« Les enfants entendent les pleurs dans la nuit.»

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 Le bruit de ses semelles sur les trottoirs trempés de la ville de Busan résonnait dans des 'ploc' rythmés à la cadence de ses pas. Le soleil avait cédé sa place à la lune qui éclairait la ville de toute sa rondeur, pleine, et sa rousseur se fondait parmi les lampadaires fatigués qui tentaient du mieux qu'ils pouvaient d'éclairer la voie des passants.

De la buée se créait à chaque expiration de Jungkook, puis se dispersait aussitôt qu'il avançait. Nous étions à cette triste période de l'année où les décorations de Noël venaient d'être rangées, où il ne restait plus rien à attendre de positif si ce n'est la chaleur de l'été qui paraissait être dans une éternité. Pourtant Jungkook ne s'en plaignait pas. Il aimait cette période où il voyait le moral des individus baisser progressivement: car il faisait froid, car il faisait nuit tôt et jour tard, car ils étaient fatigués et oubliaient déjà les bons souvenirs des fêtes maintenant passées.

Il aimait les lamentations, les peines des uns, les pleurs des autres. Il aimait voir les gens s'effondrer autour de lui. Il se sentait plus vivant, plus grand que tous ces faibles qui cédaient, ou encore trop faibles pour lui résister.

Dans ce monde il y avait deux genres d'humains: les faibles, et lui.

Sa prochaine proie s'appelait Hoseok. Il l'avait décidé ce soir même après avoir été observer les humains dans l'un des bars qu'il fréquentait lorsque l'envie lui prenait d'épier le genre humain. Un homme au sourire si resplendissant qu'il lui filait la nausée, un trop plein de joie de vivre qu'il voulait éradiquer.

Il se mordit inconsciemment la lèvre à la pensée si douce de pouvoir passer sa lame sur son beau corps, l'ouvrir en deux, entendre ses rires se transformer en hurlements. Quel timbre auront ses cris ? Il mourrait d'envie de le découvrir rapidement, mais d'abord il voulait l'observer encore un peu. Se lier davantage avec lui pour voir son visage se déformer par la surprise de la trahison, l'incompréhension...

Encore une dizaine de minutes à marcher sous la fine pluie et il poussa la lourde porte de la petite maison dont il avait hérité dans la banlieue de la ville portuaire. Une maison pourrie, certes, mais ayant la redoutable particularité d'être au calme. Il n'avait pas à entendre tous ces idiots, ni à les voir. Il se tenait compagnie à lui-même lorsqu'il n'avait pas "d'invité", et cette situation lui convenait parfaitement.

A peine entré, il se dénuda entièrement et jetta son téléphone sur la banquette face à deux fenêtres du séjour. Il n'avait pas de télévision, en revanche dès qu'il se posa à son tour près de son téléphone, il passa rapidement en revue sa playlist et choisis "Moon" de Maxgonz. Le morceau de Jazz résonna alors tendrement à ses oreilles depuis les enceintes de la stéréo qui emplissait la maisonnette. La musique, c'était ce qui emplissait son quotidien, sa seule passion, si on omettait celle d'être témoin de la souffrance et terreur des Hommes.

Il avait lu que certains tueurs en série tuaient en réalité par amour de leurs victimes, pensant leur offrir une sorte de paix éternelle. Lui, il s'offrait la sienne en mettant fin au bonheur des autres. Oh, oui, il était égoïste, il le savait. Mais lui était au-dessus des autres, n'est-ce pas ?

Il ferma les yeux et écouta la musique un instant, concentré sur chaque note, puis attrapa le téléphone et ouvrit l'application des Actualités du jour.

"UN NOUVEAU CORPS RETROUVÉ SANS VIE."

Il fronça les sourcils. Il lui semblait pourtant avoir déjà vu passer l'information comme quoi ils avaient retrouvé le cadavre de sa dernière victime ? Il l'avait foutue à la vue de tous, nu, dans une décharge, ils n'avaient donc pas mis longtemps à le retrouver.

Son pouce s'activa sur l'écran pour faire défiler la page jusqu'à l'article.

"22 janvier.

Le corps d'un homme de 26 ans a été retrouvé sans vie aujourd'hui dans une ruelle du centre-ville de Pusan. Le meurtre semble différé du mode opératoire des précédents assassinats recensés. Habituellement ouverts au thorax et débarrassés de leurs dents, celui-ci à été retrouvé égorgé tout comme deux victimes avant lui retrouvé respectivement le 14 et 18 janvier. Les enquêteurs s'inquiètent d'un deuxième meurtrier en ville plus virulent que le premier.

silent SCREAM. | kookminOù les histoires vivent. Découvrez maintenant