Chapitre 6

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Je reste planté devant la porte quelques secondes avant de me rediriger vers mon bureau où j'arrange les dossiers. Quand j'ai levé la tête, je remarque enfin la présence de ma mère debout, les mains sur les côtés.

- On dirait que ce travail te rend très heureux maintenant, dit-elle. Tu ne t'es même pas aperçu de quand je suis rentrée.

- Tu n'as pas frappé, je me défends essayant de cacher mon sourire.

- J'ai fait ça.

- Oh!

Je ne puis rien dire de plus me rendant compte qu'Emy occupait trop mes pensées. Je lui souris en guise d'excuse.

- Efface-moi ce beau sourire. Les patients t'attendent.

- Quoi ? Fais-je en me levant.

Elle était déjà disparue de mon champ de vision. J'ai dû la suivre dans son bureau.

- C'est un travail à plein temps, John, déclare-t-elle lorsque j'ai ouvert la porte.

- Maman, tu avais dit que tu m'avais filé un de tes patients, pas tous.

- Je ne comprends pas comment tu peux être si paresseux. Tu veux vivre aux dépens de ta chère mère toute ta vie? Me demande-t-elle en plongeant ses pupilles brunes dans les miennes.

Je me rends compte qu'elle a raison. J'ai une licence en ma possession et je n'ai jamais pensé au jour où je laisserai ma mère si ce n'est pour aller étudier. Il est peut-être grand temps que j'aspire à être indépendant et cesse d'être le fils à maman que je suis.

- Je ne dis pas que tu es de trop pour moi, chéri, se corrige-t-elle en me voyant pensif.

Je prends la chaise en face d'elle et m'assois. Prenant ma tête dans mes mains une seconde, j' avoue:

- Je ne veux pas te laisser seule, maman.

- Tu ne me laisseras pas seule, chéri, dit-elle en me prenant la main sur son bureau. Je veux juste que tu apprennes à prendre soin de toi tout seul. Tu as grandi, John. Je veux que tu connaisses ce plaisir que d'avoir un salaire après avoir bossé dur. Un jour, une fille viendra te prendre et tu devras avoir des économies pour emménager avec elle...

Elle éclate de rire quand j'enlève rapidement ma main de la sienne.

- Ne me dis pas que tu ne te marieras jamais, rit-elle. Tu ne vas quand même pas passer ta vie à sortir avec une fille toutes les deux semaines. Puis, j'espère que tu ne crois pas que je passerai le restant de ma vie à les entendre crier dans ta chambre.

- Parce que tu nous entendais? Fais-je, étonné.

Elle continue de rire et moi, je me lève, gêné. A en croire que les oreillers ne faisaient aucun effet.

- OK. Ok. Je vais travailler à plein temps, dis-je en levant les mains en l'air acceptant ma défaite. Où sont les autres dossiers ?

- Fouille dans les tiroirs de ton bureau, répond-t-elle coupant son rire. Les patients seront là dans quelques minutes.

J'hoche la tête et ouvre la porte. Avant que je ne m'en aille, je me tourne vers elle et lui dis:

- Je ne suis plus cet homme-là, maman depuis plus d'un an. J'ai changé, tu sais.

- Je l'ai bien remarqué, dit-elle. Allez, au boulot.

Je lui souris avant de refermer la porte. Je m'en vais me perdre dans les autres dossiers avant de recevoir les patients en question l'un après l'autre: un enfant de 10 ans qui a des échecs scolaires répétés, une adolescente qui se sent mal  dans sa peau détestant son corps et un couple marié qui se dispute trop( je dois rappeler à ma mère que je ne suis pas conseiller matrimonial).

Je prends une profonde respiration lorsque j'ai fini, pensant à comment la journée a été dure. Je range tous les dossiers à leur place, gardant avec moi celui d'Emy pour mieux l'étudier ce soir. Il est 5 heures passées, je dois faire en sorte de respecter les deux heures de séances prévues par jour pour chaque patient la prochaine fois.

