Chapitre 10

172 16 15
                                    

Comme à chaque "discussion", mon père m'avait convoqué dans le salon. Assis sur le canapé de cuir aux côtés de ma mère, il me regardait avec des yeux perçants. Mon cœur battait fort dans ma poitrine. J'avais peur. Je m'imaginais qu'il allait me renier, me déshériter et m'enfermer dans un placard à balais avec une chouette. Je m'égarais.

- Silvio. commença-t-il. Tu ne peux pas laisser Jonas dormir à la maison sans que ses parents soient au courant. Ils étaient fous en voyant qu'il n'était pas rentré hier soir, alors en voyant qu'il était avec toi, ils ont été en colère. Vous auriez pu les prévenir. Il faut penser aussi aux autres, vous n'êtes pas le centre du monde oh!

Je battis des paupières.

- Attends, attends. dis-je. Ça ne te fais rien que je sois gay?

Papa éclata de rire.

- Bien sûr que non! Tu crois que je vais te disputer pour ça?!

Au début, j'avais cru, oui. Heureusement que j'ai des parents tolérants.
Je les pris dans mes bras.

- Merci, merci! sanglotais-je d'un seul coup. J'avais tellement peur de vous le dire! Je vous aime je vous aime je vous aime!

- Nous aussi on t'aime, Nounours! m'assura ma mère en me serrant fort.

Par contre, non. J'aime pas quand on m'appelle Nounours.

J'avais hâte de voir Jonas, de lui dire que mes parents ne voyaient aucun inconvénient à notre relation, que ça y est, j'étais prêt à assumer, je voulais aussi lui parler de cette nuit, quelle belle nuit! et de manger mon petit-déjeuner.
Mais en arrivant devant son gîte, des cris s'échappaient des murs. J'entendais la voix de Jonas ; il hurlait en allemand, je ne comprenais pas, mais c'était la première fois que j'entendais autant de violence dans sa voix.
Il sortit alors de son gîte, les cheveux en pagaille, le visage renfrogné, les poings enfoncés dans les poches. Il passa à côté de moi et ne s'arrêta pas, me murmura juste :"Suis-moi sans me toucher, sans me parler." Je lui obéis.
Je pouvais sentir sa colère à des kilomètres, s'absorbais tout, si bien qu'au bon de quelques mètres, j'étais à mon tour mal, et lui, Jonas, paraissait en meilleur état. Il avait gardé le silence trop longtemps, j'explosai :

- Bon! Y a quoi?

Jonas se retourna vers moi d'un seul coup et ordonna :

- Dis-moi que tu m'aimes.

Je battis des paupières et essayai de soutenir son regard. Impossible.

- Je t'aime.

Mon blondinet se blottit alors contre mon torse et soupira.

- Emmène-moi à la plage... murmura-t-il.

Nous avions pris ma Vespa et roulé jusqu'à la plage, sur laquelle nous nous étions allongés, côte-à-côte, le visage tourné vers les nuages. Un silence régnait entre nous, mais ce n'était pas plus mal car nous pouvions entendre le bruit de la mer qui nous berçait tout doucement. Cependant, il fallait que je dise quelque chose. Je me tournai vers Jonas :

- C'était bien cette nuit.

- Mmh...

Il ne m'avait même pas regardé. Il s'était contenté d'hocher la tête et de faire ce bruit de palet, "mmh". Je ne sais même pas s'il y a un verbe. "Mammmmer"? "Mmmmer"? Bref.
Je claquai des doigts devant sa tête :

- Jonaaas réponds-moi!

- Mais je t'ai dit oui ! s'emporta-t-il.

Sa colère soudaine me frappa. J'eut un petit coup au coeur et me laissai retomber mollement sur le sable. Blondinet s'en aperçu et voulu s'excuser.
Je l'arrêtai.

- Mes parents savent pour nous deux. dis-je.

Il hocha la tête.

- Je sais ; ils m'ont surpris dans ton lit.

- Ils pouvaient croire qu'on faisait une soirée-pyjama.

Jonas éclata de rire. J'aimais entendre son rire.

- Tu es bête. dit-il en posant son front contre le mien.

- Et tu vas le dire à tes parents?

Mon Blondinet sembla réfléchir, sa tête toujours posée contre la mienne. J'imaginais la peau de nos fronts rougir.
Jonas répondit :

- Je ne sais pas. Je ne pense pas.

Je me décollai de lui et hochai la tête. Je n'avais vu aucun inconvénient à ce qu'il ne dise rien, mais maintenant, je me dis : pourquoi moi, j'avais dû assumer mon homosexualité si vite pour lui faire plaisir, et pas lui?
J'étais aveugle.

Jonas m'étreignit et nous roulâmes sur le sable.
Jonas riait et criait de joie.
Jonas me criait :"Je suis heureux d'être avec toi!".

Juste le temps d'un été Où les histoires vivent. Découvrez maintenant