Chapitre 19

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Je devais accepter la situation. Mais je n'en avais pas envie. Je rentrais à la maison sans pouvoir retenir mes larmes. En regardant les photos de ma fille qui décoraient la maison un peu partout, je me disais que mes jours étaient comptés à présent.
Je me voyais disparaître du décort, au fur et à mesure, comme si mes jours étaient entrain de se consumer a vitesse accélérée.
Ce qui me préoccupait le plus, c'était l'avenir de ma fille et mon absence à ses côtés. Comment allait-elle pouvoir vivre sans moi ? J'allais être responsable de sa souffrance. Va elle un jour pouvoir se remettre de mon départ ? Elle était bien trop jeune pour me voir partir... Qui la prendra dans les bras, comme je le fais chaque soirs. Qui serra là pour combler ce manque que je je vais engendrer? Qui va sécher ses larmes et la réconforter ? Je ne peux pas vivre sans elle, elle ne pourra pas vivre sans moi... Je ne pouvais pas lui faire subir ça... C'est injuste, inhumain. Elle était si jeune, elle a encore tant besoin de moi. Et j'ai tant besoin d'elle.
Est ce que quelqu'un aura les bons mots pour la réconforter ? Est ce que quelqu'un serra en mesure de combler le vide dans son petit cœur, que je vais laisser...
Ma fille, si tu savais comme je m'en voulais d'avance te faire subir tout ça.
Je me sentais démunie de ne plus rien pouvoir contrôler. Je devais faire quelque chose pour la protéger de mon vivant, si cette chose arrivait à se  produire. Dorénavant, je ne me visualisais plus être à ses côtés pour les 40 - 50 années à venir, ou ne serrait ce que dans les quelques années, j'avais mal devant cette fatalité foudroyante, et cette épée Damoclès.
Les jours qui suivirent furent difficile. J'arrivais tant bien que mal à m'endormir après être arrivée à un point d'épuisement où il était difficile de faire autrement. Mais j'étais sans arrêt réveillée par des cauchemars.
J'avais besoin de quelques secondes pour refaire surface avant de réaliser que j'étais à nouveau malade.
En journée, je pouvais passer du rire aux larmes et j'entends encore les "arrête de pleurer" de mon homme.
Il était aussi démuni que moi, et me disait sans cesse qu'il ne supportait pas de me voir dans cet état. Si j'étais mal, il l'était d'autant plus.
Je culpabilisais de lui faire subir encore une fois, ma maladie.

Je décidais de faire un testament en stipulant précisément les dernières volontés que je souhaiterais pour ma fille. Avec cette démarche, j'avais l'impression de contrôler de manière infime les choses.

Quant à mon téléphone, il était remplie de photos mais je n'avais pratiquement aucun album. Ni une ni deux, j'avais pris mon après-midi pour faire le plein d'albums et commander des tirages photos. Je devais impérativement laisser des traces de notre vie tant que j'étais encore là. J'avais pris la peine de prendre des jolis albums, pour que ma fille puisse les conserver aussi longtemps qu'elle le voudrait. Des sourires, des gâteaux, des sorties, des anniversaires, l'école, des copains, des promenades, des vacances, de ses grimaces, de sa petite voiture rose, de son premier vélo, trottinette, de nos balades en décapotable et ses cheveux aux vents, de nos activités, de ses fabrications, de ses dessins, ses premiers mots sur papier... De la vie, que je sentais me glisser entre les doigts.

Ma maman m'avait conseillé d'écrire à ma fille ou d'écrire tout court, mais à chaque lettre que je débutais, des grosses gouttes de larmes venaient imbiber les feuilles. Je me disais à ce moment que si ma fille venait à les lire plus tard, elle aurait encore plus mal au cœur de savoir que je pleurais au moment où je les écrivais.
J'abandonnais de ce fait l'idée.
C'était encore trop dur pour quoi que ce soit. J'avais le sentiment de me condamner moi-même en écrivant ces mots.

Je repris le travail sans dire à personne concernant mes résultats. Je n'avais pas envie qu'on me traite différemment sous prétexte que j'étais malade.
Au travail, j'aimais le sentiment d'être juste moi. Le fait que personne ne sache pour ma maladie, arrivait à me la faire oublier. Quand la réalité me rattrapait et que je sentais mes émotions m'envahir, je me précipitais dans les toilettes pour rapidement sécher mes larmes.
Le travail me faisait un bien fou. J'aimais particulièrement le service et les personnes avec qui je travaillais et pour rien au monde je n'aurais voulu m'arrêter. C'était un sentiment de fierté qui m'habitait à chaque journée que je finissais.

Entre Deux Rives  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant