Chapitre 223 : Le fou noir

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 Tournant sur elle-même, Anela s'étonnait de ne trouver rien d'autre que de l'obscurité autour d'elle. Elle était pourtant certaine d'avoir intégré le corps de Syara. Elle devait normalement être au contrôle de ce nouveau corps, alors que faisait-elle ici ? Ça n'était pas normal !

Soudain, le bruit d'un claquement de doigt retentit et se répercuta partout autour d'elle en une dizaine d'échos.

— Qui est là ? Montrez-vous ! ordonna-t-elle en se tournant dans tous les sens.

— Alors, roi blanc. Se pourrait-il que l'échec vous menace ? railla une voix dans le noir.

— Fos ? C'est tout ce que tu as trouvé pour m'emmerder ? Ton plan ne fonctionnera pas. Que je sois là où non, les armées des anges déferleront bientôt sur ce monde et le purifieront.

À cette réponse, Anela n'eut qu'une absence totale de son en retour. Malgré l'intervention de Fos, le problème demeurait pour elle. Elle ne savait ni où elle se trouvait, ni comment s'y prendre pour en sortir et obtenir ce qui lui était dû. Un corps jeune aux ailes qui n'avaient pas encore poussé.

Après un long silence, un nouveau claquement de doigt se fit entendre. Cette fois-ci, tous les ténèbres se dissipèrent et révélèrent une étendue lisse et bleue azure parsemée d'arabesques d'un bleu plus pâle.

— Alors, roi blanc, quel sera votre prochain coup à présent ?

La voix provenant de derrière elle, la mère de Syara se retourna et tomba nez à nez avec Fos. Voir son pire ennemi, encore debout après tout ce temps suffisait amplement à l'énerver au plus haut point. Combien de fois avait-elle ordonné qu'on lui ramène cette tête dont le sourire ineffaçable l'enrageait.

— Vous ne voulez pas jouer ? Très bien, dans ce cas, je vous présente mon roi noir, annonça-t-il.

De derrière Fos, Syara apparut. Elle paraissait tout aussi étonnée de se trouver ici, mais ne semblait pas non plus surprise par cet environnement des plus étranges.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-elle en se mettant à côté de Fos.

— Tu ne te souviens pas ?

— J'ai l'esprit quelque peu embrouillé, expliqua-t-elle en se frottant la tempe.

— Alors sache que tu es ici car ta très chère mère a essayé de prendre possession de ton corps.

Alors qu'il lui révélait cela, les yeux de Syara s'écarquillèrent, puis se transformèrent en un regard noir dirigé vers Anela. Ce simple rappel avait suffi à lui faire retrouver la mémoire des dernières minutes qui s'étaient écoulées dans le monde réel.

— Elle a essayé de faire la même chose à Ely, grinça-t-elle entre ses dents.

— Et fort heureusement, son père continue à la protéger au travers de sa magie. Il l'a tout simplement rejetée, mais pour toi, c'est un peu différent. Ton père n'avait pas de pouvoirs spécifiques, mais tu n'es pas sans protection. Tout être voulant prendre possession du corps qui contrôle le violon de cristal doit passer par ici.

— Et quoi ? Je dois vous tuer ? Si ça n'est que ça... railla la mère de Syara.

Avant qu'elle n'ait pu faire quoi que ce soit, Anela se prit la première attaque. Elle ne faisait pas mal physiquement, mais reflétait bien ce que la beast ressentait pour elle. Celle-ci, libérée de toutes contraintes, venait de lui cracher au visage.

— sale petite peste, grogna-t-elle en s'essuyant le visage du revers de la main. Tu vas me payer ça !

Alors qu'elle s'apprêtait à sauter sur Syara pour lui donner une bonne correction, tout l'environnement se mit à changer de couleur. Telles des vagues qui passaient aussi bien dans le ciel que sur le sol, le décor ne cessait d'alterner entre le bleu azur habituel et le noir profond couplé aux arabesques d'un rouge vif.

Ce changement soudain retint un instant la mère de Syara qui recula d'un pas et observa tout autour d'elle cet étrange phénomène.

— Qu'est-ce que vous faites ?

— Nous ? Rien du tout, répondit Fos avec un large sourire.

Sur ses gardes, l'ange resta immobile, sur ses gardes, jusqu'à ce que ce qui l'entourait arrête de changer. Au bout d'une longue minute, tout était redevenu comme avant. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle avait l'impression d'avoir échappé à quelque chose de terrible.

— Qu'est-ce que c'était ? Insista-t-elle.

— Tu crois que je vais te répondre alors que tu veux prendre mon corps ? répondit Syara.

— Comme je te l'ai dit, nous, nous n'y sommes pour rien.

— Alors qui ? questionna-t-elle en commençant à s'énerver.

— Tu vas le savoir dans un instant. Ma très chère Anela, je te présente... Le fou noir.

En entendant ce nom, les poils de sa nuque se hérissèrent. Cependant, cela n'était pas que dû à un simple nom, et elle le savait. Sentant le danger, elle fit volte face, juste à temps pour qu'une main la saisisse par la gorge et la soulève du sol.

Une forte douleur au niveau du cou la prit immédiatement tandis qu'elle essayait en vain de remplir ses poumons d'air. Ses pieds se balançaient dans l'espoir de trouver quelque chose sur lequel s'appuyer et ses mains essayaient de desserrer l'étreinte monstrueuse qui la faisait suffoquer.

La douleur était telle qu'elle n'arrivait qu'à ouvrir à moitié un seul œil. La chose qui l'avait attrapée était une créature qui ressemblait à sa fille, mais ses yeux aux pupilles rouges et au reste noir ainsi que ses traits durs laissaient penser qu'il s'agissait d'une tout autre personne.

Elle comprenait tout à présent. En capturant le roi noir, elle avait aussi amené chez elle son fou. Celui qui, d'après leur partie, était destiné à briser la pièce maîtresse de son côté, à lui retirer la couronne.

Lentement, le fou noir détendit le bras qui tenait l'ange et approcha sa bouche de son oreille.

— Ce corps est à moi. Il m'appartient... Connasse !

En lançant cette insulte, la chose projeta violemment Anela qui retomba lourdement au sol une dizaine de mètres plus loin. Alors qu'elle tentait de se relever et de retrouver son souffle, l'entité maléfique tourna la tête dans la direction de Fos qui se contenta de hausser les épaules.

Avec un large sourire, le fou noir commença à s'avancer vers sa prochaine victime, son archet au crin aussi coupant que des lames de rasoir en main.

Toujours à terre, Anela regardait son bourreau approcher, impuissante. Elle ne voulait plus de ce corps, elle ne voulait pas mourir ici, tuée aussi bêtement par une créature qui paraissait si stupide et laide à ses yeux.

— Je veux sortir d'ici ! hurla-t-elle.

Tandis que la chose continuait à avancer, la mère de Syara sentit d'étranges picotements dans les membres qui n'étaient pas dus à la strangulation. Elle avait aussi l'impression que son corps devenait de plus en plus transparent.

Alors que le fou noir s'approchait d'elle, ce dernier assena un puissant coup pour décapiter son adversaire, mais son archet ne trouva que le vide. Anela avait disparu.

Le violon de cristal : les partitions perdues (suite)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant