Chapitre 3 - Rencontre...

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"Il n'est pas facile pour un "grand" enfant d'adopter de nouveaux parents. Comme il n'est pas facile non plus de devenir parents d'un enfant de dix ans. Un enfant qui débarque avec un passé, une histoire souvent douloureuse, sur laquelle on n'a pas de prise. Ce n'est pas la page blanche qu'on imagine. Cela demande davantage de souplesse et d'acceptation de l'autre".

"Il faut que l'enfant se réapproprie son histoire pour qu'émerge le désir d'une autre famille".

Extrait Lacroix.com

J'arrive dans cette grande maison. Je suis toujours un peu perdue mais mes nouveaux parents me mettent en confiance et la présence de mon petit frère m'apaise également.

Nous découvrons chacun nos chambres respectives. J'ai mon lit au fond de ma chambre avec une jolie couette et un petit ourson blanc dessous que je m'empresse d'embrasser et de serrer fort contre moi.

À gauche, il y a un petit bureau en bois et une chaise. Ma chambre me semble tellement grande et lumineuse ! Et puis il y a une armoire en bois peinte dans les tons marron. Je suis hypnotisée par tout ce qui m'entoure.

Je ne suis pas habituée à avoir tout ça et encore moins une grande chambre rien que pour moi.

Les premiers jours je me souviens que dormir seule m'angoissait terriblement. Mes parents nous avaient installé une petite veilleuse qu'on branchait chacun dans nos chambres (un Donald et un Mickey), mais j'essayais à chaque fois de négocier pour dormir avec mon frère. J'étais un peu déboussolée dans tout cet espace et beaucoup de pensées se bousculaient dans ma tête.

Je sais que j'ai très vite accepté et aimé mes nouveaux parents, car je n'ai pas eu d'autres repères pendant mes 9 ans en Russie. Ma mère biologique étant souvent absente, je ne me souviens que très peu des moments où j'étais avec elle, voir aucun. Donc je n'ai pas eu cette difficulté à effacer de ma mémoire des choses qui n'ont jamais existé, surtout l'amour de deux parents.

On découvrait notre grande maison, pièce par pièce. Et en Russie, maman nous avait déjà montré un album qu'elle avait prit soigneusement le temps de préparer avec les photos de la maison. Elle avait également collé les papiers peints des différentes pièces de celle-ci. Elle nous mettait sur ses genoux et on regardait avec attention les différentes photos et tout ce qu'elle avait pu y mettre autour.

Je me souviens surtout de ce beau jardin de rosiers, qui tous les ans refleuri, aujourd'hui encore.

Dans cet album, il y avait les photos de chaque membre de notre nouvelle famille : mamie Simone, grand mère Guillemette, nos cousines, nos cousins, nos tatas et nos tontons... Ainsi, on pouvait commencer à les découvrir et ne pas se sentir complètement perdus à leur rencontre.

Nos parents avaient préparé beaucoup de choses pour qu'on se sente vite à l'aise. Pendant que nous étions en Russie, à l'hôtel, maman nous faisait apprendre le français en nous faisant écouter des cassettes audio et en chantant :

"1, 2, 3, allons dans les bois

4, 5, 6, cueillir des cerises

7, 8, 9, dans mon panier neuf

10, 11, 12, elles seront toutes rouges".

Et puis assez rapidement, j'ai fais la rencontre de ma mamie. Je me vois encore rentrer dans cette maison de retraite qui a première vue ne me plaisait pas le moins du monde.

L'odeur dans ces lieux est indescriptible : un mélange d'odeur de cuisine, de pansements, de vieillesse et quelque part de solitude. Cet endroit me faisait de la peine.

On était rentrés timidement dans la chambre et mamie était couchée sur son lit. Je crois que nous étions collés à nos parents, avant d'être poussés à aller dire bonjour. Elle avait des cheveux gris et légèrement bouclés, avec une petite coupe courte. Mais ce dont je me souviens le plus ce sont ses yeux pétillants et ses joues douces et chaudes que j'aimais embrasser.

Entre Deux Rives  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant