Prise de conscience dans la maison du Diable

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-Vanitas, il faut qu'on parle !

J'ouvris grand les yeux, surpris par cette demande inattendue venant d'elle. De quoi voulait elle me parler ? Je décidai de jouer la carte de la prudence.

-Il y a un problème ?

Alors que je restais sur mes gardes, sa détermination avait fait place à une sorte d'hésitation résignée, comme si elle savait qu'elle devait me parler mais ne savait pas trop par quel bout me prendre.

-Hé bien... Écoute... Il y a quelque chose dont je dois te parler... Ça fait un certain temps que je me pose la question, et... ...

Pensant qu'elle voulait sûrement me parler de quelque chose d'insignifiant, je décidai de la taquiner un peu.

-Tu t'es enfin décidé à répondre à mes sentiments ? Haa, ça me touche beaucoup Jeanne...

-Tu aimes Noé, pas vrai ?

Cinq mots. Cinq mots qui réussirent à me faire taire en une fraction de seconde. Cinq mots qui firent tomber le masque d'arrogance que portait mon visage pour laisser entrevoir l'expression choquée du pêcheur pris en pleine faute. Cinq mots qui, malgré moi, firent apparaître l'expression de peur et le tremblement imperceptible de celui qui craint le regard des autres. Cinq mots, c'est suffisant pour détruite toutes les illusions d'une vie.

Jeanne me regardait, d'un regard non pas moqueur, mais infiniment sincère et compréhensif, comme pour m'inciter à pour une fois être honnête.

-Alors j'ai vu juste, pas vrai ?

-... Je... Je ne vois pas de quoi tu parles...

-Ne joue pas la comédie, ça ne marche pas avec moi.

À ce moment là, j'étais dans un état d'angoisse que je n'avais jamais expérimenté jusqu'alors. Mon visage était si écarlate que ça ne servait à rien que j'essaie de le cacher et mes mains tremblaient avec tellement de force que j'en avais mal. Je n'en revenais pas. En une fraction de seconde, elle m'avait percé à jour et avait totalement inversé le rapport de force établi entre nous.

"Bien sûr que c'est vrai ! Mais comment tu t'en es rendu compte ?! Si tu l'as vu, alors les autres... Haa, que vont-ils dirent ?! Ils vont tous me trouver répugnant... Et si Noé l'apprend ?! Il va..."

-Vanitas !

Je fus violemment tiré de mes pensées, et me rendis compte que j'étais sur le point de pleurer, chose que je pensais avoir oublié depuis longtemps. Je repris quelque peu contenance en sentant les mains chaudes de Jeanne serrer les miennes. Alors que j'osais enfin lever mon regard embué vers elle, je fus immédiatement frappé par la douceur qui brillait dans ses yeux et le sourire qu'elle me fit.

-Vanitas, calme toi. Si je suis venue te parler de ça, c'est pour t'aider. Je ne veux ni me moquer de toi ni te juger.

En l'entendant me dire ça, moi qui était si méfiant d'habitude, je n'eus plus aucun doute sur sa bonne foi, sans que je puisse me l'expliquer. Je crois que j'étais juste fatigué de devoir tout le temps me cacher. Soulagé, je fermai les yeux et poussai un soupir, et me laissai glisser contre la rambarde du balcon avant de m'asseoir par terre, rejoint par Jeanne qui s'assit près de moi.
Et je me mis à lui parler. À lui parler de la première fois ou j'avais senti une curieuse sensation quand Noé était avec moi. Lui parler de la fois où il avait pour la première fois glissé sa main si chaude dans la mienne. La fois où j'avais été jaloux de sa proximité avec une autre. La fois où il m'avait sauvé dans la frontière avant de s'énerver violemment sur mon imprudence, lui qui était d'habitude si calme, poussé à la rage par l'inquiétude. La fois où j'étais moi même énervé par son pseudo mépris, et qu'il m'avait dit exactement ce que j'avais besoin d'entendre, sans même que je le sache moi même. La fois où il m'avait enlacé, et que son étreinte m'avait fait ressentir des sensations inconnues jusqu'alors. La fois où je m'étais réveillé dans ses bras, et que au fond de moi, j'aurais espéré rester comme ça pour toujours. La fois où j'avais voulu renoncer à mes sentiments, mais que j'avais vite compris ne pas pouvoir m'y résoudre.
Je lui parlai de son visage, maintenant si cher à mon coeur. De ses magnifiques cheveux blancs qui retombaient en mèches désordonnées sur son doux visage et que j'avais tellement envie de caresser et d'enfouir mes mains à l'intérieur. De ses yeux d'une si belle couleur rose qui brillaient toujours de cette lueur si spéciale et qui avait le don de me faire fondre. De ses lèvres brillantes et si bien dessinées qui me donnaient l'impression que des centaines de papillons s'envolaient dans mon ventre. De ses muscles si bien sculptés sous sa peau brune.
De la façon qu'il avait de faire une petite moue triste quand il se savait en faute ou de pencher la tête sur le côté à la manière d'un chiot pour manifester son incompréhension. La façon qu'il avait d'être toujours doux et de ne jamais s'énerver sauf quand il s'inquiétait pour les autres. La façon qu'il avait, à mon grand malheur, d'être toujours si séduisant et parfait dans ses moindres faits et gestes sans même s'en rendre compte sans que je ne puisse rien faire pour réprimer mes désirs.
Je lui parlai de tout ce qui m'avait fait tomber amoureux de Noé.

"Tu étais là" Vanitas x NoéWhere stories live. Discover now