Quand je suis enfin prêt à partir, je sors du bureau et m'aperçois que tout le monde est déjà parti,même ma mère. Elle n'a même pas pris le soin de m'avertir. Je crois qu'elle veut vraiment que je sois indépendant. Il n'y a que le petit personnel resté pour le nettoyage. Je démarre la moto et rentre chez moi.

***

Après un bain très relaxant qui a détendu mes muscles, je m'en vais jeter un coup d'oeil à ma mère qui dort déjà et passe à la salle-à-manger prendre ma nourriture pour l'apporter à ma chambre. Je m'assois sur mon lit, éparpillant les dossiers d'Emy dessus tout en mangeant en même temps.

J'ai lu un passage où ma mère dressa comme rapport qu'elle refusait de parler de ce qui a chamboulé sa vie. Elle a simplement déclaré: Je ne le laisserai pas s'approcher de ma petite soeur. Il y a des fois où je pense vraiment à mettre un terme à ma vie à cause de ce qui s'est passé ce soir-là mais je sais que pour la protéger, je tiendrai encore un p'tit peu.

Je cherche dans les autres pages pour savoir de qui elle parle mais elle n'a rien dit. J'en lis d'autres passages. Lors des séances, sa mère déclara que sa fille était bipolaire parfois et disait des choses qui n'avaient aucun lien entre elles. Je reprends ses mots: c'est une fille difficile, qui avait toujours voulu être au centre de l'attention. Je pense que c'est pour ça qu'elle se mutile. Je l'amène voir un psy parce que je ne sais plus comment m'y prendre. Ma mère souligna entre autres dans son rapport que la mère d'Emy évitait les questions concernant les cauchemars répétitifs de sa fille.

Intrigué, je prends les pages que je lisais et cours vers la chambre de ma mère criant son nom. Elle se réveille en sursaut et la main sur la poitrine gauche, elle s'assoit sur son lit reprenant son souffle.

- Tu veux me tuer ou quoi? Me demande-t-elle dans un souffle.

- Maman, est-ce que tu sais ce qui est arrivé à Emy... je veux dire Valen? Elle a parlé d'un soir où tout a chamboulé dans sa vie.

- Et c'est pour ça que tu me réveilles comme ça ? Gronde-t-elle. Je te rappelle que le travail reprend demain.

Je ne fais pas cas de ce qu'elle dit et m'assois près d'elle, indexant le passage dont je viens de lui parler.

- Mais...tu es venu avec son dossier ici? Bon sang, John. Si quelqu'un tombe dessus! C'est confidentiel tout ça et c'est même interdit au bureau de se déplacer avec les dossiers des patients.

- Nous ne sommes que deux ici, lui rappelé-je. Je voulais juste voir tout ça de plus près. Dis-moi maintenant.

Elle jette un coup d'oeil rapide à la page et me regarde:

- Elle n'a rien voulu me dire. J'ai tout fait pour lui faire cracher le morceau mais en vain. J'avais l'impression de voler l'argent de cette fille tellement je n'arrivais pas à l'aider. Elle a continué à se mutiler et ses cauchemars étaient toujours là. J'ai voulu abandonner l'affaire et c'est pourquoi je te l'ai laissée.

- Et sa mère? Demandé-je.

- Ah!Elle. Lorsque J'ai essayé de lui parler, elle était aussi taciturne que sa fille. Elle veut aider sa fille comme si elle voulait protéger quelqu'un d'autre en même temps.

- C'est-à-dire?

- Je ne sais pas, John. Je suis psychologue et je te dis qu'elle cache quelque chose sinon j'aurais déjà aidé sa fille à sortir de cette dépression. J'espère que toi tu réussiras. Je la vois comme ma fille, elle souffre. Je le sens.

- J'essayerai, la rassuré-je voyant qu'en  parler la rendait triste.

Je lui embrasse le front et avant de la quitter, je m'excuse de la façon si brusque que je l'ai réveillée. Elle me donne une petite tape sur le front et se recouche. Quant à moi, je reviens dans ma chambre pour me coucher aussi après avoir rangé les pages dans un cartable.

Je vais devoir attendre demain pour forcer cette fille à se dévoiler enfin.

Emy, Je Suis Fou De Toi (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant