Chapitre 13 - La Chimiothérapie

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M'étant préparée à les perdre, j'avais coupé mes longs cheveux qui m'arrivaient alors au milieu du dos. Ils étaient à présent à peine au niveau des épaules.

Je savais qu'il fallait que j'y aille progressivement. J'avais également rempli mon armoire de tous les médicaments dont j'allais avoir besoin. J'avais une pharmacie à moi toute seule. Comme chez les personnes âgées chez qui j'intervenais à domicile, qui avaient plus de médicaments en leur possession qu'il en fallait, sans doute par peur de manquer.

J'attaquais une chimiothérapie forte. Celle qui détruisait aussi bien les cellules saines que les cellules cancéreuses. D'où la perte de cheveux, et le risque important d'infections. Je devenais pendant quelques jours immunodéprimée à cause d'une neutropénie (nombre faible de globules blancs) résultant d'une insuffisance des moyens de défenses naturelles de l'organisme.
Donc pendant quelques jours on me faisait des injections pour augmenter rapidement les globules blancs et pallier à ce déficit.

Je n'appréhendais pas vraiment ma première chimiothérapie. On m'avait dit que j'allais être fatiguée, je me disais que c'était tout à fait gérable.
Non, ce dont j'avais le plus peur, c'était sans hésitation la perte de mes cheveux. (J'allais vite me rendre compte que les cheveux c'était absolument rien par rapport aux autres effets secondaires).

Je gardais ma perruque bien au chaud dans sa boîte, ainsi que mes petits bonnets de nuit. Car étant donné que j'allais me retrouver avec un crâne plus lisse que celui de Zidane (quoique je n'aie pas la prétention de dire que je l'ai déjà touché) j'allais donc avoir froid à la tête.
Pour pallier à ça, j'avais également acheté ces fameux bonnets qu'on enfile la nuit pour ne pas attraper un rhume du cerveau.

J'arrivais à l'Institut de cancérologie avec ma maman. Après avoir eu le feu vert de l'oncologue, on se dirigea vers la salle d'attente pleine à craquer. Des personnes plutôt d'un certain âge, en tout cas loin du mien.

Je me présentais au guichet, en tendant mon poignet, j'avais de ce fait le droit d'avoir un joli bracelet d'identité en guise de bienvenue. Sait-on jamais, si j'allais avoir la mémoire qui flanche...
Trêve de plaisanterie, je m'installais sur une chaise avec ma maman à mes côtés, en attendant qu'on m'appelle. À ce moment-là, je vois la maman d'une de mes copines d'école primaire qui s'avance vers nous.
"-Bonjour Laure et Isabelle. Comment allez-vous ?
Je viens ici, pour ma mère qui a un cancer du sein. Et vous  Isabelle c'est pour vous ?
-Non, pour Laure".
J'avais le sentiment que tous les regards étaient posés sur moi le temps de quelques instants.

"-Mademoiselle S."
Je me levais d'un bond.
Pour la première chimiothérapie, j'ai eu droit à un box seule.
On me signala que c'était relativement rare, et que la prochaine fois ça serait sûrement une chambre à plusieurs.
J'avais droit à un fauteuil plutôt confortable, avec une télécommande pour me positionner à ma guise ainsi qu'une petite télévision et un casque. Sur l'adaptable, j'avais une bouteille "Cristalline" (c'est mon eau).
Je m'empressais de boire une gorgée.
L'infirmière brancha la chimiothérapie à ma petite souris : CIP ( Chambre Implantable Percutanée). C'est une variété de cathéter central sans émergence cutanée qui rend les traitements ambulatoires plus faciles.

J'en avais pour 2 heures pour la première poche de perfusion puis pour une heure pour la deuxième poche.

J'étais un  peu excitée par l'inconnu. Je ne tenais pas en place. Et je me sentais plutôt à l'aise avec ma maman à mes côtés.

On me conseilla d'aller manger au self. Ni une ni deux je pris mon pied à perfusion, et partis manger. Il ne fallait pas me le répéter deux fois.
Je me retrouvais dans une toute petite salle, avec à peine 3 ou 4 tables, nous étions tous serrés les uns aux autres avec nos pieds à perfusion dans tous les sens.
On ne risquait pas de passer inaperçus, avec nos roulettes, il fallait surtout se méfier de ne pas s'écraser devant tout le monde en se prenant les pieds dans les roulettes du voisin.

