épilogue 1 : Au revoir Telak

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 Sur une petite colline de l'île qui avait vu naître Telak et ses compagnons démons, trois tombes avaient été installées. Avec la pelle plantée à côté de la terre fraîchement retournée, on pouvait facilement deviner qu'elles avaient été creusées à la main, sans aucun recourt à la magie.

À côté de celles-ci se trouvait une quatrième, plus ancienne, dont l'herbe avait déjà repoussé. Ils avaient choisis de les enterrer à côté de leur ami, le mari de Valana, qui avait péri durant l'une de leur mission pour protéger sa femme. Celle-ci était d'ailleurs présente et retenait ses larmes tout en tenant son fils par la main.

Si Syara et le reste du groupe avaient perdu un ami, elle, elle les avaient tous perdus. La démone était aussi rongée par les remords. Elle se demandait comment elle avait pu être aussi aveugle tout ce temps. Comment elle ne s'était pas rendue compte que le pendentif qui était dans sa famille depuis des générations la poussait toujours à revenir et à obéir à cet être abject qui ne voulait que la destruction de ce monde.

En l'interrogeant, la beast avait appris qu'ils étaient à part sur cette île de fanatique. Ils n'avaient jamais voué une adoration aveugle envers Anela et étaient libres de faire ce qu'ils voulaient. Vu qu'ils étaient partis étudier la musique hors de l'île, ils n'avaient pas été endoctrinés et leur absence pour accomplir toutes sortes de missions n'avait pas aidé à découvrir qui était véritablement la dirigeante de l'île.

Mais, ce qu'elle regrettait par-dessus tout était d'avoir embarqué son enfant dans cette sordide affaire. Elle s'en voulait de l'avoir ainsi fait souffrir, même s'il n'en gardait heureusement aucun souvenir. À présent, elle était déchirée entre l'idée de quitter cette île remplie de mensonges où bien rester pour pouvoir se recueillir auprès de la tombe de ses amis et de son mari.

Pour Syara, se retrouver ici était l'apothéose de son échec. Elle qui aurait pu sauver son ami et mentor avait encore du mal à fixer la stèle où était inscrit son nom. Pourquoi seulement trois ? s'était-elle répété intérieurement. Pourquoi pas quatre ? Pourquoi pas six pour tous les sauver ? Pourquoi avait-il fallu qu'elle ne puisse en sauver que trois ?

Alors qu'elle repensait encore à ça, son regard se tourna vers Rael. Suite à sa mort, puis à sa résurrection, Elyazra avait compris qu'elle ne ressentait pas que de l'amitié pour lui et s'était empressée de lui faire comprendre. Elle s'appuyait à présent sur son épaule tout en regardant les tombes. Cette vision était l'une des seules qui arrivait à réjouir la beast.

— Pourquoi moi ? Interrogea soudainement l'elfe en se tournant vers Syara.

— Comment ça ? s'étonna la violoniste.

— Tu connaissais Telak depuis plus longtemps et il t'a accompagné et épaulé où que tu ailles et quoi que tu fasses, alors pourquoi m'avoir choisi moi et pas lui ?

— Parce qu'il m'a demandé de ne pas le faire revenir et de choisir Valana à la place, répondit-elle.

— Il te l'a demandé ? qu'est-ce que tu veux dire par là ? questionna Elyazra.

— Eh bien, tu l'as vu comme moi ! Il est apparu et m'a demandé de faire ça !

— Tout ce que nous avons vu, c'est toi qui essayais de le convaincre, mais nous ne l'avons ni vu, ni entendu, affirma Guard

— Alors vous croyez que j'ai eu une hallucination ?

— Moi je te crois, affirma la demie-dragonne. Tu dégageais tellement de puissance qu'il est possible que tu aies vu quelque chose que nous ne pouvions percevoir.

— Et même sans le voir, nous avons compris que c'était son choix, ajouta Phi. Personne ne t'en veut pour ça.

— Je suis sincèrement désolée d'avoir pris la place de Telak, s'excusa Valana. Lorsqu'il nous a parlé de vous, il souriait et avait des étoiles dans les yeux. Il vous appréciait beaucoup.

— Vous n'avez pas besoin de vous excuser. C'était son choix et cela me console un peu d'avoir pu accéder à sa dernière volonté, sourit tristement la beast.

— Je ne pourrais jamais assez vous remercier pour ce sacrifice que vous avez fait. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, vous pouvez compter sur moi. C'est le moins que je puisse faire pour honorer sa mémoire.

— Je pense pouvoir parler au nom de Telak en disant que tout ce qu'il souhaite, et que je souhaite aussi, c'est que vous puissiez vivre en paix avec votre enfant.

— Mais pour cela, je pense que vous ne pourrez pas rester ici, avança le satyre. La nouvelle de la mort d'Anela va bientôt se répandre sur toute l'île et qui sait ce que les habitants vont faire. Vous pourriez ne pas être en sécurité.

En l'entendant dire cela, Syara réfléchit un instant. Il savait que les habitants étaient des fanatiques et elle était certaine, au moment où il avait attaqué sa mère, qu'il avait prononcé un nom. Malgré tout, il fallait qu'elle en ait le cœur net.

— Guard... Lorsque tu t'es jeté sur ma mère, tu as dit quelque chose... Un nom.

— Il t'aimait, répondit-il. Il t'aimait tellement qu'il n'a pas supporté les traitements qu'elle te faisait subir et qu'il a décidé de t'enlever, même en sachant que cela signerait son arrêt de mort.

Soudain, des images affluèrent dans l'esprit de la beast. Elle se voyait enfant, au fond d'un petit bateau manœuvrable avec une seule personne. Elle voyait son père parler avec une personne à la barre. Malgré sa capuche qui lui cachait le visage, elle distinguait des cornes qui dépassaient. Non, en vérité, il n'y avait qu'une seule corne.

— Tu es celui qui nous a aidés à nous échapper, se souvint-elle.

— Et après t'avoir confié à un puissant mage qui devait veiller sur toi, nous nous sommes éloignés pour éviter qu'elle ne te retrouve. Nous avons été traqués et ton père tué. Quant à moi, je suis tombé d'une falaise et ils m'ont cru mort, mais j'ai survécu à la chute qui m'a cependant rendu amnésique. Avant de mourir, il m'a demandé de veiller sur toi et, maintenant que j'ai retrouvé la mémoire, je compte bien tenir cette promesse.

Cette révélation était tout bonnement incroyable. Comment avaient-ils fait pour se retrouver après tant d'années. Après tout, des milliers de kilomètres séparaient la forêt où il opérait en tant que bandit et l'école où elle avait fait ses études. Peut-être existait-il une force invisible qui se chargeait ainsi de réunir les personnes et qu'elle avait fait en sorte qu'elle retrouve son sauveur, sa sœur et un mentor qui venait de la même île qu'elle.

— Nous devrions y aller, suggéra Elyazra en pointant la mer.

À l'horizon, un navire s'approchait peu à peu de l'île. Il devait s'agir de la navette qui la reliait au continent. S'ils ne partaient pas maintenant, il y avait des chances pour qu'ils le ratent. Tandis que tout le monde, même Valana et son fils, se mettaient en route, Syara resta un instant devant la tombe de Telak. En s'agenouillant, elle baisa ses doigts qu'elle posa ensuite sur la stèle avec un regard triste.

— Au revoir, mon ami, prononça-t-elle avant de se relever et de rejoindre les autres.

Le violon de cristal : les partitions perdues (suite)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant