Chapitre 210 : La chute des dragons

1K 200 88
                                    

 Sous le dôme protecteur de Phi, villageois comme membres du groupe continuaient à scruter le ciel, là où s'étaient tenus les dragons et la personne qui s'était déchaînée sur l'île. Tout le monde se demandait ce qui leur était arrivé, où étaient-ils passé et que s'était-il passé ? Tout le monde sauf une personne.

Une fois la lumière dissipée, Elyazra était restée, comme les autres, à scruter le ciel, mais elle ne se posait pas les questions des autres. Elle savait ce qu'ils venaient de faire et était restée stupéfaite. Soudain, la demi-dragonne se mit à courir dans les rues du village en direction du manoir de son père. Elle courrait sans se soucier de ce qui l'entourait, comme si la vie de quelqu'un dépendait de cette course, elle ne voyait que le chemin devant elle et évitait instinctivement les obstacles et les personnes sur sa route.

Lorsqu'elle arriva enfin sur les lieux, ses yeux s'écarquillèrent. Ils étaient là. Syara allongée, inconsciente sur le sol ainsi que Shay et Shavi, sous leur forme humaine, assis et adossés à ce qui restait d'un mur du manoir.

Les deux dragons étaient en piteux état et ils semblaient totalement incapables de bouger, mais étaient tout de même conscient.

— Papa ! Shay ! appela Elyazra en se précipitant vers eux.

En voyant sa fille, le dragon noir eut un léger sourire et la laissa l'étreindre malgré la douleur qui le tiraillait.

— Pourquoi vous avez fait ça ?! Pourquoi ?

— C'était nécessaire, souffla Shay.

— Ne bougez pas et tenez bon, je vais aller chercher Phi, elle vous soignera !

Paniquée, Elyazra tenta de se relever, mais son père la retint par le bras et la força à rester avec lui. Dans les yeux de la demi-dragonne, on pouvait lire sa tristesse, mais aussi son incompréhension.

— Reste, implora-t-il. Aussi puissante que soit ton amie, elle ne pourra rien pour nous.

— Ne me dis pas que... s'horrifia-t-elle.

— Nous n'en avons plus pour très longtemps, répondit Shay, confirmant les craintes de la jeune femme. Nous avons utilisé presque toute notre énergie pour percer sa défense et, même sous cette forme de flamme, sa protection nous a presque tué.

Un instant, Elyazra posa son regard sur la beast étendue au sol. Son cœur s'emplit alors de rancœur et de colère envers cette personne qui venait de condamner les deux personnes qu'elle considérait comme ses parents.

— Elle n'est en rien fautive, souffla péniblement Shavi.

— Mais...

— C'est moi qui lui ai insufflé toute ma peine, elle ne pouvait pas lutter. Lorsque l'esprit a pris possession d'elle, ton amie a sombré dans un sommeil profond. Elle n'a même pas conscience de ce qui s'est passé ici. Je suis le seul à blâmer pour ce qui est arrivé.

— Mais elle a...

— Elle n'a rien fait, appuya Shay. Si le sceau que j'avais placé sur elle n'a pas pu l'arrêter, alors elle non plus. Tu la connais bien et tu sais qu'elle n'aurait jamais fait ça de son plein gré. Elle aurait préféré se sacrifier plutôt que de risquer la vie d'innocents.

Peu à peu, alors que la demi-dragonne regardait tour à tour son amie et les deux dragons, sa colère se dissipa et laissa sa place à une profonde tristesse. Celle de la perte imminente de deux de ses proches. Une larme se mit à couler le long de sa joue et une main tremblante vint se poser dessus. D'une caresse de son pouce, son père essuya la larme et lui sourit.

— Dans ma vie, j'ai raté bien plus de choses que j'en ai réussi. Ce constat m'aura poursuivi jusqu'au bout. Mais il y a une chose que j'ai réussie et qui éclipse tout le reste. C'est toi.

— Papa, pleura la jeune femme.

— Lorsque tu vivais encore à mes côté, tu étais celle à qui je me raccrochais pour ne pas sombrer. Aujourd'hui, tu es ma plus grande fierté. Celle pour qui je donnerais ma vie une seconde fois si je le pouvais.

N'en pouvant plus, Elyazra fondit en larmes et se cramponna à son père, le visage blotti dans son cou. Malgré sa faiblesse et sa difficulté à bouger, le dragon noir entoura sa fille de ses bras et la serra contre lui.

— Je ne veux pas te perdre, pleura-t-elle. Pas après t'avoir enfin retrouvé.

— Je serais toujours à tes côtés. Tu pourras toujours me retrouver dans les flammes que je t'ai légué, lui dit-il en lui caressant les cheveux. Laisse-moi contempler ton visage, que je vois quelle magnifique jeune femme tu es devenue.

Se ressaisissant quelque peu, Elyazra se détacha de son père, mais ne pouvait s'empêcher de continuer à pleurer. Elle pouvait voir, dans ses yeux, toute sa fierté. Le sourire qu'il portait à son encontre se voulait rassurant, comme si tout allait bien se passer.

— J'aurai tant aimé ne pas être aussi borné et partir avec toi pour te voir grandir. Même si tu resteras toujours pour moi ma petite Ely qui courrait partout dans la maison. Tu as encore tant de choses à accomplir et je sais que tu surpasseras toutes tes épreuves.

Dans sa main tremblante, le dragon fit apparaître un parchemin qu'il tendit à sa fille. Elyazra, toute aussi tremblante sous le coup de l'émotion, se saisit de la feuille enroulée et inspira un grand coup pour reprendre ses esprits. Elle remarqua alors que la main du dragon commençait à devenir transparente. Le moment fatidique approchait.

— Ely, appela Shay qui lui aussi était en train de disparaître. J'ai une faveur à te demander si tu le veux bien.

— Tout ce que tu veux, répondit-elle immédiatement.

— Ne dit pas à Syara ce qui s'est passé ici. Rien de bon n'en ressortirait si elle venait à le savoir. Cache-lui la vérité, dis aux autres que nous sommes juste parti, mais pas mort. Protège-les tous et, si tu ressens le besoin de te confier, allume une flamme et nous t'écouterons.

— Ils n'en sauront rien, promit-elle d'une voix tremblante.

— Bien. Je crois qu'il est temps pour nous d'y aller. Au revoir petite Ely, prends soin de toi.

— Au revoir ma petite lumière.

Juste après avoir dit cela, les deux dragons devinrent de plus en plus intangible et finirent par disparaître, sans un bruit, devant la demi-dragonne qui, à genou au milieu des ruines, tentait de retenir ses larmes, en vain.

Dès qu'ils furent tous deux partis, une rune se dessina sur le front d'Elyazra et se craquela jusqu'à être totalement brisé. Le sceau qui enfermait ses pouvoirs avait disparu avec son concepteur. Ils étaient partis. Pour de bon.

Le violon de cristal : les partitions perdues (suite)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant