se tenait près du secrétaire en rotin, Kiara lui aurait donné 25 ans tout au plus, celle-ci semblait proche du directeur, trop proche à son goût. Alors qu'il s'affairait à baisser les lattes de son store, l'infirmière se jeta à son cou, l'embrassant fougueusement sur les lèvres, tandis que ses mains se hâtaient de défaire sa ceinture et d'ouvrir sa braguette. Kiara eu un haut le cœur en voyant cela.

- Écoutes Jeanne, c'est trop risqué de se voir cette semaine, ma fille est hospitalisée et ma femme risque de débarquer à tout moment pour venir la voir et me voir par la même occasion.

- Alors on pourrait faire ça dans le local d'entretien ? Emmanuelle et Sibyl viennent de prendre leur service, on a une heure devant nous, mon poussin.

Remontant son pantalon en hâte, le père d'Alix suivait la jeune femme qui c'était engouffré vivement dans le couloir, non sans avoir émis un petit rire superficiel après que le directeur lui ait pincé les fesses. Bouleversée Kiara se releva, aussitôt imité par Maël.

- Comment je vais bien pouvoir annoncer ça à Alix, elle qui aime tellement son père, ses parents sont ensemble depuis leur 16 ans ! Ils étaient le modèle parfait du couple idéal.

Cette fois-ci c'est Maël qui enlaça Kiara dans ses bras, lui murmurant qu'ils trouveraient une solution, que ces choses là arrivaient de plus en plus de nos jours, qu'Alix serait en mesure de comprendre même si elle ne parviendrait peut-être pas de suite à pardonner l'infidélité de son père.

Kiara avait gardé les yeux fermés lorsque Maël lui murmurait ces mots de réconfort, elle voulait se galvaniser du soutien du garçon. Alors qu'ils s'apprêtaient à quitter le bureau après s'être assurés que le couloir était vide, Kiara trébucha, manquant de s'effondrer par terre. Pestant contre l'objet responsable de son déséquilibre, la jeune fille remarqua qu'il s'agissait d'un trousseau.

- Les clés ! Ce salaud a dû les faire tomber de son pantalon ! Évidemment, trop pressé de retrouver sa jeunette il ne s'est rendu compte de rien !

- Hé bien mademoiselle Duval, je ne vous connaissais pas ce langage ! Habituellement c'est plutôt le miens, je vois que vous commencez à être contaminé.

Kiara donna un coup de coude à Maël, non sans échanger un sourire plein de complicité avec lui. Très vite, ils essayèrent des tas de clés du trousseau à la recherche de la bonne, il y en avait une vingtaine !

- Ça y est je l'ai ! S'exclama Kiara.

- Félicitation Sherlock !

- Sans votre précieuse aide et vos encouragements j'aurais jeté l'éponge, mon cher Watson.

Les adolescents s'autorisèrent un moment de rires francs avant de se rendre compte qu'ils étaient en mission secrète. Reprenant leur sérieux, ils dénichèrent rapidement le dossier d'Elisa Langlois.

- Elisa Langlois, sexe féminin, née à l'hôpital de Lasserer le 13 janvier 1922, célibataire, blablabla, internée le 6 juillet 1940 à l'asile de Lasserer, médecin référant monsieur Roderick William Sheefman, a accouché de deux jumelles le 22 novembre 1941, mortes nées.

- Kiara tu avais raison ! Tu es un génie ! Ces petites filles à l'asile sont sûrement les enfants d'Elisa ! Quelqu'un a voulu les faire passer pour mortes certainement, qu'en penses-tu ?

En guise de réponse, Kiara s'agrippa à Maël comme s'il était son phare dans la tempête, et d'un geste aussi passionné qu'inattendu, elle plaqua sur ses lèvres charnues, un baiser indécent.