F comme Fuite

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Le lapin dans les bras, elle se retourna vers le cabanon.

Ou tout du moins, vers l'endroit où elle croyait être le cabanon.

Il n'y était plus. Parti ?

L'animal s'agitait. Il voulait sûrement descendre. Elle resserra son étreinte.

« Viens, lui chuchota-t-elle, on va chercher Maman ». Mais elle ne bougeait pas. Et dans la nuit tout à coup, elle se sentit seule. Seule avec cette petite boule de poils chaude qu'elle tenait précieusement contre elle. Même les monstres étaient partis. Ils avaient eu peur.

Les nuages, tranquillement, avançaient dans le ciel, recouvrant partiellement la Lune. Un léger vent chatouillait les arbres. Ses chaussons étaient mouillés et sa main, mécaniquement, écrasait la fourrure du lapin. Tout comme lui, elle dressait ses oreilles, alerte. Seule la brise nocturne lui parvenait. Elle tremblait. De froid ou de fatigue plus vraisemblablement que de peur, mais elle tremblait.

Dans ses bras, le rongeur attendait, patiemment.

« Elle a du rentrer à la maison » voulut-elle le rassurer. Ou alors c'était-elle qu'elle rassurait. Il n'y avait de toute façon pas de raison de s'inquiéter. Elle était grande et les grands n'ont pas peur du noir. Ils n'ont pas peur de la nuit. Pas peur d'être seuls, ni des bruits, ni du silence, ni des choses qu'ils ne voient pas, ni de celles qu'ils voient un peu. Non, ils n'ont pas peur. C'est ça, être grand. C'est être courageux. C'est partir à l'aventure, c'est avoir son bateau et sa carte au trésor. C'est larguer les amarres, c'est partir à l'abordage, ne reculer devant rien, ne craindre rien ni per... Un bruit.

Dans ses veines, son sang sembla se figer: soudainement gelé. Une vague de froid tétanisa son corps.

Un bruit.
Elle avait entendu un bruit.
Un craquement. Une branche. Il y avait quelque chose. Là. Juste là.

Il y avait quelque chose qui avançait, quelque chose qui arrivait. Elle n'était pas seule, pas seule du tout. Elle allait pleurer. Les larmes étaient là, au creux de ses yeux, les emplissant progressivement. Elles piquaient, elles brûlaient mais elles se refusaient à couler, à se laisser aller le long des malheureuses joues de la petite.

Elle n'avait pas peur, elle était terrifiée. Non, elle n'était pas une grande. Oui, elle le reconnaissait. Elle n'avait pas le courage de se battre. Pas l'envie de lutter. Pas même les jambes pour fuir. Elle était debout, immobile sur ses maigres jambes ancrées dans le sol. Les bras crispés autour du lapin, elle sentit un frisson la traverser, remonter le long de son dos et venir se perdre dans le haut de sa nuque, à la racine de ses cheveux. Elle sentit ceux-ci se hérisser à son passage.

Elle allait mourir. Mourir de peur.

La nuit pourtant semblait suivre son cours, sereine. Les secondes passèrent. Des secondes qui parurent des heures ; des heures qui ne mettaient toujours pas assez de distance entre eux et ce bruit monstrueux. Elle attendait. Elle ne voyait pas comment elle pouvait faire autrement. Attendre, c'était la meilleure solution. Attendre Maman, attendre le jour. Ils allaient arriver n'est-ce pas ? Ils allaient nécessairement arriver. Il fallait seulement attendre les secours, mais ils finissaient toujours par arriver.

Alors elle attendrait.

Ce problème réglé pourtant, comme bien souvent dans la vie, un autre prit sa place.

Le froid, la fatigue la gagnaient. Tenir n'était pas si simple.

Sous son maigre poids, ses jambes fléchissaient. Les larmes retenues commençaient à s'écouler doucement. Silencieusement.
Elle éternua. Elle bailla.

Elle n'allait pas tenir.

Alors, cédant aux supplications de ses guibolles éreintées, elle consentit à s'asseoir. L'herbe était mouillée. Son pyjama était mouillé. Elle était mouillée. C'est à peine pourtant si elle y fit attention. Elle s'en fichait, elle en avait marre. Elle voulait juste rentrer. Rentrer à sa maison. Retrouver sa chambre, son lit et ses biquettes.

« Maman... » un soupir de désespoir lui échappa.

Le lapin aussi.

Elle avait desserré son étreinte – juste un peu, vraiment un tout petit peu – et le voilà qui, s'étant faufilé, s'échappait.

bleue aux yeux blondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant