Sir Reginald regagna la maison et profita de l'absence de son fils pour raconter son entretien à sa femme et sa fille. Il était extrêmement soulagé d'avoir eu cette franche discussion et rassuré sur les intentions de Regy. Si Catherine dû reconnaître que les explications de son frère étaient plausibles, elle ne pouvait franchement y ajouter foi, sachant pertinemment de qui elles venaient. Le regard qu'elle échangea avec sa mère lui prouva qu'elle n'était pas la seule à conserver des doutes. Elle embrassa cependant son père et le tranquillisa du mieux qu'elle pût puis le conduisit à sa chambre pour qu'il puisse se reposer un peu.
Aussitôt revenue dans le salon, la conversation entre sa mère et elle reprit de plus belle.
« Ton frère peut dire ce qu'il veut mais il semble tellement déterminé à penser du bien de cette grue que je ne suis pas du tout rassurée.
— Chut, parle moins fort, j'ai peur qu'elle nous entende, l'avertit Catherine.
— Ce que ça peut être agaçant qu'elle soit venue vous rendre visite. Non seulement elle nous cause beaucoup de peine et d'inquiétude mais en plus tu ne te sens même plus libre de penser dans ta propre maison.
— Ne m'en parle pas.
— Enfin, le plus important pour le moment, c'est que ton père soit rassuré.
— Oui, c'est au moins ça. Pour ma part, cette discussion prouve seulement qu'il ne se passe rien entre eux pour le moment, mais rien ne dit que ce ne sera pas différent dans trois semaines ! Et elle semble déjà s'être confiée à lui sur de nombreux sujets ! Ça me chagrine vraiment de savoir qu'il est remonté contre moi mais je suppose que je ne pourrai pas m'attendre à autre chose tant qu'il aura autant à cœur de prendre le parti de Susan. D'après ce que nous a rapporté papa, il semble qu'il me tient pour responsable de tous les malheurs du monde et j'espère vraiment que je ne me suis pas laissée emporter par mes préjugés comme il le prétend. Pauvre Susan !
— Pauvre Susan, n'exagérons pas tout de même !
— Non, tu as raison et Dieu sait si j'ai de quoi justifier mon antipathie pour elle mais avec tous ces chamboulements, j'ai oublié de te raconter ce qui s'était passé ce matin et je dois dire que sur ce sujet, je ne peux m'empêcher de la plaindre.
— Je suis toute ouïe ma chérie. »
Et Catherine s'empressa de relater à sa mère tous les évènements de la matinée : le coup de fil de Miss Summers, Charles qui s'était porté volontaire pour arranger les choses, Regy qui ne cessait de dire que cette fille était décidément bien bête, reflet peu reluisant de la manière dont sa propre mère avait dû la lui dépeindre, et Susan qui paraissait plus ou moins affligée selon le public et l'heure de la journée. La conversation se poursuivit autant que la tranquillité le lui permit et elles eurent au moins la satisfaction de penser que quoi qu'il arrive à l'avenir, elles auraient tout tenté pour sauver Regy des griffes de Susan. Il ne leur restait plus qu'à s'en remettre à la Providence.
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Susan, de la fenêtre de sa chambre, ne manqua rien de l'arrivée des parents de sa belle-sœur, de l'air furieux de l'un et paniqué de l'autre et de Regy qui suivait son paternel tête baissée vers la forêt comme un petit enfant pris en faute. Et elle se délectait du spectacle. Ayant averti qu'elle se reposait, elle disposait de l'excuse parfaite pour ne pas se montrer et jugea que tout ce remue-ménage lui procurait la diversion adéquate pour appeler son amie. Bien que la petite scénette qui venait de se jouer avait quelque peu amélioré son humeur, elle avait rarement été aussi contrariée que le matin même lorsqu'elle avait appris le comportement insensé de sa fille. Alicia, comme si elle avait pressenti que ce n'était pas un jour à mettre à l'épreuve la patience de son amie, décrocha dès la première sonnerie :
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Lady Susan (adapté de l'oeuvre inimitable de Jane Austen)
FanfictionAprès la mort de son mari, et alors qu'elle a dilapidé toute sa fortune, Lady Susan se retrouve contrainte de revoir son niveau de vie à la baisse. Exposée aux rumeurs les plus désobligeantes mais non moins vraies, elle décide, à contrecœur, de s'in...