Théo, ou l'amour de la littérature. Deuxième partie - Xilena

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C'était un hurlement de rire. Le rire le plus intense que je n'avais jamais eu. J'en avais mal au ventre et les larmes aux yeux, les jambes étroitement serrées l'une contre l'autre pour éviter un jet.

Peut-être que ce n'était pas si drôle que ça. Je crois même que c'était plutôt insultant de réagir comme je le faisais. Mais j'étais un peu nerveuse, depuis hier soir. Car évidemment, il y avait eu un petit contre-effet concernant mon vœu...

J'aurais dû le prévoir. Moi, tout ce que je voulais, c'était que mon père arrête de me frapper quand je ne faisais pas de note parfaite. Mais j'avais mal formulé mes désirs, et j'en avais pris conscience beaucoup trop tard.

Hier soir...

La professeure avait montré à mes parents mes résultats jusqu'à maintenant dans chaque matière. Elle avait mis un peu d'accent sur le cours d'activité physique, où je ne donnais pas assez d'effort, selon les remarques qu'avait laissées l'entraineur. Mais à part ça, j'étais dans le top trois dans tout le reste. Quelqu'un de normal aurait été heureux d'entendre ça, mais moi, ça m'avait mis les nerfs en pelote. Si j'étais dans le top trois, ça voulait dire que je n'étais pas dans le top un. Quelqu'un était meilleur que moi, et je n'eus aucune difficulté à me représenter qui : Sheldon le rouquin. Et fort malheureusement, mes parents avaient compris exactement la même chose que moi.

Sur le chemin du retour, j'avais croisé Peter. J'avais été un peu rude, mais ce n'était pas contre lui ; mon esprit était ailleurs, loin de cette conversation. Malgré mon vœu, j'avais peur. Et j'avais bien eu raison d'avoir peur.

Arrivés à la maison, mes parents m'ont dit de m'assoir sur le canapé du salon. Ils voulaient me faire un petit sermon, mais comme j'en étais bien consciente, ça finissait toujours par quelques coups. Mais ça va, il ne pouvait rien contre moi, mon vœu l'en empêchait.

Il leva le poing, mais le laissa retomber mollement contre son flan. À trois reprises. À la quatrième, il se calma et préféra, un peu perdu, se contenter de mots. Enfin, de sa main ouverte, il tenta de me toucher l'épaule en un geste étrangement réconfortant.

Et là fut le problème ; même ça, il en était incapable.

À ses yeux, c'était comme si j'étais protégée d'un champ d'électricité statique. Plus il essayait de m'approcher, plus la sensation semblait être désagréable, jusqu'à ce qu'elle soit insupportable. Trois centimètres étaient sa limite.

La magie ne faisait pas la différence entre un geste d'attaque et un geste de gentillesse. En ce qui concernait « ne plus jamais lever la main », une expression utilisée pour désigner frapper quelqu'un, c'était trop flou. Tout ce qui incluait de lever la main — la poser sur mon épaule pour un peu de réconfort, ou même un câlin — c'était à oublier. Venant de mon père, je n'en recevrais plus jamais.

Si je m'étais enfin débarrassée de ses pires côtés, j'avais aussi perdu ses meilleurs. Et j'avais bien l'impression qu'il s'en était rendu compte, par le regard indéchiffrable qu'il m'avait lancé, avant d'abandonner la cause et de me laisser seule dans le salon.

Il ne restait plus qu'à ce qu'il m'accuse de sorcellerie. Ce serait le comble, mais pas du tout impossible, venant de lui. Il était peut-être étroit d'esprit, mais il avait tendance à envisager les pires hypothèses.

Je me sentais mal. J'aurais dû écouter Branda et ne jamais dire jamais. D'ailleurs, ce n'était pas qu'une consigne pour la magie, mais bien en tout. Ne plus jamais dire jamais, ce sera mon mantra... et donc, en toute logique, il est faux que mon père ne me touchera plus jamais. Un jour, j'aurais un câlin. Je suis déterminée.

Le monde d'à côtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant