bleue aux yeux blondes

prologue

Et oui, il s'agit bien de cette histoire de lapin qui est aussi publiée sous la forme d'un recueil indépendant sur mon compte. Si vous l'avez déjà lue, je vous donne directement rendez-vous au chapitre suivant, sauf si évidemment vous désirez revivre les péripéties de ce cher Ana Nas ;) .

Quoi qu'il en soit je vous souhaite une très agréable lecture ^^ .

Laisse moi te raconter une histoire de lapin.

Appelons le Ana. Ana Nas.
Il est des contrées rêvées pour les lapins tel notre cher Ana Nas. Et il en rêvait de ces contrées chères qu'il ne verrait jamais. Et le rêve c'est tout ce qu'il restait à notre petit lapin car voilà, Ana Nas était aveugle. Il avait perdu la vue en voyant le jour. Terrible coïncidence dirons nous. Ainsi donc, Ana Nas ne verrait jamais ces contrées puisque le monde l'avait choisi. Et encore, la majorité du monde ignorait les problèmes de vue de Mr Nas et lui même d'ailleurs, n'en savait rien.

Il est des lapins curieux. Et des lapins gourmands. Des lapins téméraires et aventureux mais aussi des lapins sédentaires. Ana était de ceux là. Alors, peut-être ici, nous arrêterons nous pour parler un instant de lui. Qui était exactement ce cher Ana Nas?
Un petit lapin comme beaucoup d'autres à vrai dire... moins joueur et plus discret peut-être, moins adroit rongeur mais plus malin bricoleur, plus solitaire aussi et plus ambitieux enfin. Car voilà, Ana Nas avait des projets et quels projets! Ah ça, c'est sûr que c'était autre chose que de bouffer des carottes à longueur de journées, surtout que des carottes, on n'en mangeait pas autant que ce que l'on veut bien nous dire. Ce qui d'ailleurs arrangeait bien notre lapin qui, entre autres, était allergique aux carottes. Curieux représentant de son espèce décidément. À vrai dire, et vous l'aurez deviné, Ana Nas n'avait rien à voir avec la plupart de ses congénères et ce, à commencer par son nom dont je ne saurais, malheureusement, vous donner l'explication.

Enfin bref notre curieux lapin pas vraiment curieux n'était jamais sorti de son terrier, non pas qu'il ait passé sa vie au fond du trou mais presque. Il menait une vie retranchée et secrète au sous sol de la galerie familiale et ne l'avait, aussi curieusement que cela puisse paraître, jamais quittée. Il ne connaissait rien de l'extérieur que ce que voulaient bien lui en rapporter les autres. Et pourtant, un jour qu'il errait aux alentours de la surface, il l'avait rencontrée, elle, merveilleuse, qui venait de dehors. De l'Extérieur. Celui avec un grand E comme dans piratE. Enfin bref il l'avait rencontrée, celle qui venait de changer sa vision, si l'on peut dire qu'il en avait une, de la vie. Il l'avait inspirée comme on inspire après avoir trop longtemps manqué d'oxygène et l'avait expirée si tendrement qu'elle semblait s'être déposée sur son museau. Ce dernier, dans tous les sens s'agitait et tentait de capturer celle qu'il sentait lui échapper et effectivement, elle lui échappait. Alors, ni une ni deux, notre pas-si-courageux lapin bondit au-dehors de son antre pour atterrir dans ce fameux Extérieur dont on lui avait tant parlé.

À peine a-t-il fait un pas dehors que de longues bestioles partent à l'assaut de ses courtes pattes si bien que, soudainement brave, notre cher lapin se met à sautiller de toutes parts espérant échapper à cette attaque invisible. Malgré ses efforts et sa détermination, il ne manque pas de toujours retomber sur ces longs vers chatouilleurs que nous nommerons herbe. Mais tandis qu'il menait cette bataille incongrue de l'inconnu, son bout de nez frétille et remue: elle s'enfuit.

Ana Nas s'est souvent imaginé pirate mais ce soir il est chevalier et, indomptable, il s'élance à la poursuite de sa belle qui déjà, s'évanouit. Il galope, trottine ou marche vite comme peut le faire un lapin et se fraie un chemin, terrassant et écrasant de son petit poids ces vers qui ne cessent de le poursuivre. Ah les vilaines bêtes, elles ne le laisseront donc jamais tranquille ! Mais, imperturbable, Ana continue sa course, esquive des obstacles qu'il croit sentir et se vautre dans ceux qu'il n'a pas sentis. Et malgré coups et blessures (pas vraiment inquiétantes entre nous mais Ana était douillet), malgré coups et blessures donc, notre cher lapin poursuivait sa quête de l'insaisissable. Soudain, un cri l'arrêta. Car, s'il était aveugle, Ana Nas n'était sûrement pas sourd et ses oreilles, comme son petit corps sur ses petites pattes, s'étaient dressées sur sa petite tête. Il ne bougeait plus, faisant le mort... ou plutôt non, faisant le guet et, il attendait. L'attente ne fut pas longue, deux ou trois secondes tout au plus, avant que, le sol tremblant sous ses coussinets, ne l'informa qu'on arrivait à pas de géant. Cette fois c'en fut trop pour notre pas-vraiment-vraiment-courageux lapin qui se jeta à la renverse, dressa ses quatre pattes bien en évidence et cette fois, fit le mort. Tandis que, priant je-ne-sais-qui comme je-ne-sais-quoi, il mourrait, le parfum qu'il avait tant espéré capturer l'attrapa. Il se sentit voler, monter au ciel et songea à ses illustres et nombreux ancêtres qu'il allait retrouver là-haut. Il dut pourtant y avoir un problème, un dysfonctionnement, une panne et, son ascension s'arrêta net. Ou alors, il était arrivé à ce fameux pallier, ce seuil où l'on juge notre âme, cette halte qui nous mène droit en enfer ou au paradis. Bref, il avait peur et son coeur de lapin battait à s'en rompre les artères. Difficile de faire le mort avec un coeur si vivant. Il ouvrit les yeux et... WOUAW il était Simba! Simba! Celui de la terre des lions. Celui qui devient roi. Non je rigole, il ne connaissait pas Simba et puis surtout, il était toujours aussi aveugle. Pourtant ses pattes se débattaient dans le vide, il luttait contre la mort et, cette dernière, qui le tenait à bout de bras, s'écria :

"MAMAN, REGARDE LE GENTIL LAPIN QUE J'AI ATTRAPÉ !
JE VAIS L'APPELER CAROTTE!"

Le petit lapin se sentit redescendre un peu. Les enfers? Non, maintenant que son coeur reprenait son souffle, la peur se dissipait et enfin, il prit une grande bouffée d'air, de ce parfum qui l'enveloppait mais l'enfant, serrant tant qu'elle le pouvait l'animal dans ses bras, on peut dire que ce fut l'odeur qui prit une grande bouffée de lapin.
La fillette approcha ses lèvres de la fière oreille qui se dressait encore sur la petite tête et lui chuchota sur le ton de la confidence:
"Carotte c'est un prénom pour un lapin comme les autres mais toi je vais t'appeler Ananas parce que t'es gros."

Et oui, Ana Nas était gros aussi.