J'avais le droit de manger à ma guise, ma mère quant à elle, devait aller se chercher quelque chose à l'extérieur, pour manger avec moi.
Mais elle fut vite stoppée à l'entrée, où on lui dit qu'étant donné le peu de places c'était réservé aux personnes malades.

Je déposais vite mon plateau, en disant, tant pis j'attendrai qu'il n'y ait plus personne, et je mangerai avec ma mère tout à l'heure.
Il était hors de questions que je mange à une table avec des inconnus autour de moi et que je regarde ma mère m'attendre sagement dehors.

Après quelques minutes, l'aide soignante revint nous chercher pour nous dire qu'on pouvait à présent s'y installer toutes les deux.

Je vis que les plateaux autour de moi étaient peu remplis. Tout le monde se servait en toutes petites quantités, un yaourt ou un fruit mais rien de plus. Je ne comprenais pas bien pourquoi. Moi de mon côté j'avais mon plateau bien rempli. Je me suis même permise une petite glace en dessert.
(J'allais vite comprendre pourquoi).

La chimiothérapie se termina. J'allais plutôt bien. Je me disais que ce n'était pas aussi difficile voire même tout à fait gérable. Les jours qui suivirent, je devais faire des bains de bouche, avec de l'eau salée au bicarbonate de sodium afin d'éviter d'attraper des mucites ou des aphtes. C'était franchement immonde, mais soit, il fallait le faire.

Il y avait pas mal de recommandations après la cure. Notamment éviter les gens malades, en limitant les sorties en collectivité.

Mais après la première chimiothérapie, je n'avais pas eu de désagréments digestifs, au contraire j'avais une faim de loup. Mélangée à la cortisone, ma balance allait vite commencer à flancher.

Une semaine plus tard, j'étais dans la voiture avec mon homme et je me regardais dans le petit miroir de la voiture.
J'étais en train de me refaire une coiffure en m'attachant les cheveux quand je sentis mes mèches se détacher une à une sans aucune douleur, aucune résistance. J'ouvris  la fenêtre et en rigolant je dis à mon homme: « Regarde mon chéri il pleut des cheveux, tout en les jetant par la fenêtre ».
Mon homme me prit la main en silence.

Une fois arrivée à la maison, je descendis de la voiture et je vis que j'avais perdu beaucoup de cheveux sur le siège.
Ça y est, ça commençait...
Vous voyez les feuilles d'automne? Tout pareil. Mes cheveux se ramassaient à la pelle.

Les jours qui suivirent, je retrouvais des cheveux sur mon oreiller, dans la douche, sur le sol, et ne parlons pas de la brosse.

Mais le jour où je pris la décision de tondre le reste, ce fut au moment où mon homme me fit remarquer que dans le lit à barrière de ma fille, il y avaient plus de cheveux que de peluches.
Ce jour là, quand je rentrais dans la chambre de ma fille et qu'elle m'attendait tout sourire en me tendant les bras, je vis que ses petites mains étaient pleines de cheveux.

Je m'enfermai dans la salle de bain, pris mes ciseaux et  coupai encore et encore.
Et plus je coupais, plus mes larmes coulaient. Elles étaient aussi lourdes que mes cheveux étaient légers.
Je pris ensuite le rasoir et je rasais tout ce qui me restait. Je me souviens encore de ce visage rond, à nu dans le miroir. J'ai besoin de plusieurs minutes pour me calmer.

Mon homme frappa à la porte en me demandant s'il pouvait rentrer. Il me prit dans ses bras en  séchant mes larmes et en me disant que j'étais tellement belle et courageuse et que c'était vraiment le bon moment.

Je repris mes esprits et ma force, pour affronter mon miroir et j'enfilai pour la première fois ma perruque.

" C'est l'automne...
Les feuilles tombent une à une pour commencer, lentement, doucement en toute discrétion.
Puis d'un coup, sans un bruit, sans que personne ne s'en rende compte.
Les feuilles envahissent les sols, les décors, les paysages...
Vient la question, laisser agir la nature ?
Ou tout tailler, avant d'en être envahi.

Ces feuilles toujours présentes dans l'arbre sont si belles, et nous ramènent au souvenir de l'été.
Nous laissant rêveurs, avec tellement de bons souvenirs en tête.
Mais il faut laisser place à l'hiver, cette période est inévitable et cruciale.
Et même si elle est glaciale et froide, elle n'en reste pas moins belle.
Elle nous laissera, elle aussi, sans doute, des souvenirs à en couper le souffle. "

Petit poème écrit le 13 Novembre 2014, sur ma page Facebook pour cette occasion.

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