Chapitre 10

127 10 0
                                    

  La fin de journée s'était plutôt bien passée, et Ariane avait attendue Isya, accompagnée d'Andreas.
La pluie faisait rage, et ils étaient agglutinés sous un petit abris de bus, eux et d'autres lycéens ou londoniens.
Le français avait bien vu qu'Ariane se sentait bien, qu'elle était à l'aise avec ses amis.
Ils lui avaient racontés beaucoup de choses sur eux, le midi-même, et des anecdotes sur leur groupe. Mais Ariane n'avait rien dévoilé sur elle, comme pour le week-end qu'ils avaient passés tous ensemble.
Amaury, Fleur, Adam et Alex savaient que peu de choses sur Ariane : elle était irlandaise et avait seize ans.
Rien de plus, rien de moins.
Ils s'étaient tous rendu compte de son extrême timidité, et maladresse parfois.
Aussi, ils ne posaient pas trop de questions : ce n'était que le début. Ils ne se connaissaient que depuis trois ou quatre jours.
Alors, attendant Isya, collés l'un contre l'autre dans le froid, Andreas demanda à Ariane se qu'elle comptait faire les jours suivant : 

-Je pensais à... rester avec vous ? Si ça ne te dérange pas et ne dérange pas les autres. 

-Je savais que tu craquerais, sourit narquoisement le brun. Ils ne seront pas dérangés, mais plutôt contents. Tu sais que tu as conquis le coeur de notre armoire à glace, j'ai nommé Amaury ? Ta bouille le fait fondre, rit-il en repensant l'air protecteur qu'avait le ténébreux avec Ariane. 

Le midi, alors qu'ils étaient au restaurant habituel, un serveur assez jeune, âgé de la vingtaine, avait alors ouvertement dragué la brune.
Elle était aussi rouge d'une tomate, et, même si le jeune-homme avait été très galant en la courtisant, l'irlandaise n'avait eu qu'une envie : qu'il ne s'occupe plus d'elle.
Personnes n'avait fait attention à cette scène, tous plongés dans un récit que racontait houleusement Fleur.
Mais Amaury avait veillé sur elle, malgré les quelques mots qu'ils avaient échangés. Il avait demandé au serveur de la laisser tranquille, ou il en informerait le patron du bar.
Et le groupe d'ami d'Andreas étant très apprécié par le gérant, le serveur s'en était allé en s'excusant, les joues davantage plus rougies que celle d'Ariane.
La jeune fille avait remercié son aîné, et avait vu en lui un camarade, une aide, un pilier qui allait s'élever petit à petit. "Rome ne s'était pas faite en un jour", comme aimait dire la psychologue d'Ariane.
Lors de ses séances chez la psy, Ariane avait un jour confié qu'elle était certaine qu'elle ne parviendrait jamais à reprendre une vie normale.
Sans cauchemars, sans peurs, sans tocs étranges et habitudes prisent depuis l'accident.
Le docteur Klein lui avait répondue cette citation, qui était véridique.
Depuis, Ariane ne cessait de se la répéter, comme un mantra. Cette citation mais aussi une autre, que Soan lui avait apprise au cour de l'année obscure qui avait suivit l'accident : "Faber autem fabrincando fit" : "C'est en forgeant que l'on devient forgeron".
Le jour ou elle avait appris ce mantra, elle s'était promis d'aller se le tatouer un jour ou l'autre, n'importe où sur le corps, mais elle se devait de le faire. Elle en avait parlé à Soan et Molly durant les trois années qui venaient de passées, et ils n'avaient jamais refusés, comprenant la force que "Faber autem fabrincando fit" avait sur Ariane.                

-Oui, rit-elle. Je suis bien avec vous. Personne ne pose de questions, lâcha-t-elle en fixant la route devant elle. 

-Ils sont curieux, pas autant que moi mais curieux quand même. Ils en poseront un jour, comme "ils font quoi tes parents ?" ou encore "t'as des frères et sœurs ?" ou simplement "pourquoi tu es venue à Londres ?". 

-J'esquiverai, Andreas, mais je ne serais pas prête avant un bon bout de temps à leur dire la vérité. Sur mes parents partis, à la rigueur, mais pas sur l'accident, sur ma jambe, sur mes névroses, sur mon départ précipité de Dublin... Je ne sais pas si je leur en parlerais un jour, je viens à peine de les rencontrer. Je n'ai même pas parlé de ça avec Isya, alors que je sais qu'elle est apte à m'écouter, tout comme Casey. Ma psy m'a conseillé de me confier à quelqu'un de confiance, autre que mon oncle et ma tante qui connaissent déjà tous. Klein, ma psychologue, m'a recommandée de parler avec quelqu'un de Londres, pas forcément un psy, mais une personne qui fait désormais partie de ma vie. Tu es l'heureux élu, Andreas. Mais je ne sais pas si je parviendrais à parler aux autres. C'était déjà si compliqué de te parler, de te demander de me mettre dans mon bain. Des efforts, des efforts et encore des efforts. Tous le temps, quand je sors de chez moi, quand je dors, quand je parle aux autres. Mon ancienne vie rime avec "effort". Depuis que je suis à Londres, c'est à dire depuis quatre jours, à peu près, je suis bien. Le début, c'est toujours le plus difficile, j'en sais quelque chose. Il faut s'adapter. Je m'adapte très vite et très bien depuis quatre jours. Et je prendrai le temps qu'il faut pour m'habituer à cette situation, comme j'ai pris le temps de m'accommoder de ma jambe, de mes névroses, de mes parents morts, de ma vie chez Soan et Molly, sachant que je ne suis toujours pas entièrement adaptée à certaines de ses choses. Maintenant, je dois m'acclimater à la vie chez Casey et Isya. A toi, même si c'est en très bonne voie, il reste du chemin à parcourir, comme pour tous. A Keira, qui me parait bien trop superficielle. A Londres, qui est mon rêve depuis toujours. A Adam, que j'apprécie beaucoup et que je veux continuer à fréquenter. A Fleur, qui ne peut s'empêcher d'être tactile avec tous le monde et de me donner une accolade dès qu'elle me voit. A Amaury, qui est une armoire à glace qui me fait maintenant penser à une nounours à la guimauve. Puis à Alex, qui est putain de sexy, magnifique, qui aime l'art comme je l'aime, qui est si différente mais si semblable à moi, sur énormément de points différents. Ma vie est une perpétuelle adaptation, et si je suis à Londres, c'est pour me combattre. Combattre mes névroses, mes cauchemars, prouver que je suis une jeune-fille comme toutes les autres. Prouver que je peux me mettre en couple avec une fille bien plus jolie et intéressante que moi. Prouver à tous les gamins de Dublin qui m'ont admirée puis rejetée, que je suis comme eux. Et tellement d'autres choses !  

Game of DestinyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant