7- ARIA

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- Maman, j'y vais !

J'attache mes cheveux bruns en un chignon négligé, réajuste mon pull ample blanc, le rentre dans mon jean taille-haute noir, et enfile mon long manteau beige en soupirant. Foutue routine. Cela fait un mois que je ne danse plus et les jours défilent à une vitesse si lente que j'ai l'impression d'avancer au ralenti. Cela fait aussi un mois que tu as couché avec Sam... me murmure ma conscience.

J'efface cette pensée de mon esprit et dévale les escaliers de l'immeuble. Betty est garée devant chez moi, comme à son habitude.

- Grouille-toi, Aria. On est en retard, me lance t-elle

Je monte dans sa voiture tandis que Betty repasse une couche de son rouge à lèvres préféré sur ses lèvres pulpeuses. Le rouge obscur de chez Chanel. Betty ne sort jamais sans s'en appliquer une couche plutôt généreuse.

- Comment va Joyce ? me demande t-elle

Je fixe la vitre, ainsi que les arbres et les immeubles qui défilent devant moi, ne souhaitant pas particulièrement parler de ma mère.

- Elle dort. Elle est rentrée tard. Avec un mec.

Je n'ajoute rien, et Betty ne me demande pas de le faire. Je lui en suis reconnaissante, la situation étant déjà assez humiliante.

- Sam n'est pas hyper bien en ce moment. Je crois qu'il a du mal à te comprendre, m'avoue Betty

C'est totalement normal. Moi-même je ne me comprends pas. Mais cette nuit là... je n'étais pas dans mon été normal, et pourtant, je ne regrette rien. Et je sais que je pourrai me laisser aller avec lui, probablement tomber amoureuse, m'attacher et... finir par souffrir. Sauf que je n'ai pas besoin de ça. Pas maintenant. Alors j'ai préféré me tenir éloignée de lui durant ce dernier mois. Je sais que je lui ai fait du mal, mais je lui en ferai plus en le laissant croire à quelque chose qui n'a pas d'avenir.

- Je l'aime beaucoup. Mais je ne veux pas être en couple, Betty. Ni avec lui, ni avec personne. J'ai d'autres problèmes à régler...

Je bouge ma cheville en prononçant ces mots et remarque, désespérée, qu'elle me fait toujours un peu souffrir. Le concours est dans un mois. J'y participerai.

- C'est ça ton problème, Aria. Tu t'enfermes dans tes soucis et tu fermes les yeux sur le reste du monde. Oui, ta vie n'est pas facile. Oui, ton rêve s'est envolé en fumée. Oui, ta mère est complètement pommée. Mais tu es là, Aria. En vie. En bonne santé. Alors profite, merde, et arrête de voir la vie en noir. Y'a tellement d'autres couleurs plus sympas...

Elle a raison. Je sais qu'elle a raison. Mais une petite voix en moi, présente depuis toujours, ne cesse de me murmurer les côtés négatifs de mon quotidien. Lorsque ma mère se souciait encore de moi, elle m'avait emmener voir une psychologue. Elle avait longuement discuté avec moi. Pendant des heures. Et avait fini par dire à ma mère que j'avais des tendances dépressives, que cela passerait avec le temps, et qu'il fallait simplement prendre soin de moi. Elle avait tort. Ça n'est pas passé avec le temps, je dirais même que cela a empiré.

J'essaye pourtant de la faire taire. De donner à cette voix des raisons de disparaître. Mais celles qui la font rester parviennent toujours à prendre le dessus. Et elle me pourrit la vie. Je me pourris la vie.

- Je vais y songer, réponds-je à ma meilleure amie sans grande conviction

Betty se gare sur le parking du lycée, et nous descendons de sa voiture toutes les deux. Elle se dirige vers l'entrée du bâtiment, la tête haute, les cheveux redressés en une queue de cheval dégageant l'intégralité de son visage. Elle porte un col roulé coloré à rayures, ainsi qu'un jean mom et une paire de converses rouge, sans oublier sa fameuse veste en jean. La vérité c'est que Betty pourrait venir habillée en sac poubelle, elle attirerait toujours l'attention des autres lycéens et serait tout de même admirée.

ABÎMÉSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant