Chapitre 13

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La voiture s'en alla en soulevant un nuage de poussière et je m'écroulai sur le sol, en pleurs. Maman se précipita vers moi et me demandant ce que j'avais, elle m'étreignit de toutes ses forces. Je la repoussai et courus à perdre haleine.
Je ne savais pas où j'allais, mes jambes me guidaient d'elles-mêmes. Tout ce que je savais, c'est que j'étais déchiré.
Je me suis retrouvé dans l'arrière-boutique de vieux Al, en pleurs. Alphonso faisait tout pour me réconforter, en vain.

- Ne t'en fais pas, disait-il, c'était juste une petite amourette d'été, ça va passer...

- MAIS C'ÉTAIT PAS JUSTE UNE AMOURETTE! explosais-je.

Je me levai violemment : je dominai maintenant Alphonso de toute ma hauteur.

- IL M'A FAIT COMPRENDRE QUE JE SUIS GAY PUTAIN!

Je frappai les rayonnages derrière Al qui ne bougea pas. La peau de mes phalanges céda sur le coup et je me mis à sangloter encore une fois.

- Et je lui ai offert mon corps... pleurais-je. Je lui ai offert mon corps...

Je me recroquevillai sur le sol et le vieux Alphonso vint me prendre dans ses bras avec des allures de grand-père. Je m'accrochai à lui, le laissant me caresser le dos en chantant une vieille berceuse italienne, comme quand j'étais petit et qu'il venait me garder le soir, lorsque mes parents sortaient au restaurant ou au cinéma.
Sa voix rauque m'apaisa peu à peu, et je me calmai. Cependant, des spasmes me secouaient encore, saccadant ma respiration. Alphonso m'avoua alors :

- Lorsque j'avais ton âge, j'ai eu aussi une petite aventure avec une fille pendant un été. Elle est partie sans me prévenir, cela m'avait fait mal à un point! je ne sortais plus de chez moi. Mais un jour, je me suis dit "pourquoi je me mets dans cet état-là pour cette fille?". On avait passé de bons moments ensemble, et c'était de ça qu'il fallait que je me souvienne. Pas de son départ. Alors, Silvio, pourquoi te mets-tu dans cet état pour ce garçon ?

J'essuyai mes joues humides avant de laisser échapper un hoquet et répondis :

- Parce que je l'aime...

- Il y en aura d'autres, la vie continue.

- Mais tu comprends pas en fait! hurlais-je.

- Jonas n'est pas le seul garçon sur terre. dit calmement Alphonso. Tu dois faire ton deuil, et peu à peu, ces cicatrices vont se refermer. Pense seulement aux bons moments que tu as passé avec lui.

J'hochai la tête et essayai d'appliquer les conseils de Al. Mais cela me faisait encore plus souffrir, tout ce qu'il fallait, c'était l'oublier.
Mais un premier amour ne s'efface pas aussi vite. Tout me le rapellait : la plage, le figuier, ma Vespa, la guitare, les fêtes sur la place le soir...

Un jour, la veille de notre départ pour rentrer en France, je décidai de lui écrire une lettre qu'il ne lira jamais. Je m'installai sur mon bureau, pris mon stylo-plume, une feuille et écrivis.

Jonas,

J'espère sincèrement que tu vas bien et que ton retour en Allemagne s'est passé sans encombres. Pour ma part, je me suis un peu mal depuis que tu es parti comme ça, violemment, avec cette phrase :"C'était juste pour essayer". Car, malgré notre relation toxique, j'ai passé mon plus bel été avec toi.
J'ai découvert ce que cela faisait, "être amoureux" (même si pour toi, ce n'était qu'un "jeu"), et j'ai compris que j'aimais ça.
Grâce à toi, j'ai également découvert qui j'étais, et je ne pourrais jamais te remercier assez. J'ai été heureux de découvrir mon homosexualité avec toi, même si pour toi, je n'étais qu'une passe, qu'un cobaye. Maintenant, je sais que mes parents sont tolérants et qu'ils m'aiment quelque soit mon orientation sexuelle.
Je t'ai aimé fort, Jonas. Maintenant, je te déteste, mais peut-être qu'on jour cela ira mieux, mais dans tous les cas, je t'ai déjà pardonné, même si tu m'as fait horriblement souffrir.

Adieu, Jonas. Je suis prêt à t'oublier.

Silvio.

Après avoir écris cette lettre, je sortis dehors, dans la nuit noire, coiffai mon casque et enjambai ma Vespa, direction la plage.
Je foulai le sable froid plein de souvenirs, ramassai quelques bouts de bois flotté et en fis un tas. J'allumai alors un feu dont les flammes touchaient les étoiles. Je sortis la lettre, encore fraîche de l'encre de ma plume, et la jetai dans le feu.

Les souvenirs de Jonas partirent en cendres.









Juste le temps d'un été Où les histoires vivent. Découvrez maintenant