Chapitre 2

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Quelques jours après l'arrivée des Allemands, j'allai aider le vieux Alphonso à ranger ses tomates -épuisant. Je profitai d'une petite pause pour croquer une tomate dans l'arrière-boutique alors que Alphonso s'occupait des clients. Soudain, j'entendis des murmures en allemand. Je me redressai d'un coup : déjà qu'on était voisins, ils ne pouvaient pas genre, ne pas me suivre?! Je les entendais parler avec Alphonso en un italien parfait, quoiqu'avec un petit accent allemand léger. Le vieux Al entra en trombe dans l'arrière-boutique en s'emmêlant dans les fils en perles qui pendaient à la porte. Il m'annonça en français, avec son accent italien qui me fait toujours sourire :

- Les parents du petit Allemand veulent que quelqu'un s'occupe de leur fils tandis qu'ils font les courses, je pense que tu es le mieux placé, non?

- Non. répondis-je. Je vois mes amis après, miei amici !

Je croquai dans ma tomate rageusement pour illustrer mon propos. Al soupira et chuchota dans un murmure parfaitement audible :

- Et dire qu'ils allaient te payer...

Je me levai d'un bon, écartai le rideau de fer et dis aux touristes Allemands avec mon anglais minable :

- Buongiorno messieurs-madame! Pour vous servir! Je connais la ville et son histoire mieux que personne, je suis le guide idéal. (J'écartai alors les bras comme la statue de Rio) Embauchez-moi!

Ma prestation plût aux parents du blondinet et ils m'embauchèrent aussitôt. Dans ma tête, je me suis fait un check à moi même.

J'essayais d'entretenir la conversation en parlant un peu de l'histoire de Recanati, de Leopardi et tout, mais rien à faire : le blondinet ne me répondait pas, il restait à triturer ses mains en m'écoutant, sa bouche pendant tristement vers le bas. Il avait l'air timide. Très timide. Cela m'énervait ; j'essayais de le détendre, et il n'y mettait pas du sien. Je m'énervai et criai alors en français :

- Bon tu vas parler, sale blondinet de mes deux?!

Blondinet sursauta et ses yeux s'embuèrent. Je me ravisai vite-fait et dis en anglais :

- Pardon, excuse-moi, je ne suis pas doué avec les enfants.

Il me fixa alors méchamment dans les yeux.

- J'ai quinze ans. répliqua-t-il.

- Ouah! répondis-je en entrant dans son jeu. Monsieur a quinze ans et il n'est plus un enfant! Mais ouah ouah ouah!

- Halt die Klappe. m'ordonna-t-il.

N'ayant jamais pratiqué l'allemand, j'ignorais ce que cela voulait dire. Le soir, je cherchai sur Google traduction la traduction de "Halt die Klappe". C'est comme ça que j'ai appris comment dire :"Ferme ta gueule" en allemand.
Je demandai alors au Blondinet :

- C'est quoi ton nom?

- Yonas.

Dans ma tête :"Bah mais c'est trop moche 《Yonas》 comme prénom !" Mais non, en fait, c'est pas "Yonas", mais "Jonas". C'est juste qu'en allemand, le "j" se prononce "y". J'ai appris ça grâce à lui.
Nous continuâmes de marcher dans la ville ocre jusqu'à ce que je m'arrête devant devant un marchand de glace. En Italie, les glaces sont les meilleures. Croyez-moi.

- Tu veux une glace? demandais-je à Jonas.

Il hocha la tête.

- Due gelati, prego.

- Tu sais parler italien? me demanda Blondinet, surpris.

- Bah ouais, tranquille. répondis-je en français, pour l'embêter (parce que sinon c'est nul, si on peut pas embêter les touristes, moi, ça me fait rire).

On s'est assis dans un parc pour manger notre glace. Ce parc, je le connaissais bien ; c'est là où ma mère me prend en photo devant le baquet de fleurs depuis mes deux ans, chaque année (oui, c'est kitch, mais si ça peut lui faire plaisir, hein). En revenant à la ferme, on a vu Sergio Leone que j'ai pris dans mes bras, Blondinet était effrayé, je crois qu'il n'aimait pas les chats. Ça m'a fait très rire, alors pour voir sa réaction, je lui ai mit le chat sous le nez, il l'a tapé et il est partit en courant avec ses tongs, ça devait pas être pratique.

Juste le temps d'un été Où les histoires vivent. Découvrez maintenant