L'Avenir du Passé - Tome 1

Chapitre 1 : Inconnu Chez Moi

" Comment il peut savoir autant de choses sur toi ? " - Clark

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Journée pourrie. C'est triste, mais c'est ainsi.

Mon humeur s'est dégradée au fil des heures, et ce soir, je pourrais bien écraser Le Chat sans le moindre remord. Il a déjà failli y passer, d'ailleurs. C'est pas un problème en soi : un passage sous mes roues arrangerait plus son physique qu'autre chose... Mais ce genre de remarque, aussi anodines soient-elles, ne sont pas tolérées dans mon quartier. Ici, la niaiserie règne. J'habite à Boston, dans le quartier de Charleston. Petit appart, petit quartier, et voisins de plus de soixante piges. L'un d'entre eux est le propriétaire de ce satané Le Chat : Sullivan Marconi, italiano-américain qui affirme avoir soixante-deux ans à peu près chaque année. Ça pose pas de problème pour les cartes de vœux, vu qu'il en reçoit pas.

Quelle sale vie. Mais je crois qu'il s'y fait, comme je me fais à la mienne. 

Oui... C'est compliqué, on va dire. Passé trouble, envie de tout recommencer... Vous voyez le truc. J'ai appris à éviter toutes questions indiscrètes sur ma vie d'avant, et j'essaie d'avancer en me forgeant une nouvelle identité. C'est mieux comme ça, pour moi comme pour mon entourage. Devenir quelqu'un de bien, d'autonome, de respectueux...

- HEY !, hurlé-je en passant la tête par la fenêtre. Tu me rentres dedans, ducon !

- Merde !, me répond le chauffeur, derrière moi. Mettez vos warnings ou dégagez de là ! On peut plus circuler !

Je lorgne d'un sale air l'espace suffisant où cet abruti pourrait très bien passer. Il est né hier ou c'est comment ? De la merde dans les yeux, ce type ! 

- Tu vas me dire que t'as pas la place de me contourner, là ?!

- Non !

Il se fout de moi.

- Bah rase les buissons, cousin ! CIAO ! ... Oh, c'est pas vrai. LE CHAT, CASSE-TOI D'ICI !

Pour toute réaction, le rescapé félin de la Seconde Guerre Mondiale pousse un miaulement qui n'a rien d'attristant. Fais pas genre, bestiole ! Je lui aurais écrasé la queue, s'il en avait une... Ouais, je l'ai dit ; cet animal, je sais pas d'où il sort, mais il a vu la guerre, c'est clair.

- Sale gosse !, me crie le quadragénaire à bord de sa Ford, contournant ma voiture à contre-cœur. 

Je commente même pas. Quand il est exécrable, Monsieur Fray, ça veut dire que sa femme a encore gueulé sur ses posters de nanas en sous-vêtements. Il en a tellement besoin qu'il se refuse à les décrocher ! Madame Fray a pris quelques tours de taille depuis le mariage... Il faut dire que deux grossesses sont passées par-là. Mais Fray semble penser qu'il préserve sa propre jeunesse en sauvegardant ces posters hot. Pff... de toute façon, je me range aux arguments féminins. Des posters aussi chauds placardés dans le salon, ça fait tâche. Surtout quand on les voit de la rue. Et surtout pour un adjoint du maire. 

Il est un peu spécial, Monsieur Fray.

Je roule des yeux, dépitée, poursuivant ma route tandis que Le Chat se laisse rouler sur le bord de la chaussée. Je me gare à l'opposé de la  Ford des Fray, juste à côté de la voiture de patrouille du Shérif de Boston, et retire les clefs du contact. 

Aussitôt, une averse déroutante s'abat de plein fouet sur moi.

Saleté de journée de beurre de cacahuètes (ce dernier mot remplacera "merde" tout au long de ce chapitre, c'est mieux).

Ruminante comme jamais, je me précipite vers mon immeuble de beurre de cacahuètes, insultant le Maine trop pluvieux, le chauffeur trop con et mes godasses trempées. Je suis sortie de chez moi en sandales blanches, tellement il faisait chaud : me voilà bien, maintenant ! Météo bipolaire, va ! Je monte les escaliers du bâtiment, direction le premier étage, puis déverrouille la serrure de la porte d'entrée, la première à droite. J'entends Matthew Fray arriver en bas, aussi agacé que moi.