bleue aux yeux blondes

L comme Lapin

Le temps de passer une polaire et elles étaient dehors.

La nuit était belle, le temps était clair et les étoiles, au dessus d'elles, rayonnaient. C'était une de ces douces nuits de printemps par lesquelles il fait si bon d'être dehors. La femme, encore sur le pas de la porte, prit une grande inspiration de cette fraîcheur nocturne.

Elle était bien ici.

Elle aurait voulu s'asseoir là et simplement attendre. Attendre le lever du jour, la renaissance des couleurs, les premiers gazouillis des arbres. Attendre.

À ses pieds pourtant, la petite avait assez attendu. Passant d'un pied sur l'autre, elle trépignait : il fallait y aller.

S'aventurant dans les hautes herbes à la suite de sa mère, Agathe avait saisi la main qui lui avait été tendue. Plus qu'elle ne le tenait, elle agrippait ce bras qui la guidait dans les profondeurs de la nuit et le suivait, prenant garde de ne pas le lâcher.

La femme traversait la pelouse d'un bon pas tandis que l'enfant, sur ses talons, buttait et trébuchait sur des obstacles qui n'existaient peut-être même pas. Elle ne voyait pas où elle mettait les pieds. Pas seulement du fait de l'obscurité qui régnait là sous les arbres, mais parce qu'elle ne regardait pas. Non, elle ne regardait pas, trop occupée qu'elle était à sonder chaque parcelle de la nuit. Elle sentait une présence. Ils étaient là.

Les monstres de la chambre, ils étaient là.

Son coeur s'affolait dans sa maigre poitrine et son pouls battait dans sa gorge. De nouveau, elle peina à déglutir. Elle voulu ralentir mais sa mère, courageuse ou inconsciente, continuait d'avancer, inébranlable.

Agathe, tant bien que mal, suivait toujours, sur ses gardes. L'oeil aux aguets, elle scrutait les ombres, dévisageait ce qui devait être des arbres et interrogeait les divers sons de la nuit.
Bref, guerrière sioux, apache noctambule ou guépard avançant tapi dans l'ombre, elle chassait. Quoi de plus rassurant que de se dire chasseur quand on se sait proie ? Son imagination, bien que la mettant aux prises avec des créatures aussi mystérieuses et insensées que menaçantes, lui donnait de la force. Celle de les affronter et pourquoi pas, de les vaincre.

Elle serra son petit poing. Plissa les yeux, redoutable. Que viennent ces sales bêtes, elle saurait les recevoir.

Ainsi confortée, elle enfonça un peu plus sur sa tête ce chapeau de pirate dont elle ne se défaisait jamais et exerça une légère pression sur la main de sa mère. Elle prenait le relais. C'était elle qui assurait leur protection désormais, elle qui veillerait au bon déroulement de leur progression en territoire inconnu.
Elle restait derrière tout de même mais sûrement pas par peur. Non, c'était par simple précaution. Tous les guerriers, pensa-t-elle, savent que c'est la meilleure façon d'anticiper l'attaque. Et dans ce labyrinthe d'ombres et de lumières, guettant l'arrivée certaine du Minotaure, elle suivait aveuglément son unique fil d'Ariane, sa mère.

Celui-ci, brusquement, lui échappa. La main avait glissé de la sienne et à peine la jeune Thésée, dans un frisson d'épouvante, allait-elle se jeter pour retrouver ce fil qui lui échappait, elle se cogna contre une surface chaude.

Sa mère s'était arrêtée. « C'est là. »

Là ? Déjà ? Elles avaient donc trouvé l'arène. C'était l'heure du combat, de ce fameux combat. Était-elle prête ? Les héros sont-ils jamais prêts à rencontrer leur destin ?

Elle inspira un grand coup et, brave, empoigna la clenche qui lui pendait devant le nez. Grinçant doucement sur ses gonds, la porte s'ouvrit.

Les toilettes ! C'était les toilettes ! Ça tombait bien justement qu'elles les aient enfin trouvées ces toilettes parce que maintenant qu'elle y repensait, son envie se faisait plus pressante encore.

« J'y vais, lâcha la petite. Tu pars pas hein ? ». Et, sans même attendre de réponse, elle s'engouffra dans le cabanon.

Je vous mets la suite tout de suite parce que j'ai envie. Voilà 🙃