Chapitre 208 : Troisième apparition

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 Lentement et sans faire aucun geste brusque, Shay se releva et recula pas à pas tout en restant face à Syara. Shavi, qui savait lui aussi ce qui se passait, se plaça devant sa fille pour la protéger. Tout le monde retenait son souffle en sachant pertinemment ce qui lui était arrivé. Tout le monde, sauf une personne.

— Syara ? Ça ne va pas ? s'inquiéta Phi en commençant à se rapprocher d'elle.

Tandis que Shay barrait la route de la fée avec son bras pour l'empêcher d'avancer, la beast posa ses yeux noirs et rouges sur elle et pencha la tête sur le côté, son visage dépourvu de toute expression.

— Combien d'apparition ? s'enquit le dragon noir.

— C'est la troisième, répondit son frère. J'avais utilisé un sceau pour l'entraver, mais visiblement, ça n'a pas suffi.

— Qu'est-ce qui lui arrive ? questionna Phi.

— La personne devant nous n'est pas Syara, mais une entité qui a pris possession de son corps.

— Mais c'est horrible ! s'exclama la fée.

Visiblement, l'esprit corrompu du violon n'apprécia pas que quelqu'un parle aussi fort. Avant que quiconque ne puisse réagir, la chose invoqua le violon corrompu et fit crisser l'archet sur les cordes. S'ensuivit une puissante détonation qui souffla entièrement le manoir dans lequel ils se trouvaient.

Pour toutes les personnes qui se trouvaient à l'intérieur, leur salut vint de Shay qui avait eu le réflexe d'élever un bouclier autour de tout le monde. Malgré tout, la déflagration avait été telle qu'ils avaient été soufflés en dehors du manoir.

Tandis qu'ils peinaient à se relever, et s'inquiétaient de savoir si tout le monde allait bien, Shay et Shavi regardèrent le bâtiment qui n'était à présent qu'une ruine. Debout, au milieu des gravas en feu, la chose du violon regardait dans leur direction, une expression de colère sur son visage.

— J'aurai dû baffer Fos le jour où il a fait ce rituel pour retirer sa noirceur au lieu de l'aider, grogna Shavi qui venait de perdre sa maison.

— Nous devons lui faire entendre raison ! s'exclama Telak.

— Non. Vous, vous ne ferez rien, contredit le dragon noir.

— Je sais que vous détestez les mages, mais nous ne resterons pas inactifs pendant que... tenta d'argumenter Rael.

— Ça n'a rien à voir avec ça, le coupa le dragon. Les deux premières apparitions, l'esprit corrompu s'éveille. À partir du troisième, ses pouvoirs sont à leur plein potentiel.

Comme pour illustrer ses propos, la beast fit de nouveau crisser son archet sur les cordes de son violon. Une puissante décharge d'énergie sombre se matérialisa devant elle et partit en direction de la seconde partie de l'île, là où se trouvait une petite montagne.

Dans un fracas assourdissant, la moitié supérieure du mont fut tout bonnement désintégré. De l'autre côté, dans le village, on pouvait entendre les cris des habitants qui se demandaient ce qui se passaient.

— Vous voulez vous rendre utile ? Faites en sorte que personne n'approche d'ici pendant qu'on s'occupe d'elle.

— Ne la tues pas, je t'en prie, supplia Elyazra.

— Nous allons voir ce qu'on peut faire, mais sache que ta vie passera toujours avant la sienne. Si je sens que tu es en danger et que j'ai une opportunité de la tuer, je n'hésiterai pas.

La demi-dragonne allait pour essayer de le convaincre de tout faire pour épargner Syara, mais Guard s'interposa et la poussa à suivre le reste du groupe. Elle essaya d'abord de se débattre, mais comprit l'empressement du satyre en posant ses yeux sur Syara. L'être corrompu regardait dans leur direction, l'archet prêt à être frotté sur les cordes de l'instrument.

Malgré sa force, il était évident qu'elle n'était pas au niveau contre un tel adversaire. Pire, elle pouvait être une gêne pour les deux dragons qui fixaient leur ennemi avec un regard des plus sérieux. Jamais elle ne les avait vus ainsi et savoir qu'ils étaient aussi surpuissants l'un que l'autre et se comportaient tout de même de cette manière n'était pas rassurant.

Finalement, son père ne leur avait pas demandé d'empêcher les habitants de s'approcher pour les protéger, mais plutôt pour que eux quittent ce qui allait être un véritable champ de bataille dans quelques minutes.

— Elle en vaut le coup ? demanda Shavi à son frère tout en se rapprochant lentement de la chose.

— Elle est bien mieux que tous les autres porteurs du violon qui l'ont précédée, Fos compris, répondit-il sans une hésitation tout en le suivant.

— Pourquoi un nouveau porteur maintenant ?

— Parce que les partitions commencent à être découvertes. Nous étions venus ici pour récupérer la dernière, la tienne, avant qu'elle ne tombe entre de mauvaises mains.

— Par mauvaises mains, tu veux dire les siennes à elle ?

— Je ne sais pas, mais c'est possible. Pour une fois, le violon est apparu pour empêcher une guerre d'éclater et non pour diriger l'un des deux camps vers la victoire. Faisons notre possible pour qu'elle s'en sorte indemne.

Arrivé au niveau de l'être corrompu, Shavi et Shay se placèrent de chaque côté pour l'entourer et attendirent de voir quel serait son premier mouvement. La chose sembla hésiter un instant, puis fit mine d'approcher l'archet du violon.

En une fraction de seconde, les deux dragons fondirent sur elle et tentèrent de l'immobiliser. Voulant donner un puissant coup de poing, Shavi fut intercepté par l'esprit qui fit disparaître l'instrument pour avoir une main libre et lui saisir le poignet. Shay, lui, arriva à l'attraper à la gorge, mais la situation n'était pas gagnée pour autant.

S'il pouvait lui briser la nuque en un instant, Syara, elle, avait fait en sorte de placer son archet au niveau du cou du dragon. Au moindre mouvement brusque, elle pouvait le décapiter.

— C'est moi ou elle a plus de force que les autres porteurs ? Questionna le dragon noir qui n'arrivait pas à dégager son bras de son emprise et ne pouvait rien faire d'autre sans risquer la vie de son frère.

— Je crois qu'on ne sera pas trop de deux pour y venir à bout sans la tuer... Maintenant !

Au signal, les deux dragons adoptèrent une forme brumeuse, l'une sombre et l'autre de lumière. Cela leur permit de se dégager du corps à corps sans risquer de se prendre un coup, mais la situation n'avait pas bougé, l'esprit était toujours là, face à eux.

Celui-ci se mit d'ailleurs à se fendre d'un large sourire et, un instant plus tard, des tambours de guerre se mirent à raisonner partout sur l'île.

— Ho non, ne me dit pas qu'il maîtrise ça... Par pitié, souffla le dragon noir.

— Nous n'avons plus une minute à perdre, répondit gravement son frère.  

Le violon de cristal : les partitions perdues (suite)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant