E comme Elfe

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Là-bas brillait une lumière.

Si Agathe avait écouté un peu plus de contes pour enfants et un peu moins de romans d'aventure, elle n'y serait sûrement pas allée.

Ce qui arrive aux enfants trop curieux ? Hansel et Gretel en savent quelque chose, mais pas Agathe. La petite ne connaissait la curiosité que sous l'angle de la découverte; la curiosité comme l'outil des grands explorateurs. Sans elle, il n'y avait rien. Agathe n'avait pas appris à s'en méfier. Pas appris à la réprimer. Alors, lorsque celle-ci se présenta, étincelante et prometteuse, la fillette lui emboîta le pas. Confiante et captivée.

À ses pieds pourtant, Ananas s'affairait. Ou plutôt, il se bâfrait. On eut dit qu'il n'avait pas mangé depuis de longs mois tant ses incisives s'agitaient, bataillant contre son déjeuner. Ça hiberne les lapins ? Agathe eut un doute. Elle était sûre de n'avoir jamais vu quelqu'un se goinfrer de la sorte. Sauf justement quelques ours au sortir de l'hiver. Elle en avait vus dans un documentaire avec l'école, et, à y regarder de plus près, elle trouvait que son cher compagnon présentait quelques similitudes avec eux. Il faut croire qu'Ananas avait un air de grizzly. De bébé grizzly mais de grizzly quand même. C'était un drôle de mot d'ailleurs « grizzly ». Agathe allait sombrer dans une profonde réflexion sur la chose lorsqu'elle chassa l'idée d'un coup de tête. Erika avait raison, elle se distrayait trop facilement.

Au loin, le halo continuait de brûler. Telle une bougie d'anniversaire dont la flamme oscillerait, résistant aux postillons enfantins, il faiblissait puis grandissait successivement en un formidable mouvement. Plus que la curiosité, c'était lui qui captivait l'enfant. Comme un insecte, elle se sentait irrépressiblement attirée vers cette lumière.
Une étincelle passa dans son regard et fit pétiller ses yeux coquins.

Elle récupéra son compagnon par la peau du cou et, le détachant lourdement du sol, l'installa dans ses bras. Le pas déterminé et la foulée aussi grande que ce que lui rendaient possible ses petites jambes et le poids mort qu'elle trimballait, elle se mit en marche.

L'enfant, son chapeau de pirate un peu grand glissant sur son front et les mains pleines du lapin bien rempli, traversait la pelouse. Direction : la lumière.

Plus elle approchait et plus elle voyait.

Là où elle avait perçu comme une unique lanterne, elle découvrait une multitude de points lumineux. De toutes petites lumières s'agitaient dans tous les sens.

Ce devait être des libellules. Non des lucioles. Des lucioles ou... la Fée Clochette ?
Oui! C'était ça, des Clochettes! Plein de Fées Clochettes.

La petite se sentit bouillir d'excitation. Elle trépignait.

Les créatures, elles, indifférentes, vaguaient à leur préoccupation.

L'une d'elles pourtant s'approcha de l'enfant. Ou plutôt, de l'animal qu'elle tenait toujours serré contre son petit être.

« Lapin ? »

La chose avait posé un maigre doigt sur la truffe agitée de la peluche. « Il s'appelle Ananas » avait informé Agathe dans un grand sourire, heureuse d'enfin pouvoir présenter sa trouvaille.
« Il sait courir, sauter, marcher vite et même faire des galipettes » s'empressa-t-elle d'ajouter, renseignant les facultés du lapin à la manière d'un vendeur de grand magasin. Enfin, comme un vendeur de grand magasin l'aurait fait pour une machine à laver par exemple, sûrement pas pour un lapin.

La bestiole observait la fillette. La fillette observait la bestiole.

C'était un petit bonhomme. Un petit bonhomme avec petites ailes, mais pas comme la Fée Clochette. Non, c'était bien une Fée – la petite en avait déjà vu dans les livres – mais pas comme la Fée Clochette.

Celle-ci était bien particulière.

C'était une fée bleue avec des yeux jaunes. Jaunes comme le soleil, jaune comme les poussins; jaunes comme mes cheveux pensa l'enfant.

Ces yeux étaient comme elle, ils étaient blondes.

bleue aux yeux blondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant