Théo, ou l'amour de la littérature. Première partie - Théo

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Je déteste les livres.

À quoi bon lire quand on peut regarder un film ? À quoi bon s'instruire quand les classiques ne sont plus du tout représentatifs de la vie moderne ?

J'aperçois parfois des gens ouvrir un bouquin et se coller le nez dedans comme si c'était de la cocaïne. Ils peuvent dire ce qu'ils veulent ; en réalité, un livre, ça pue. Et la coke, c'est dangereux.

En plus, on doit faire super attention de ne pas abimer la couverture ou plier les pages, sinon, la petite bibliothécaire, elle devient hystérique. Alors vraiment, je ne vois pas du tout l'intérêt.

Mais il faut croire que, peut-être, ce ne sont pas tous les livres qui sont nuls. J'insiste sur le peut-être.

— Théo, t'es encore là-dedans ?

Je sursautai en levant les yeux vers la porte de la chambre. Au début, quand j'y étais entré, elle avait des murs blancs, un lit blanc et un meuble blanc. Mais au bout de quelques minutes, elle s'était adaptée à mes gouts. Murs noirs, lit noir et meuble noir. En prime, quelques affiches de mes groupes de rock préférés scotchés un peu partout.

— Amy ? Je croyais que t'étais partie.

— Oui... hier. On est le matin, Théo, les cours n'ont pas encore commencé.

Je baissai les yeux vers le journal entre mes mains. Il était vraiment captivant.

— Je peux entrer ?

— Non !

Mais elle avait déjà tourné la poignée, sa tête dépassant de l'entrebâillement. Je m'empressai de me cacher derrière le livre, l'ouvrant à une page au hasard pour le mettre devant mon visage. Mais au silence qui se prolongeait, je compris tout de suite qu'Amy m'avait remarqué. Elle s'approcha pour s'assoir au pied de mon lit et je pris mon courage à deux mains pour abaisser à nouveau le carnet, croisant son regard.

— Tes yeux sont rouges. T'as fumé ?

Je pouffai de rire à la question. Non, je n'avais pas fumé. Mais j'aurais dû, ça m'aurait fait une bonne excuse.

Je secouai la tête de gauche à droite. À quoi bon mentir ? Je ne pouvais pas garder ce que j'avais découvert pour moi.

— J'ai pleuré, avouai-je piteusement.

En âme charitable, je fis une pause, laissant la possibilité à Amy de se moquer de moi, mais elle n'en fit rien. Elle fronça seulement un peu les sourcils d'incompréhension.

— C'est le livre qui t'a fait pleurer ? Mais... c'est juste un petit mélange de manuel d'instruction et journal intime super vague.

— Je sais. Mais pour la partie journal intime, j'ai reconnu quelqu'un.

Je reniflai, ravalant l'émotion qui était coincée dans ma gorge, puis l'ouvrit à la page en question. Toute l'information était réunie en quelques paragraphes, dont j'avais passé la nuit à relire en boucle.

— C'est une règle qui est écrite au tout début... de ne pas donner notre nom ni trop d'indices sur notre personne. C'est une bonne idée, je trouve, puisqu'on ne sait pas vraiment qui sera les prochains qui se retrouveront avec ce carnet. (Je pris une pause, levant les yeux vers Amy. Elle était silencieuse, ne voyant toujours pas où je voulais en venir.) C'est simple, pourtant. Ceux qui sont venu ici avant nous n'étaient pas des ados, plutôt de jeunes adultes. Ils parlent pas d'école, mais d'université et de boulot.

— Je sais, Théo. On l'a tous lu avant toi, ce livre...

J'ignorai son commentaire. J'étais peut-être le dernier à lire, mais j'étais visiblement le premier à comprendre quelque chose.

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