... et celui d'à côté. Dernière partie - Théo

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J'avais marché aussi lentement que possible, mais en à peine vingt minutes, j'étais de retour à la maison. Si cette histoire étrange de rosier et de champ désertique m'avait un peu fait oublier l'essentiel, tous les détails m'étaient revenus en mémoire, la culpabilité y compris. Les mains dans les poches et la tête basse, j'avançais le dos voûté comme un vieillard jusqu'au balcon envahi de fleurs. Certaines étaient encore belles, mais la plupart n'étaient plus que des tiges avec quelques pétales froissés, souvenir d'une heure plus tôt, quand j'avais sauté dessus pour les piétiner. Je soufflai platement entre mes lèvres, donnai un coup de pied dans un bouquet de tulipe et entrai dans mon domicile.

Une fois la porte refermée derrière moi, je me permis de lever la tête. Juste assez pour lancer un regard à la ronde, m'assurant que mon père n'était pas en vue, pour ensuite la baisser à nouveau et foncer vers ma chambre. J'avais besoin d'être seul, de me vider l'esprit. Il fallait absolument que je me change les idées, avant de devenir fou.

҉

Je m'étais un peu plus vidé l'esprit que prévu. Je m'étais endormi. Va savoir comment, moi qui étais devenu légèrement insomniaque, mais il faut croire que j'étais vraiment épuisé. Désorienté, je m'assis sur mon lit et me mis à chercher mon téléphone. Il n'allait jamais loin, et quand je le trouvai enfin, il s'était glissé sous mon oreiller. Je voulus m'en servir pour voir l'heure, mais il refusa de s'allumer. J'avais dormi si longtemps que la pile s'était déchargée ?

Je me levai, le pas chancelant alors que j'avais les idées toujours confuses du rêve particulièrement tordu que j'avais fait, et me penchai à la fenêtre, tentant d'estimer l'heure par l'inclinaison du soleil. Il n'avait pas bougé, démontrant un début de soirée, peut-être cinq ou six heures. Ce qui voulait dire que j'avais dormi, au maximum, vingt minutes. Il était possible de faire un rêve aussi étrange en si peu de temps ?

J'étais trop curieux. J'avais besoin de savoir l'heure qu'il était vraiment. En même temps, je n'avais pas envie de voir mon père, mais il fallait faire un choix. Mon père, j'allais le croiser encore bien souvent, que je le veuille ou non. Si on en était pour se détester, ce n'était surement pas une banale question qui fera définitivement pencher la balance d'un sens ou dans l'autre.

Résigné, je sortis de ma chambre et allai à la cuisine. Je regardai au-dessus du four, mais là encore, l'heure n'était pas inscrite. Une panne de courant ? J'allai cette fois au salon pour voir le boitier sous la télévision, qui normalement affichait l'heure et l'état du réseau internet. Aucune petite lumière n'était allumée. La panne de courant était donc véridique.

— Papa ?

Puisque ma dernière chance était sa montre, je n'avais plus le choix. J'allai à sa chambre, qui était vide. Je me tournai vers la salle de bain, dont la porte était close. Je frappai deux fois de suite, avant de réitérer mon appel.

— Papa ? T'es là-dedans ?

Aucune réponse. Je soupirai en baissant la tête, sentant mon cœur se contracter douloureusement. Je déglutis avant de prendre mon courage à deux mains.

— Papa, je sais que t'es là... je suis pas venu te déranger. En fait, j'ai seulement besoin de savoir l'heure. Je sais que t'as une montre.

Le silence s'installa, oppressant. Je grimaçai, tentant de contenir mes sentiments. Il me détestait à un point dont il se refusait catégoriquement de parler ?

Peut-être qu'il attendait de moi des excuses, mais il n'en aura pas. Ça ne servirait à rien de gaspiller ma salive pour quelques petits mots du genre « désolé, j'ai pas fait exprès ». Aucun terme n'était assez puissant pour exprimer ce que je ressentais, et ce n'était certainement pas un banal « désolé » qui allait faire revenir ma mère ou me faire pardonner par mon père.

Le monde d'à côtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant