Back to the future. Deuxième partie - Théo

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J'avais l'impression d'avoir dormi, au bas mot, trois ou quatre vies. Mais au réveil, je n'avais qu'une seule envie ; dormir encore plus. J'avais un mal de crâne à se frapper la tête contre le mur, la bouche sèche au point que j'étais sûr que du sable allait en tomber si je l'ouvrais. Mes oreilles bourdonnaient comme un million d'abeilles, et mes paupières étaient lourdes comme si elles étaient collées par le miel.

Mais quoi de plus normal ? Nous étions dimanche. J'avais vu ma mère se faire enterrer aujourd'hui.

En plus, j'avais fait un rêve de dingue. J'étais dans le film Avatar et j'étais Jake Sully. Ces extraterrestres bleus m'avaient fait prisonnier, m'avaient frappé la tête contre leur arbre géant à plusieurs reprises, et l'un avait dit quelque chose comme : « ça va lui faire mal de chien, mais au moins, les conteurs seront remis à zéro ». Ensuite, il s'était tourné vers un chien pour s'excuser de l'expression. Et pour finir, ils avaient coupé ma tresse.

Je m'assis dans mon lit, m'appuyai contre le mur et frottai mon visage de mes mains. Quel rêve de con. Et pourtant, j'avais l'étrange conviction qu'il y avait un double sens.

J'avais l'impression que mon cerveau allait glisser par mes oreilles. Malgré l'envie de rester étendu toute la journée, je ne pouvais pas le supporter. Je me levai, lentement, une jambe à la fois, puis tanguai d'un pied sur l'autre tout en faisant des petits pas.

Je vais vomir... Je veux pas vomir... il faut que ça sorte...

Je m'appuyai d'une main contre les murs de ma chambre, contre la bordure de la porte, dans le corridor, jusqu'à la salle de bain. J'agrippai le lavabo à deux mains, penché pour me rapprocher de mon reflet. Ma peau était blême et luisante, j'avais des cernes rouges et énormes sous les yeux.

Qu'est-ce qui m'arrive ? J'ai mangé un truc pas frais ?

Tout en ouvrant le miroir pour prendre les Advil qui se cachaient derrière, j'essayai de me rappeler la journée, ce qui aurait pu causer mon état. À mon dernier souvenir, j'étais dans la cour arrière de l'église, dans le cimetière, à regarder le cercueil de ma mère descendre lentement sous terre. Mon père et moi, on était revenu ici, et des gens nous avaient suivis pour nous apporter du soutien. J'avais été directement dans ma chambre et je m'étais endormi en broyant du noir.

Je n'avais rien mangé de très sophistiqué. Des sandwichs, des plats réchauffés. Une pomme ou des céréales. Si c'était quelque chose là-dedans qui m'avait rendu malade, je ne voyais pas quoi.

J'avalai deux gélules, songeant que mon mal était trop intense pour être enrayé par un seul, puis allai m'assoir à même le sol, près de la toilette, au cas où. J'avais toujours cette envie de vomir qui me compressait l'estomac et je ne voulais pas que ça sorte alors que je serais retourné dans mon lit. Je fermai les yeux, attendant que ça passe. Je ne pouvais rien faire de plus.

҉

Je crois bien que je m'étais endormi, le front appuyé contre la cuvette, quand j'entendis la porte de la salle de bain grincer. J'ouvris un œil vitreux pour apercevoir mon père, qui me dévisageait avec inquiétude. Passé la surprise, il s'avança vers moi.

— Qu'est-ce que tu fais là ? Tu vas bien ?

Je secouai la tête et lui fis un petit sourire crispé. Je ne savais pas combien de temps s'était écoulé, mais les médicaments ne m'avaient fait aucun effet. J'avais toujours aussi mal partout.

— Je suis malade, dis-je d'une voix rauque.

Papa s'agenouilla devant moi et posa sa main sur mon front. Je vis l'inquiétude dans ses yeux, et il se redressa pour aller cette fois vers la pharmacie derrière le miroir. Il sortit un thermomètre d'un étui et me le mit dans la bouche comme un biberon. Je pouffai d'un petit rire en me laissant faire, glissant le bout sous ma langue.

Le monde d'à côtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant