Sentiments intelligents { TOME I, II & III}

TOME II | 19 : Crissement de pneu

Je m'arrêta, essoufflée. L'air semblait ne plus pouvoir pénétrer dans mes poumons. Un bruit étrange, tel un hénissement, sembla venir de sous mes pieds. Je détailla alors l'endroit où je m'étais arrêtée. Une longue route s'étendait derrière moi mais peu large. Des trottoirs très fins délimitaient les bords. Derrières eux, des barrières en fer donnaient sur le vide. Un pont ? Je releva ma tête et vit de grandes structures métalliques me surplomber. Je baissa ensuite la tête et tomba sur une sorte de terrain peu éclairé. En son centre, un jeune garçon courrait et tirait dans des cages de football. Il criait dès qu'il tirait dans l'objet rond à carreaux blancs et noirs. Je tenta de détailler le jeune footballeur mais le manque de luminosité ne me le permit pas. Mais qu'est-ce que je fais au juste ? J'ai autre chose à faire que de continuer à le regarder !

Je me remis alors en route mais un bruit m'inquiéta. Je n'y prêta pas de suite attention. Après tout un bruit étrange est un chose commune. Comment vivrions nous si à chaque bruit curieux nous arrêtions notre vie ? Puis, quelques minutes étant passées, j'entendis un bruit de moteur. Sûrement quelqu'un roulant rapidement. Hélas, cela ne s'arrêta pas là.

La suite des évènements sembla se passer au ralenti. Un bruit de musique forte accompagnait le crissement des pneus.

Des cris, sûrement ceux des passagers chantant, fûrent vite remplacés par des cris d'effroi.

La voiture semblait se rapprocher du pont. Je me retourna et vit une voiture de sport rouge décapotée.

Je distingua un homme au volant et l'un à l'arrière chacun accompagné d'une femme.

Leur vitesse affolante mélangée à l'alcool me fit frissoner. Le bruit des roues roulant sur le béton fût remplacé par un crissement strident dû au freinage soudain.

Je ne réussi pas à bouger et la scène se passa bien trop rapidement. La voiture passa le trottoir et fonça droit sur moi.

La panique m'empêcha de bouger, le pare-choc fonçant ainsi droit dans mes jambes.

Le haut de mon corps vint se plaquer contre le devant de la voiture tandis que mes jambes raclèrent le sol. La voiture ne s'arrêta pas là et percuta les barrières. Le choc fût si violent que mon corps presque inconscient - bien que j'aurais préféré qu'il le soit déjà - valsa au dessus des barrières, m'entraînant dans une chute de plusieurs mètres jusqu'au terrain que je détaillais quelques minutes auparavant.

Je chuta alors, les yeux encore ouverts. Le capot de la voiture dépasse du pont. La musique résonne encore. Néanmoins, plus personne ne chante. Non pas que leurs voix étaient mélodieuses, mais leurs derniers mots méritaient d'être plus glorieux.

Un autre cri différent de leur chant sonna. Un cri d'horreur plutôt enfantin. Oh, bien sûr. J'avais presque oublié le jeune footballeur. Moi qui espérais que ma mort soit mémorable, je ne la voulais pas traumatisante pour autant.

Mais ai-je le choix ? Seul le destin en a décidé ainsi. Était-ce ma destinée de finir comme cela ?

Une femme ayant menti à ses proches durant une partie de sa vie, meurt en s'écrasant sur un terrain de football où jouait un jeune homme aux cheveux d'ébène et au regard horrifié.

Mon corps fouetta l'air et pour la première fois de ma vie, je me sentis légère. Comme si mon corps flottait entre le sol et le pont. Du moins, jusqu'à ce que je m'écrase lourdement au sol. Le dernier bruit que j'entendis fût celui de mes os se craquant ainsi que ma cage thoracique tombant sur le sol.

Un bruit sourd et infernal.

Mais un autre son parvint à mes oreilles. Le destin peut être. Le son de la musique se faisait encore légèrement entendre. Alors mes jours allaient finir sur cette mélodie ? Sur cette musique que je ne connais que trop bien...