Chapitre 26

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Tôt ce matin, j'ai appelé Sam pour lui souhaiter bon voyage tout en évitant de parler de ce qui s'était passé dans la soirée. Il a tenté de me dire que je devrais appeler Jay mais je n' en fais pas cas de ses mots. Peu importe s'il était saoul ou pas, je ne compte pas lui pardonner ceci. D' ailleurs, il n'est même pas désolé puisque je n'ai pas eu d' appels manqués de lui. La scène se rejoue constamment dans ma tête et j' ai mal quand je pense que j'ai tabassé mon meilleur ami.

Emy s' était réveillée un peu avant moi pour nous préparer des toasts et du jus d' orange.

- Toi et moi dans une maison, on crèvera de faim, a-t-elle commenté en riant. Ni toi ni moi ne savons cuisiner.

- On se fera des toasts pour le déjeuner, le dîner et même le souper, ai-je répondu quand j'ai fini de manger.

Ensuite, je suis allé la ramener car elle devait réviser. Le bac c'est très prochainement, pour le mois de Juin. Avril débute dans deux jours et je me souviens que son anniversaire c'est le 11. Je ne sais pas si c'est une bonne idée d' organiser une fête pour elle mais j'y pense fortement. Elle a arrêté de célébrer ce jour pendant si longtemps que je me dois de le lui rendre inoubliable désormais.

Pour m' occuper, je finalise avec les derniers documents de l' université qui me recevra aux États-Unis. Je n'ai toujours pas trouvé comment annoncer cela à Emy, le moment idéal ne vient jamais à ce qu'il paraît. Après, je réétudie pour la énième fois les dossiers de certains de mes patients. Je leur ai même appelé pour prendre de leurs nouvelles. Depuis ce qui s' était passé, je suis devenu plus attentif, plus disposé pour chacun de mes patients. Parfois, je me demande si je n'en fais pas trop.

Après avoir terminé, je passe un coup de fil à ma mère.

- On dit quelques jours pour quelques mois , pas vrai? Lui reproché-je dès qu' elle décroche.

- Bonjour à toi aussi, chéri, ironise-t-elle vu que je ne l'avais pas saluée.

- Bonjour, maman. Comment tu vas?

- Avec tout le travail que j'ai, je tiens le coup. Et toi, mon chéri? Tu te nourris bien?

- A part le fait que je me cuis des pattes presque tous les matins, on peut dire oui. Je dîne au resto le plus souvent. Sérieusement, maman, tu dois revenir sinon ton cher fils va finir par crever et ce n'est pas ce que tu veux, non?

Je m' attendais à ce qu'elle rit mais au contraire elle est devenue froide. Elle prend du temps avant de répondre:

- Je suis là pour encore quelques semaines.

- Quoi? Ça ne devait pas être pour quelques jours?

- Si mais ils ont sous-estimé tout le travail à faire ici. J'aurais dû t' emmener avec moi, vraiment. Je suis débordée, John, se plaint-elle.

Je souffle en pensant à ces semaines que je passerai seul à la maison. Celle-ci est comme vide depuis qu' elle n'est plus là.

- D' accord. Prends soin de toi, au re...

- Oh! Attends. J'ai quelque chose à te dire.

- Quoi encore ? Fais-je désespéré.

- J'ai... j'ai rencontré quelqu'un... Je veux dire...

Je reste silencieux en l' écoutant marmotter comme ça.

- Crache le morceau, maman, finis-je par dire.

- J'ai rencontré un homme, John.

- Et?

- Tu comprends très bien.

Je feins encore de ne rien comprendre. Depuis mon père, elle ne m' a jamais parlé d'un autre homme et en seulement une semaine, elle aurait eu le coup de foudre à un tel point qu'elle m'en parle déjà?

Submergé par la façon dont elle l' idéalise en le décrivant comme un cinquantenaire noir à la carrure imposante malgré son âge, j'ai dû lui demander de se taire un instant pour que mon cerveau puisse analyser.

- Tu essaies de me dire que tu es amoureuse, maman? Je reprends, la voix cassée.

- Je ne sais pas trop. Je l'ai croisé dans la rue, un soir, et tous les autres qui ont suivi depuis, on les passe devant un café ensemble.

- Tu t' emballes trop, lui dis-je. Il n'est pas marié au moins?

- Il divorce bientôt.

- Maman, tous les hommes mariés disent ça enfin! M' exclamé-je.

- Chéri, je ne sais pas encore ce qu'il en est. J'ai simplement voulu t'en parler, ne m'en veux pas.

- Ce n'est pas ça. Il vit à Jérémie et toi à Port-au-Prince, pointé-je.

- Il n'est stable nulle part, m' explique-t-elle. Il fait souvent des va-et-vient entre ces deux villes. D' ailleurs, début Avril, il prévoit rentrer à Port-au-Prince.

- Ok...

- Dis, comme tu es jeune, tu t'y connais en ces choses. Je voudrais lui offrir un petit souvenir vu qu'il sera à Port-au-Prince avant moi, tu me conseilles quoi?

- Tu n'es pas en train de me demander ça, quand même? Me plains-je.

Qui est ce fameux monsieur qui a transformé ma mère en une adolescente?

- Pff, laisse tomber. J'ai vu des bracelets que des artisans font en face de l' hôpital, je demanderai à ce qu' on imprime mon nom sur l'un d'eux et ce sera ça son cadeau de souvenir.

Je roule des yeux, on ne peut  vraiment pas raisonner quelqu'un qui est amoureux. Employer ce mot pour ma mère me fait mal. Pour l' avoir vue pleurer plusieurs fois, malgré tout ce temps qui s'était écoulé depuis le départ de mon père, en regardant sa photo de mariage, je peux dire qu'elle n'est pas encore prête de s' engager de nouveau.

- A plus, mon chéri. Je t'aime.

Elle n' attend même pas que je lui réponde et raccroche. J'espère qu'elle n'est pas fâchée de mon comportement. Ce n'est pas facile de m' emballer avec elle pour quelqu'un qu'elle connaît à peine et que moi, je ne connais pas et qui pis est, est marié. Bref, j'espère que quand ma mère sera de retour, j' arriverai à la raisonner.

Pour ne plus penser à tout ça, j' attrape mon téléphone et cherche sur Pinterest quelques idées d'anniversaire.

Emy, Je Suis Fou De Toi (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant