Dans ce monde... dernière partie - Peter

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Je suis obèse.

Je voulais commencer par ça. Ainsi, je suis assuré que vous ne le direz pas dans mon dos, puisque je l'ai fait le premier. Et je sais, j'ai un peu volé la réplique à pitch perfect.

Je vais ajouter aussi, pour continuer sur ma lancée : non, je ne suis pas un bouffeur de bonbons. Non, je ne reste pas assis sur mon derrière à regarder la télévision. Je suis le guide alimentaire canadien scrupuleusement — excluant la partie sur le Tim Hortons et le sirop d'érable — et je fais du vélo pour aller et revenir de l'école, ce qui me fait environ trente minutes d'activités physiques tous les jours, sans compter de gym. Parfois, je reste même après les cours pour profiter du terrain de tennis et y jouer avec mes amies. J'aime courir et faire du sport, j'y donne toujours mon cent-dix pour cent. Je voudrais perdre du poids, mais je dois avoir un métabolisme particulièrement têtu, parce que rien n'y arrive pas.

Ma mère dit que ça en fait plus à aimer. Ce n'est qu'une façon comme une autre de voir les choses. En même temps, qui est-elle pour me juger ? Je suis obèse depuis mes débuts, alors même que je venais tout juste de naitre. J'étais un bébé Michelin. Je suppose donc que, s'il faut rejeter la faute sur quelqu'un — pas que je la tiens pour responsable de tous mes malheurs, au contraire, mais c'est juste pour dire —, ce serait la sienne.

Mais que voulez-vous, la vie est une chienne. Il faudra faire avec.

҉

Parfois, j'allais aussi à la bibliothèque pour lire un peu, le temps d'une heure ou deux. J'aimais un peu de tout : science-fiction, fantastique, fantasy et horreur étaient mes genres de prédilection, mais il m'était arrivé quelques fois d'adorer des histoires d'amour bien niaises. Celles-là, je les gardais pour moi, préférant ne pas les partager avec mes amis. Ils n'avaient pas besoin de tout savoir...

Aujourd'hui, j'étais tombé sur une histoire d'horreur, avec des monstres sans tête et des vers dégoutants qui provoquent une mort atroce. Un auteur bien connu pour un bouquin qui était passé complètement inaperçu. Je n'avais eu le temps que de lire une centaine de pages qu'il était déjà six heures. À la maison, le souper devait être bientôt près, et je détestais manger froid.

Avec regret, je refermai le livre au moment où un nouveau personnage particulièrement louche faisait son arrivée. J'allai au comptoir pour l'emprunter et le ramener avec moi, puis le glissai dans mon sac avant de quitter la bibliothèque. J'avais laissé mon vélo près de la porte d'entrée avec un cadenas pour l'accrocher à un petit lampadaire recourbé. Le chemin de trois mètres devant la bâtisse était bordé de ces lampadaires d'un style très vieillot, mais je trouvais que ça faisait plutôt joli.

Je sortis une clé de la poche de mon jean et déverrouillai le cadenas pour ensuite entourer la chaine sur le guidon. Je grimpai sur la selle, la main gauche serrée sur le frein pendant que je m'installai correctement. Je fis tourner les pédales avec le dessus de mon pied droit, puis donnai un coup en même temps de lâcher les freins pour une bonne propulsion. Juste comme je commençai à aller assez vite, je sentis quelque chose se bloquer et je fus éjecté loin de mon vélo, roulant sur le trottoir et le gazon. Étourdi, je regardai autour de moi et mon cœur fit un saut dans ma poitrine quand je compris ce qui venait de se passer.

Trois des pires brutes de l'existence m'entouraient. Tous vêtu de noir, de chaines et de piercings, on aurait dit les membres d'un groupe de rock métal. L'un, tout près de mon vélo renversé, faisait tourner une baguette de batterie entre ses doigts, un grand sourire aux lèvres.

— J'arrive pas à croire que t'as réussi ! s'écria celui qui s'appelait Baptiste — un nom parfait pour le petit caïd qu'il était. Genre, t'as lancé la baguette, juste comme ça, et VLAN ! Droit dans les roues !

Le monde d'à côtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant