Poire

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On the first day of Christmas
My true love gave to me
A partridge in a pear tree

Premier décembre.

Harry aimait le mois de décembre. Depuis qu'il était entré à Poudlard tout du moins, parce qu'avant, il n'avait jamais connu l'atmosphère festive associée à la période. Maintenant que la guerre avait pris fin - ça avait pris du temps, mais il avait vaincu Voldemort au terme d'une bataille sanglante et épuisante - il était temps de reconstruire.

Il y avait beaucoup de souvenirs doux-amers et pourtant il avait choisi de revenir à Poudlard.

C'était sa maison, la seule qu'il ait connu.

Il frissonna violemment en serrant un peu plus l'écharpe autour de son cou, et se leva doucement. Il aimait s'installer devant le lac noir, même si le froid piquant ne lui permettait pas d'y rester des heures. Il pensa brièvement à Ron qui devait être à l'école des Aurors sans lui, et à Hermione qui avait trouvé un emploi au Ministère.

Il ne suivait pas pour autant le cursus normal : il avait un niveau bien trop avancé dans la plupart des matières de toutes façons. Aussi, il était revenu pour assister Minerva MacGonagall pendant ses cours, puisqu'elle était à la fois directrice et professeur.

Il n'était pas le seul dans ce cas : Neville était l'assistant du professeur Chourave. Hannah Abbot, celle du professeur Flitwick. Lavande Brown secondait Sybille Trewlanney - bien que pour Harry les deux femmes passaient leur temps à commenter les ragots et à boire du thé. Terry Boot apprenait les runes avancées en compagnie du professeur Vector. Drago Malefoy sans surprise, avait été accepté comme assistant du Maître des potions.

Les six élèves avaient droit à une table près de celle des professeurs, et ils se partageaient un dortoir. Au départ, il y avait eu quelques tensions - il était compliqué d'oublier leurs maisons et d'accepter qu'ils entraient enfin dans le monde adulte. Mais les choses s'étaient rapidement apaisées.

Harry n'avait pas à se plaindre de ses camarades. Les premiers temps, Harry s'était isolé de lui même. Il n'était pas prêt à se mêler aux autres et à supporter leurs questions encore et encore. Ce fut Neville, à la surprise générale qui prit les choses en main.

Un soir qu'ils étaient tous rassemblés, il avait pris la parole pour demander à Harry de ne plus rester à l'écart, lui promettant que personne ne poserait de questions. S'il voulait parler, il serait le bienvenu cependant.

Harry l'avait enlacé, ému. Et depuis, les choses étaient redevenues aussi normales que possible. Excepté avec Drago Malefoy.

L'ancien Gryffondor l'observait avec attention et ce qu'il voyait ne lui plaisait pas.

Ils s'étaient haïs avec constance pendant leur scolarité. Tout les opposait : leurs maisons, leurs enfances, leurs amis, et même le camp qu'ils avaient choisi pendant la guerre.

Leurs bagarres incessantes avaient rythmé les cours, ils ne semblaient jamais s'en lasser, malgré les retenues qu'ils récoltaient des professeurs et les points perdus par dizaines.

Si quelqu'un avait demandé à Harry ce qu'il pensait de Drago Malefoy, il aurait été bien surpris. Le brun estimait être celui qui connaissait le mieux le blondinet autrefois prétentieux. Il avait été le premier à deviner qu'il avait pris la marque, il avait vu son désespoir sous la couche de bravade qu'il affichait.

Ils s'étaient mutuellement sauvé : Drago avait sauvé Harry lorsqu'il avait été capturé par les rafleurs et Harry avait sauvé Drago du Feudeymon.

Donc, son observation attentive de Drago lui apprenait que ce dernier n'allait pas bien, loin de là. Pour leurs camarades, il faisait profil bas - après tout il était un ancien Mangemort et il avait eu droit à une seconde chance.

Harry lui, voyait les cernes sur la peau pâle, les yeux argent éteints, toute trace de combativité disparue. Il voyait les plats à peine touchés, les potions de sommeil sans rêve dont il abusait, encore et encore, nuit après nuit. Il avait aussi noté la crispation de ses épaules lorsqu'il marchait dans les couloirs, sa façon de serrer les poings lorsque les chuchotements s'élevaient sur son passage.

Mais Drago avait changé, puisqu'il ne disait rien. Il cachait tout ça, et restait silencieux, affichant un air impassible et neutre en permanence.

En rentrant dans le château de Poudlard, Harry décida qu'il avait besoin de ramener Malefoy à la vie. Leurs disputes lui manquaient.
Non. Pas leurs disputes.
Un Drago Malefoy vivant et sarcastique lui manquait.

Il se donnait jusqu'à Noël pour l'apprivoiser et lui permettre de guérir. Bien sûr, il pourrait immédiatement aller voir Rogue et lui apprendre que son cher assistant était drogué aux potions de sommeil sans rêves, mais il savait que Malefoy ne le lui pardonnerait jamais d'avoir mis à jour ses faiblesses et d'être intervenu comme un chien dans un jeu de quilles.

A la place, il allait se montrer plus discret. Plus sournois. Il allait vérifier si le choixpeau avait eu raison de vouloir l'envoyer à Serpentard.

Un large sourire décidé sur le visage, Harry marcha à grands pas jusqu'à leur dortoir commun pour s'y réchauffer. Il ignora les regards surpris de ses camarades alors qu'il se laissait tomber devant la cheminée, ne se rendant même pas compte - tout à sa réflexion - qu'il s'était installé aux côtés de Drago.

Neville s'approcha de lui et lui posa une main sur l'épaule, le faisant sursauter.

- Harry ? Tu as manqué le repas.

Le brun rougit légèrement et laissa échapper un rire gêné.

- Oh. J'étais perdu dans mes pensées au bord du lac... Je me disais bien aussi qu'il ne faisait pas si froid quand je suis sorti.

Son ami soupira avant de lever les yeux au ciel. Harry lui adressa un clin d'œil amusé.

- Je suis le seul à avoir loupé le repas ?

Il n'y eut pas de réponse, mais il nota le regard de Neville sur Drago Malefoy. C'était probablement le signe qu'il était temps de faire le premier pas, d'une façon publique et totalement désintéressée.

- Malefoy ? Tu m'accompagnes ?

L'ancien Serpentard sursauta et fronça les sourcils, n'ayant visiblement pas fait attention à ce qui se passait autour de lui. Harry lui fit signe de le suivre avec un léger geste d'impatience, plus pour le décider à se lever sans question que par réel agacement. S'il laissait le blond poser des questions, il ne le suivrait jamais.

Il s'attendait à devoir le convaincre avec d'interminables discours, mais Drago haussa les épaules et se leva en silence. Et durant tout le trajet vers les cuisines, il resta muet, se contentant de suivre.

Face au tableau qui gardait l'entrée des cuisines, Harry avança la main et chatouilla la poire, qui se transforma rapidement en poignée. Voyant le froncement de sourcils du blond, Harry ricana, moqueur.

- Avoue. Tu n'as rien écouté et tu ne sais pas où nous sommes ?

- J'étais distrait Potter.

- Il parait que tu as manqué toi aussi le repas, alors...

Harry ouvrit la porte avec un grand geste, et sourit largement, montrant l'intérieur des cuisines, fier de lui.

- Alors... à table !

Les douze jours de NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant