Chapitre 15

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Au final, les chimiothérapies passèrent vite, même si ma vie était comme suspendue durant ce temps-là.
Je devais respecter le rythme de mon corps, tant bien que mal.

Parfois je n'avais plus la force de rien, je me sentais vraiment très faible avec cette impression que mon cœur allait me lâcher à tout moment.
Quand on touche le fond, on ne peut que se relever, plus endurcie.

"Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort". Friedrich Nietzsche

Je ne sais toujours pas comment j'ai eu la force d'en endurer six.
À la dernière chimiothérapie, je m'étais quand même dis que si jamais j'avais à refaire une séance de plus, je refuserais catégoriquement.

J'ai fêté la dernière chimiothérapie comme une grande victoire. Je savourais, heureuse, les derniers moments à l'Institut en espérant ne plus jamais retourner dans ce service.
J'avais eu droit à la visite d'une amie que j'avais rencontrée virtuellement sur un groupe dédié aux femmes qui luttent contre la maladie.
On s'appelait entre nous :"les sœurs de combat, les warriors, les guerrières".
Toutes les deux, nous avions le même oncologue. Elle, c'était un rayon de soleil, un bouillon d'amour.
J'étais aussi heureuse que surprise.

Ensuite, j'enchainais avec de la radiothérapie « méthode de traitement loco-régionale des cancers, utilisant des radiations pour détruire les cellules cancéreuses en bloquant leur capacité à se multiplier ».
Mes cheveux repoussaient lentement. Au tout début j'avais un petit duvet tout doux, mais il était encore trop tôt pour moi de me séparer de ma chère perruque.
Quand bien même j'étais heureuse que mes cheveux repoussent, ma longueur me manquait terriblement.
Il fallait que j'accepte de passer par le stade des cheveux courts, et ce n'était pas gagné d'avance.

Mais tout prenait un véritable goût de victoire. Je renaissais de mes cendres, tel un Phoenix.

Pour les rayons, on m'avait conseillé de prendre rendez-vous avec un coupeur de feu (pour contrer les effets secondaires de la chimiothérapie aussi, mais malheureusement ça n'avait jamais fonctionné).

Heureusement pendant les rayons, je n'ai jamais eu de brûlures (Ies effets des rayons pouvant conduire à une brûlure au niveau de la zone traitée).

Mon dernier rendez-vous avec l'oncologue se passa merveilleusement bien.
J'avais envie de lui sauter au cou, de l'embrasser et de courir en sautillant de joie dans l'Institut.
Après six séances de chimiothérapie, 33 séances de rayons, je me croyais enfin sortie de tout ça.
On m'avait prescrit un traitement hormonal sur cinq ans et des visites une fois par an avec l'oncologue pour faire le point.

"Vous avez mal quelque part ? Non ? Alors à l'année prochaine".
Mon oncologue ne me faisait pas faire de prise de sang pour le suivi des marqueurs car pour lui ce n'était pas fiable.

J'étais fière du chemin parcouru et très reconnaissante envers toutes ces personnes qui m'avaient porté pendant ces longs mois de traitements.

Évidement mon homme, ma fille, mes parents, mon frère, mes sœurs, et tous ceux qui se reconnaitrons.
Sans toutes ces personnes, je n'aurais jamais au grand jamais eu la force d'affronter quoi que ce soit.
Ma page facebook fut aussi un grand défouloir, où mes maux s'échappaient par mes mots.
Toutes ces personnes inconnues qui me soutenaient et me suivaient chaque jour, me faisaient un bien fou.

"On n'se connaît pas mais je voulais vous dire merci.
Si vous saviez combien vous avez changé ma vie.
Sans vraiment l'savoir, vous avez fait de la magie.
Moi qui ne croyais plus en moi ni en l'avenir.
Combien de fois ai-je voulu tout foutre en l'air?
J'n'avais plus la force et l'envie d'aller faire ma guerre.
J'n'avais plus de souffle pour faire tourner la roue.
Jusqu'au jour où le destin vous a mis sur ma route.
Oui c'est vous qui m'avez réanimé, eh
Grâce à vous ma flamme s'est allumée.
On a tous un jour eu ce moment de magie.
Croisé ce héros malgré lui qui veut sauver une vie.
Un mot, un sourire, une histoire et l'espoir fleurit.
À tous ces héros malgré eux, j'voulais leur dire merci".
©SOPRANO

J'admirais les personnes qui luttaient contre la maladie, en solitaires, par la force des choses.

La maladie m'a fait énormément mûrir. J'avais pris conscience que je n'avais qu'une vie et qu'elle était bien trop précieuse.
Il est certain que nous allons tous mourir un jour, mais cette idée ne m'avait pas frôlé l'esprit.

Les maladies, les cancers, c'était pour les autres, ou pour les patients que j'allais soigner. Mais chez moi, ça ne pouvait pas exister.
Je pensais tellement égoïstement.
Je n'avais jamais été malade, j'avais une santé de fer et puis un jour, le cancer venait tout basculer.
La maladie me tombait dessus sans prévenir alors que je nageais enfin en plein bonheur.
C'est la vie, elle est ainsi faite et je sais combien je suis chanceuse, malgré mon parcours.

J'avais lu beaucoup de témoignages sur les personnes ayant eu un cancer et qui rapportaient que la maladie avait été bénéfique dans leur vie. Elles ont connu une renaissance et leur approche de la vie était tout à fait différente.
Pour ma part, je mentirais si je disais que la maladie ne m'avait pas apporté une remise en question importante sur la personne que j'étais.

Une prise de conscience de la fragilité de la vie et de combien il était important et précieux de profiter de sa famille et de ses amis. Et surtout ne pas se fâcher pour des broutilles, car demain il sera peut-être trop tard.
Désormais, j'affrontais la vie différemment.

La maladie allait m'apporter aussi, une autre approche avec les patients que je serai amenée à soigner. J'allais faire preuve d'empathie, encore plus qu'avant.
L'école m'avait appris, mais la maladie elle, m'a fait vivre au quotidien ce que pouvait ressentir une personne malade.

La vie reprit son cours, plus lumineuse et plus belle qu'avant.
À vrai dire, elle avait toujours été belle, mais je la regardais avec des yeux neufs.

Il ne me restait plus qu'à reprendre le travail et attendre sagement 5 ans de rémission pour pouvoir agrandir la famille.
Cette idée était encore bien présente dans mon esprit.

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