Mon esprit

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Cela fait une semaine que Gille est mort.
On était 200 hommes il y a une semaine...
On est plus que 62 en ce jour... on est le 9 décembre 1914.

Il y a une semaine le sol était recouvert de boue, de cadavre et de sang.
Le ciel ne nous délivrait qu'une pluie d'obus, de grenade et de petits morceaux de cadavres.

Aujourd'hui le sol est recouvert d'un épais drap blanc, froid et immaculé de rouge.
La neige est pire que la boue... elle laisse apparaître chaque goute de sang, chaque cadavre déchiqueté, chaque partie de corps et toute les cicatrices de la terre.

Le froid vient glacé nos os déjà malmener, le vin et l'eau est complètement congeler.
Ça fait exactement 3 mois qu'on aurait dû avoir des permissions ! Ça va faire bientôt 2 mois que l'on a été mobiliser à Saint-Quentin...
Déjà 4 mois que je suis séparé d'elle, la nature même du mot beauté... Marie.

Les rumeurs disent qu'on va bientôt devoir reculer, les hommes de l'arrière on creusés tout un réseaux de tranchées afin de défendre la France de l'invasion Allemandes... personnellement j'en ai rien à faire de la France !
J'ai surtout envie de retrouvé ma famille et ma future femme.

Ça fait déjà 24h qu'on a pas manger, ça fait deux semaines que on a pas pu se raser, se laver, passer de l'eau sur notre visage, se réchauffer et dormir sur un lit de plume.
J'envie les mois d'entraînements, j'envie Cambrai, j'envie ma jeunesse, ma jeunesse pleine d'innocence, de sucrerie, de jeu et de bêtise.

On nous avait promis un retour à Noël et bien pourtant nous sommes le 9 décembre et toujours rien ! Pas l'ombre des murs de Berlin...

Où est passé l'époque de Napoleon, où est passé l'époque des grandes victoires de Iéna, d'Austerlitz, de Marengo... les grandes batailles du second Empire !
Où est passé l'époque des grands généraux ? Rochambeaux, Lafayette, Napoleon Bonaparte, Masséna, Caulaincourt, Ney, Lannes, Cambronne...
Où est passé la France si glorieuse... et bien aujourd'hui elle est dans un fossé plein de merde, avec tout autour de nous une puanteur, des cadavres en décomposition.

On étend tout à coup des pas venir vers nous et d'un coup le Caporal Palvot se terre dans le fossé.
Il vient vers moi et me tend un quart remplis d'eau chaude.

-Tiens Harold c'est à toi de boire maintenant ! Ça fait 2 jours que tu passes ton tour pour les autres...

-Je peux encore tenir un peu ne t'inquiète pas !

-1ère Classe Darwin ! Buvez ce verre ! C'est un ordre.
Il me le tend de force avec un sourire.

-Merci...
Dans un premier temps je me réchauffe les mains, elles sont congelées et complètement inutilisables.
Je viens enfin poser mes lèvres sur le quart en métal et vient boire son breuvage si simple pour un civil mais si réconfortant pour un soldat.

-On a des nouvelles de l'arrière ?
Ou ont-ils oubliés l'existence du 101e ?
Lui dis-je de manière direct.

-Seul le Colonel sait quand on doit reculer. Mais on en a tous marre... j'ai jamais connu ça ! Jamais pareil situation, pareil nombre de mort...
Palvot ne perd jamais son sourire, une qualité chez lui qui m'est inconnu mais si réconfortante.

-On est plus que 62, au prochain assaut on résistera pas ! Et combien de sous-off on a perdu ?
Je ne fini pas mon verre laissant un fond que je tend à Arthur qui était recroquevillé sur lui même, aussi tremblant qu'une feuille.
Il l'attrape et me remercie d'un signe de tête, le pauvre n'avait même plus de force pour parler.

-On a perdu le sergent, on a perdu les 4 autres caporaux ! Je suis le dernier en vie, et il reste le Colonel.
Le Capitaine c'est replié durant la première escarmouche.
Que faisiez vous avant la guerre ? Mis-à-part être un petit arrogant ?
Dit-il en rigolant.

-J'étais étudiant en Histoire... je vivais à Paris dans le quartier Latin et j'allais bientôt demandé la femme que j'aime en mariage et vous Caporal ?

-J'habitais à Versailles, j'étais Professeur mais avant ça soldat.
J'ai participé à la pacification de nos Colonies.
Je vivais avec ma femme et mes 3 petites filles.
La Belle Époque...
Bon reposez-vous tous !
Il se lève et retourne dans l'autre fossé.

Je regarde autour de moi et voit Albert en train de nettoyer son arme minutieusement.
Nicolas est en train d'écrire une lettre, il s'est remit rapidement de sa blessure, tant mieux pour lui.
Benoît lui se repose, il s'est très bien battue durant ces derniers jours mais le plus surprenant fut Blaise.
Ce nègre libre, il ne parle jamais, ne se plaint jamais; une vraie machine à tué... brave type.

-Dit-moi Blaise ! D'où viens tu ?

L'homme me regarde timidement et d'un forge accent africain il luit répond.

-Je viens du Sénégal, pourquoi me poses-tu la question ?

Je suis surpris par cet accent, et surtout par cette agressivité mais ce n'est pas étonnant... comme j'ai pu être con.

-Je me posais la question simple, comment tu as pu être enrôler dans un régiment national au lieu d'un régiment colonial ? Si ma question te gène dit le moi.

-Ta question ne me gêne pas. J'ai été amené à Paris par un cirque qui voulait de moi comme clown, comme comique.
Mais un jour un homme m'a acheté et m'a libéré m'offrant une bourse afin que je puisse vivre librement.
Mais je me suis directement engagé dans l'armée quand la guerre a commencé.

-Un sacré parcours ! Tu pourrais me faire rire ?
Dit Nicolas en regardant le nègre.

-Allez ! Fait nous un numéro de cirque.

Tous le monde se met à rire ainsi que Blaise... ça faisait 2 semaines que l'on avait pas bougé appart pour charger contre les boches ! Enfin un peu de réconfort.

Un soldat fait irruption dans le fossé.

-Qui es-tu le gringalet ?

-Je suis le soldat 1ère Classe Meyer !

-Meyer ? Tu étais à Paris ? Dans les bureaux d'enrôlement non ?

-Oui c'est ça ! Darwin ? C'est ça ?

-Lui même pour te servir.

-Je dois venir renforcé votre escouade.
En tous cas on te connaît tous maintenant Darwin... l'homme à la mitrailleuse et surtout un sacré coup d'épaule contre les boches.

Une nouvelle fois un rire général s'échappe de nos bouches. On a besoin de se détendre bordel.
Meyer sortit ainsi plusieurs bouteille de vin de son havre-sac et je peux vous assurer que cela nous a réchauffer le cœur durant toute une nuit.

Le lendemain matin les obus nous ont réveillés.
Mais Larrieu nous a ressemble afin de se repliez vers l'arrière des lignes.
Il est enfin temps de prendre un peu de repos.
On en peut plus.
La marche est longue et pénible, mais le fait de retrouver un minimum de confort ne peut nous donner que de l'espoir en ces temps troubles.

Après deux semaines de souffrance, j'ai découvert un aspect de moi que je n'avais jamais pu observer avant, un certain sacrifice mais aussi... de la noirceur.
J'ai tué pas moins de 500 soldats ennemies dont 22 à la baïonnette...
La vraie question est suis-je encore un homme ou un monstre...?

Moi Soldat ! Où les histoires vivent. Découvrez maintenant