19- ARIA

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Le froid de décembre s'abat sur Glens Falls, et alors qu'un premier flocon de neige tombe sur le bout de mes bottes marrons à fourrure, j'en saisi un second et il fond instantanément lorsqu'il entre en contact avec ma main brûlante. Il est glacé, et je suis en feu. Depuis que Betty a disparu, il y a maintenant presque un mois, je ne cesse de brûler de rage.

Contre moi, contre elle, contre le monde entier. Seulement je sais que cette rage enflammée ne pourra pas me la ramener. Et que si... si jamais elle est encore là, et qu'elle va bien, seul le temps sera capable de la faire revenir à moi.

Mais c'est trop dur d'attendre. Encore plus lorsque nous n'avons aucune nouvelle d'elle. Nous ne savons pas où elle, ce qu'elle fait et pire... si elle va bien. Lorsqu'ils sont rentrés de leur voyage d'affaires, il y a quelques semaines maintenant, et qu'ils ont appris que leur fille avait disparu, Lenny et Jessica Anderson ont engagé les meilleures détectives, inspecteurs, et policiers du pays afin de retrouver Betty. Mais il semble que cela n'ait servi à rien : elle demeure introuvable.

Je ne cesse de prier, et de pleurer, chaque soir, pour qu'elle revienne rapidement, saine et sauve. Mon concours de danse est dans quelques jours, et malgré tous les efforts que je fais, pour rester debout, ne pas chuter, me concentrer et m'entraîner afin de me perfectionner... j'ai l'impression d'être meurtrie à l'intérieur. Car il me manque ma meilleure amie. Lorsque mon père s'est barré, que ma mère est tombée en dépression, et qu'on a dû abandonner notre maison contre un petit studio en centre-ville, j'ai vraiment cru que mon monde s'était effondré. Mais en réalité ce n'était rien comparé au manque, à la peine, et à la douleur que je ressens depuis que mon véritable pilier m'a quitté.

Samuel tente de me réconforter, de me faire garder espoir, de m'épauler et de m'aimer du mieux qu'il peut. Mais la vérité, c'est que le soir, lorsque je m'endors dans son lit, je l'entends pleurer pendant des heures silencieusement, et alors je sens mon cœur se briser définitivement. Il tente de garder le sourire, et de se montrer fort devant moi, mais mon petit-ami est aussi anéanti que moi par la disparition de Betty. C'est sa sœur, sa jumelle, et d'une certaine manière, une partie de lui-même. Il l'a connaît depuis toujours, et aujourd'hui il doit apprendre à avancer sans elle. Je sais que c'est terriblement dur, et les cernes sous ses yeux, ses traits constamment fatigués, ainsi que l'obscurité régnant dans ses iris auparavant si lumineux, témoignent de son mal-être quotidien, depuis que sa sœur ne donne plus de nouvelles.

Une brise glaciale fait virevolter mes cheveux, et je presse mon manteau contre moi en rentrant dans le commissariat. Je me suis souvent rendue ici ces derniers jours, afin d'obtenir des informations sur l'enquête, et sur Betty, mais en vain. Alors quelle fut ma surprise, ce lundi matin, lorsque ma mère m'a annoncé que j'étais convoquée au commissariat de Glens Falls, à propos de l'affaire Anderson. Lorsque j'entre dans le bâtiment de police, une atmosphère funèbre, sombre, et solennelle me frappe en pleine face. Ç'est comme si il faisait plus froid ici, qu'à l'extérieur.

Je regarde autour de moi, cherchant l'endroit où je dois me rendre, lorsqu'une femme noire, approchant la cinquante environ, habillée en uniforme de police, et au regard chaleureux se dirige vers moi.

- Mademoiselle Stewart, nous n'attendions plus que vous...

Je la dévisage, le regard rempli d'incompréhension, et elle presse mon épaule tout en me fixant avec tendresse et bienveillance.

- Excusez-moi, j'en oublie de me présenter. Je suis l'inspectrice Parody, en charge de l'enquête concernant la disparition de votre amie, Elizabeth Anderson.

Je hoche la tête, comprenant mieux la situation.

- Vous voulez bien me suivre dans mon bureau ? Les autres nous attendent.

ABÎMÉSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant