Sucre d'orge

1.2K 172 34
                                    

21 décembre

Le petit déjeuner était calme jusqu'à ce que les hiboux entrent et distribuent la Gazette. En ouvrant le journal, Harry manqua de recracher son jus de citrouille, surpris, et leva les yeux vers Drago. Ce dernier s'était tendu et avait les yeux écarquillés.

La une était une photographie d'eux deux. Pas de titre, pas de texte, juste cette énorme photo qui voulait tout dire.

Ils étaient ensemble, Harry accroché au bras de Drago, et ils se penchaient l'un vers l'autre, se regardant dans les yeux. Pour quelqu'un ne les connaissant pas, ils semblaient particulièrement proches et complices.

Neville se pencha vers Harry avec un léger sourire.

- Cette photo est magnifique...

Harry rougit et passa un doigt sur le bord de l'image, où ils se penchaient encore et encore pour se rapprocher. Hésitant, il hocha la tête.

- Je trouve aussi.

Son ami baissa la voix, pour n'être entendu que de Harry.

- Tu devrais rassurer Malefoy, il a l'air de vivre un supplice je crois.

Harry leva brutalement la tête, et sourit doucement à destination de Drago, un peu hésitant, craignant qu'il ne soit au final en colère. Cependant, le blond se détendit, comme s'il avait redouté d'être rejeté.

A la table des professeurs, en voyant la une du journal, Minerva avait claqué la langue de satisfaction tandis que Severus s'étranglait avec son thé, ne s'attendant certainement pas à trouver une telle une.

Ils échangèrent un regard, et le professeur de potions se rembrunit en voyant l'air victorieux de sa collègue et directrice.

La sorcière se pencha.

- Voyons mon cher, détendez-vous ! Regardez comme ils ont l'air... heureux sur cette photo.

- Minerva... Votre sentimentalisme excessif est écœurant.

- Ils sont pourtant adorables. Il y avait longtemps qu'ils n'avaient pas été si pleins de vie. L'un et l'autre.

Severus grogna, ne pouvant pas vraiment contredire la Directrice sur ce point. Il devait avouer qu'il s'était particulièrement inquiété pour Drago, il avait l'impression de le voir sombrer peu à peu dans une profonde dépression. Rien ne semblait attirer l'attention du jeune homme, jusqu'à ce que Potter ne prenne les choses en main.

Il soupira et secoua la tête.

- En attendant, vous devriez surveiller vos lions ma chère. Votre petit plan de sauvetage n'est pas du goût de tout le monde.

En prononçant ces mots entre ses dents, Severus fixait la table des Gryffondor, et en particulier Ginny Weasley, rouge de colère, qui était en train de réduire le journal en charpie.

La Directrice soupira et secoua la tête, faisant osciller son chapeau, puis elle haussa les épaules, fataliste.

- Miss Weasley vit dans une illusion depuis bien trop longtemps. Il est temps qu'elle revienne sur Terre.

A la table rouge et or, Ginny fulminait et déchirait méthodiquement la photographie en première page. Que Harry la rejette était une chose, qu'il choisisse de s'afficher avec un Mangemort plutôt que de l'inviter à ce fichu bal était de son avis une humiliation insupportable. Au moins, avec les vacances, beaucoup de ses camarades étaient repartis chez eux.

Elle était fermement décidée à rappeler à l'ancien Serpentard où était sa place, c'est à dire loin de son Harry.

Malgré le sourire rassurant de Harry, Drago ne savait pas quoi penser de la Gazette. En voyant la photographie, il avait eu un véritable coup au cœur. Il ne s'était pas rendu compte à quel point il avait été proche de Harry, il se souvenait juste qu'il avait passé une bonne soirée, et qu'il s'était senti bien.

Il avait apprécié que Harry ne le laisse pas à l'écart.

Un bref instant, il se demanda ce que penserait son père en voyant cette photo, mais il repoussa résolument l'idée. Lucius Malefoy avait fait beaucoup d'erreurs, et il avait énormément de chances d'avoir échappé à Azkaban. Il avait mené sa famille au bord du gouffre, et au fond de lui, Drago lui en voulait de l'avoir poussé à prendre la marque.

Il se leva de table, et s'apprêta à quitter la Grande Salle, mais Harry lui fit signe de l'attendre. Sans un mot, il patienta, et ne put s'empêcher de se sentir amusé en voyant les cheveux ébouriffés du Gryffondor. Le petit brun, large sourire aux lèvres, prit une poignée des sucres d'orge disposés sur la table et fit un pas vers lui avant de faire rapidement demi tour pour attraper l'édition du jour de la Gazette.

Ils sortirent ensemble, épaule contre épaule.

Dans le hall, Drago soupira.

- Je suis désolé Potter.

- Désolé ? De quoi ?

- Cette photo...

Harry s'immobilisa brusquement les sourcils froncés, pour se placer face à Drago.

- Elle me plaît beaucoup, cette photo.

Le jeune homme rougit en prononçant ces mots, mais il garda la tête haute et les yeux fixés dans ceux de Drago dans une attitude de défi.

Malgré lui, Drago sourit, et secoua la tête.

- Ok.

- Parfait dans ce cas. Tu veux un sucre d'orge ?

Cette fois, Drago gloussa en secouant la tête.

- Tu es complètement cinglé, Potter.

- Peut-être. Mais ça t'amuse énormément.

Sourire aux lèvres, les deux garçons se séparèrent pour rejoindre leurs salles de cours. Ils avaient des copies à corriger, et quelques menus travaux pour aider les professeurs titulaires. Harry savait déjà qu'il ferait en sorte d'aller faire un tour dans les cachots à la fin de ses heures, et proposerait à son camarade une séance de vol. Ou peut être juste un tour au bord du lac.

Plus tard, alors qu'il terminait ses tâches, Harry s'approcha de la Directrice un peu hésitant.

- Professeur ? Je peux vous poser une question ?

- Je t'écoute Harry.

- D'après ce que j'ai compris, si nous demandions à deux étudiants d'échanger leurs baguettes dans cette salle, ils auraient du mal à... s'en servir ?

- C'est exact. Moins de puissance et des effets parfois imprévus. Il faut être devenu le Maître d'une baguette en désarmant son propriétaire pour pouvoir l'utiliser parfaitement.

Harry réfléchit un instant, front plissé, avant de continuer.

- Et si deux étudiants échangeaient leurs baguettes et pouvaient l'utiliser parfaitement ? C'est possible ?

- Bien entendu. Ce n'est pas inédit dans le monde sorcier. Mais c'est une capacité que l'on retrouve souvent au sein d'une même famille. Entre jumeaux, entre époux par exemple. Il faut un lien affectif fort d'après mon expérience. Ceci serait réellement exceptionnel si l'échange de baguette se faisait entre deux inconnus.

Harry eut l'air troublé un instant, mais il ne prononça pas un mot. Il hocha la tête sérieusement et remercia la sorcière.

Avec un sourire malicieux, Minerva se pencha vers lui.

- Ai-je répondu à votre question Harry ?

- Parfaitement, Professeur. Comme toujours.

Minerva gloussa doucement à la flatterie, visiblement destinée à couper court à plus de questions.

Les douze jours de NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant