Un monstre

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Un rasoir. Voilà ce que les amis de Liliana lui ont offert pour son anniversaire. Un rasoir. Un rasoir violet. Orné d'un petit ruban rouge.

-Beurk, t'a vu, elle a plein de poils-

-Dit, tu pourrais pas t'épiler ? Franchement, tu me dégoûte, fait des efforts-

-Hey, Chewbacca !-

-T'a vu comment elle est poilu ? On dirai un mec-

-Salut l'orang-outan, toujours aussi poilu à ce que je vois-

Ces remarques, incessantes, grandissantes, envahissantes, Liliana en a marre. Pourquoi les gens ne regardent que ses poils ? Ce n'est pas de sa faute après tout. Et puis, s'épiler, c'est bien, mais quand on a que les jambes ou les aisselles à faire. Quand c'est le corps entier, c'est plus compliqué. Liliana n'y peut rien si elle est poilue. Ce n'est pas de sa faute, si ? Il y a d'autres choses à regarder. Et pourquoi ne regarder que le physique ? Personne ne fait attention à ce qu'elle est à l'intérieur. Pour eux, seul l'apparence compte.

Quand Liliana se lève, elle se dit qu'il va encore falloir se confronter à ces indigènes sans cervelles.

Quand Liliana marche dans la rue, elle tire ses manches et baisse la tête pour que personne ne la remarque.

Quand Liliana se change dans les vestiaires, elle se cache dans un coin et enfile sa tenue le plus rapidement possible.

Quand Liliana a chaud, elle ne met pas de t-shirts, elle continue de porter des manches longues.

Quand Liliana doit aller à la piscine, elle se fait dispenser par n'importe quel moyen, même si elle doit vraiment se blesser.

Quand Liliana regarde les garçons, elle se demande pourquoi eux ont le droit d'être si poilu, plus qu'elle, mais qu'elle non.

Quand Liliana fait les magasins, elle ne prend que des vêtements qui la cache, qui cache ce dont elle a honte, qui cache ses poils.

Quand Liliana fait du tri dans sa garde-robe, elle jette tous les t-shirts et les shorts qu'elle a.

Quand Liliana pleure, c'est toujours la nuit quand personne ne l'entend ou dans la journée quand personne n'est là.

Quand Liliana se regarde dans le miroir, tout ce qu'elle voit c'est un monstre poilu que personne n'aime.

Quand Liliana voit son reflet dans une vitre, elle a envie de la briser pour disparaître.

Quand Liliana prend son bain, elle a envie de s'y engloutir pour toujours et de ne plus jamais ressortir.

Quand Liliana mange, elle observe avec attention le couteau qui est posé si prêt d'elle, si près de sa main, si près de son coeur.

Quand Liliana va à la salle de bain, ce n'est pas pour se laver, ni s'épiler, c'est pour s'entailler et se couper.

Quand Liliana se pose près de la fenêtre, elle aimerai faire autre chose que simplement regarder le paysage.

Quand Liliana est avec ses amis, elle se force de sourire et de rire à leurs plaisanterie, tant que ça peut les rendre heureux.

Quand Liliana parle avec sa mère, celle ci lui reproche tout le temps d'être si poilue.

Quand Liliana pense aux autres, elle a des envie de meurtres et de sang.

Quand Liliana s'approche de quelqu'un par derrière, elle se dit qu'elle pourrait aisément le tuer à coup de couteau ou de bâton.

Quand Liliana pense ça, elle se dit que ce n'est pas bien et qu'elle est folle.

Quand Liliana saigne, elle se dit que c'est mieux comme ça.

Quand Liliana tombe amoureuse, elle abandonne d'avance.

Quand Liliana reçoit une lettre d'amour du garçon qu'elle aime, elle la froisse et la jette, car elle sait que c'est encore une plaisanterie.

Quand Liliana se fait crier dessus parce qu'elle n'a pas lu la lettre, elle s'excuse et s'en va sans un mot, même si elle a le coeur brisé.

Liliana a décidé de laisser tomber. Même si elle l'aime et qu'il l'aime, ce n'est pas bien. Elle est trop poilue. Elle va lui faire honte. C'est un monstre. On ne peut pas aimer un monstre.

Quand Liliana souffre, les autres sont heureux.

Alors autant partir. Peut être qu'en les laissant tranquille ils seront encore plus heureux.

Aller, va t'en. Personne ne veut de toi ici de toute façon. Va t'en. Sale monstre.

Sale monstre.

Sale monst...

Sale...

Sa...

Meurs.

Histoires au coin du feuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant