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J'ai passé deux semaines dans la boue, l'humidité et le froid.
Mon corps est plein de crasse, je me sens sale, je suis sale.
Mon esprit est tout aussi sale que mon corps ! Combien de vie ai-je fauchée ?

Est-ce que je mérite encore la vie ?

Notre régiment est rassemblé sur une seule ligne de 64 hommes.
Nos uniformes ont perdu de leur couleur bleue pour virer au marron et les pantalons rouges ne laissent apparaître que les morceaux de boue sec.
Nos armes sont pleines de rouille, elles sont bonnes à jeter.

Bon sang mais dans quel état sommes-nous !

Le Colonel Larrieu s'avance vers nous, son uniforme était tout autant en mauvais état que les nôtres.

-Messieurs vous aurez le droit à une semaine de permission après votre journée de repos en caserne.

Un grognement de notre part retentit, on voulait tout de suite partir chez nous ! Même le caporal Palvot vient rétorquer face à cet ordre mais le Colonel n'y est pour rien.

-Le régiment ainsi que la compagnie sera pourvu de nouveaux hommes.
Nous allons avoir à faire des promotions.
Soldat ! Garde-à-vous !

Toute la ligne se tient droite et regarde vers le colonel fatigué de ces derniers jours de combats.

-Au passage du grade de sergent je demande au Caporal Palvot de s'avancer. Félicitations, votre uniforme vous sera remis après.

Au passage du grade de Caporal je demande à Meyer, Darwin de vous avancer ! Félicitations même chose que pour Palvot.

Blaise, Arthur, Albert, Nicolas, Bertrand, Julien, Jean, Benoît.
Vos brisques vous seront remises avec vos futurs uniformes, félicitations soldats de première classe.

Nous étions heureux, c'était de bonnes nouvelles après l'enfer, enfin de la reconnaissance pour nos putains de faits d'armes.

-Soldat. Allez vous doucher, vous raser ! Je ne veux aucune barbe, aucune moustache.
Vous partirez chercher vos uniformes et nouveaux équipements après.
Rompez mes enfants.
Darwin venez !

Je n'avais qu'une seule envie c'était partir me doucher et écrire une lettre à Marie.
Mais le patriarche m'appelle visiblement.

-Vous avez fait preuve d'une efficacité exemplaire avec la mitrailleuse !

-J'ai surtout eu la chance qu'elle tire...

-Non ! Visé avec une mitrailleuse n'est pas facile ! Vous suivez le parcours de votre père avec votre courage ! Il serait fier de vous.
Allez-y !

Il ne me laisse le temps de rien dire, il s'éloigne de moi partant dans ses quartiers.

Mon père ? Comment connait-il mon père ?
Bordel... les gens en savent plus sur lui que moi, son propre fils.

Je pouvais enfin partir vers les douches.
Je fais tomber l'uniforme que je n'avais pas retiré depuis un mois entier.
Je retirai la brisque de première classe que je prenais soin de déposer délicatement sur un meuble.
Après avoir enfin retirer mes effets personnel des poches.
Je puis enfin balancer ce tissu des enfers vers une cheminée sans aucun remords.

Je pouvais enfin me glisser sous l'eau chaude.
La crasse tombait dans la baignoire blanche qui était maintenant immaculée de boue et d'impureté en tous genres.
Ma peau retrouvait sa propreté d'avant-guerre, mon corps était lavé... mais pas mon esprit.

Je venais ensuite prendre une lame de rasoir.
La petite guillotine venait faire tomber les poils de ma barbe pour laisser apparaître mon visage marqué par la fatigue.

Je recule et me regarde dans le miroir.
Mon corps s'est fortement musclé, les privations de nourriture l'ont fait maigrir mais les mouvements du combat l'ont transformé.
J'ai l'impression de voir un homme nouveau.

Je me rince le visage et part enfin me mettre une chemise propre sur le dos.

Habille proprement je pars vers le stock géré par le sergent Palvot deja équipé.

-Le jeune bourgeois est de retour.
Prenez vos effets caporal !

Il me donne mon nouvel uniforme.
Un uniforme entièrement bleu, le pantalon rouge avait disparu et sur la manche gauche les galons de caporal.
Moi Caporal ?
Dire que je voulais me cacher et ne pas aller me battre au début de ce conflit.

Je n'avais pas la force d'aller manger ce soir, je prends ainsi mon équipement et repars vers nos appartements.

Je m'allonge dans ces draps propres et viens fermer mes yeux, mes yeux aussi lourd qu'une montagne pleine de neige.
Je ne peine pas à m'endormir, mais mon sommeil est agité et je pense à chaque visage que j'ai arraché à la vie, l'odeur fétide de la mort.

Ce bruit si particulier vient chatouiller mes oreilles, le chant du coq.
Mais la voix du Sergent Palvot vient nous arracher à nos cauchemars rapidement !

-Darwin un train est prévu dans 30 min pour Paris !
Tu as 4 jours de permission.

Il sort rapidement et continue à gueuler à mes amis leurs horaires de trains.
J'enfile ainsi rapidement mon uniforme laisse mon équipement de faucheur ici.

Mon excitation est au paroxysme ! J'ai hâte de la retrouver ! De retrouver Marie, de retrouver ma mère et d'aller voir mon père... lui rendre un dernier hommage au Père Lachaise.

J'accours vers la gare saluant mes amis.
Une fois dans le train, le wagon est quasiment vide, je m'assieds sur un siège près d'une fenêtre et regarde dehors attendant le départ.
Un homme mystérieux passe devant, il se place devant le wagon, c'était Kaptan.
Il allait à Paris ! Mais pour y faire quoi ?
Je suis soudain secoué ! Le train commence à avancer. La machine à vapeur crachant une épaisse fumée noire et rugissant aussi fortement que les dragons de tous ces livres du
Moyen-Âge.
Il part vers l'intérieur de mon coeur, la plus belle partie de moi.
En retour vers Paris, en route vers Marie.

Moi Soldat ! Où les histoires vivent. Découvrez maintenant