Blizzard

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13 décembre

Harry tournait en rond, maussade. Il n'aimait pas à avoir à passer tout son dimanche enfermé, sans pouvoir prendre l'air.

Il avait un besoin physique de sortir. Se poser quelques instants au bord du lac noir, longer l'orée de la forêt interdite. Le froid ne le gênait pas. Pas plus que la pluie.

Cependant, depuis le matin, c'était une véritable tempête qui déferlait sur l'Écosse. De la neige, des rafales de vent glaciales. Aucune visibilité.

Par prudence, les professeurs avaient interdit toute sortie du château. Ils craignaient qu'un élève ne se perde dans la tempête. Même le professeur Chourave avait dû abandonner ses précieuses serres, et Madame Bibine faisait des allées et venues nerveuses, en s'inquiétant de savoir si la remise à balais allait résister aux intempéries.

La tour d'Astronomie avait été fermée également, le vent était trop violent pour prendre le risque qu'un élève ne bascule par dessus le parapet.

Lorsqu'il sentit une présence près de lui, Harry n'y prêta pas attention, pensant que c'était Neville. Son ami savait pour quelle raison il était agacé et il venait probablement tenter de le calmer.

A bout de nerfs, Harry siffla entre ses dents.

- Fichu blizzard.

Un rire rauque répondit à sa remarque, le faisant sursauter. Ce n'était définitivement pas Neville.

Il se tourna d'un bond, pour se trouver face à Malefoy. Ce dernier leva un sourcil moqueur.

- Ce que tu peux être dramatique, Potter... Ce n'est pas un blizzard, juste une petite tempête hivernale.

- Dès l'instant où nous n'avons pas le droit d'aller à l'extérieur, c'est définitivement au-delà de la tempête.

Drago renifla, méprisant.

- Et alors ? Qu'est ce que tu veux aller faire dehors ? Il gèle littéralement.

- J'aime prendre l'air.

Harry sentit ses épaules se détendre, alors que Drago se moquait de lui et de sa manie de passer du temps à l'extérieur.

Il nota le sourire en coin de Drago, et ses yeux pétillants.

- Trouve une occupation, Potter. Tu vas tous nous rendre fou à force d'aller et venir...

Harry grogna légèrement.

- Je vais faire un tour. Tu m'accompagnes ?

Drago voyait Harry aller et venir depuis un moment, et il ne fallait pas être devin pour se rendre compte qu'il rendait nerveux tous leurs camarades de dortoir. Son agacement était palpable, et sa magie crépitait, rendant l'atmosphère étouffante.

Il hésita longuement à s'approcher du brun. Cependant, il se rappela soudain comme Potter l'avait défendu. Il lui avait tendu la main, comme s'il voulait lui redonner goût à la vie. Ce n'était probablement pas ça, c'était peut être juste la façon d'être de Potter. Cette manie de vouloir sauver tout le monde, même les causes perdues comme lui.

Arrivé à proximité de Potter, il ne sut pas comment l'aborder. Alors il resta près de lui, en silence. Finalement, ce fut la remarque stupide de Potter sur le blizzard qui le fit réagir. Bien malgré lui, un ricanement moqueur lui échappa. Et le ton de leur échange fut donné. Comme autrefois.

Drago se raidit, persuadé que Potter allait lui faire payer sa façon de lui parler, mais au contraire, les épaules de l'ancien Gryffondor semblèrent se décrisper, et ils entamèrent une joute verbale pleine de légèreté.

Il se détendit lui aussi, à mesure qu'il retrouvait ses repères. C'était familier tout en étant différent : il ne détestait plus du tout Potter - s'il l'avait un jour réellement détesté d'ailleurs.

Et d'un coup, il se figea alors que Potter - ce stupide Sauveur - lui demandait de l'accompagner. Venant de n'importe qui d'autre, il aurait pensé à un piège pour l'humilier. Mais c'était Harry fichu Potter, le héros du monde sorcier. Celui qui avait sauvé son parrain malgré les années d'humiliation qu'il lui avait fait subir. Celui qui avait élevé son parrain au rang de héros malgré la marque sombre sur son bras.

Drago réprima l'envie de gratter son avant-bras gauche, où il avait l'impression que la marque le brûlait.

Harry croisa son regard, et ses yeux absinthe descendirent sur le bras qu'il serrait contre lui pour s'empêcher de s'arracher la peau. Depuis la fin de la guerre, il avait pris cette habitude certains moment de se gratter jusqu'au sang, comme si ça pouvait ôter de sa vue la pire erreur de sa courte vie.

Il eut un petit sourire triste.

- Elle ne représente plus rien, maintenant.

Effaré d'être si transparent, Drago recula d'un pas, prêt à fuir. Mais Harry l'attrapa au vol par le poignet et le tira à sa suite, ignorant les regards de tous leurs camarades sur eux.

Ils parcoururent les couloirs en silence, jusqu'à se trouver dans un recoin désert du troisième étage.

En temps normal, Harry aurait été dans la salle sur demande, mais après ce qui s'était passé la dernière fois il ne voulait pas raviver de mauvais souvenir. La mort de Crabbe était encore fraîche dans leurs esprits. Sans compter qu'il n'était pas convaincu que la salle existe encore, pas après le feudeymon qui avait tout ravagé.

Face à lui, Drago se redressa, tête haute. Et Harry ne put s'empêcher de sourire, retrouvant bien là le petit prétentieux qu'il avait été. Sauf que maintenant qu'il l'avait entraîné à sa suite, il était perdu, ne sachant plus comment réagir.

Son côté Gryffondor lui chuchotait de parler à cœur ouvert avec le Serpentard, à essayer de l'approcher différemment. Mais sa raison lui hurlait de prendre la fuite, pour ne pas risquer d'être repoussé... Il soupira et s'adossa au mur, se décidant pour tenter de percer la carapace du blond.

- Tu ne devrais pas te laisser faire Malefoy.

Les yeux mercure brillèrent de colère, et il siffla entre ses dents.

- Et quoi Potter ? A la moindre plainte, je me retrouve à Azkaban. Tout le monde ici le sait, et ils attendent le moment où je vais craquer.

- Tu n'iras pas à Azkaban.

- Pourquoi ? Parce que tu l'as décidé ?

Harry grogna. L'agacement d'être resté cloîtré devint de la colère, et il serra les poings. Émeraude contre argent, ils s'affrontèrent du regard.

- Exactement ! Parce que je l'ai décidé ! Tu n'iras pas, parce que tu as le droit de te défendre quand tu es attaqué ! Tu as le droit de vivre !

Les épaules de Drago s'abaissèrent et il soupira.

- Non. Plus depuis le jour où j'ai fait le mauvais choix Potter. J'ai pris la marque de mon plein gré, et maintenant je dois payer mes erreurs.

Avant même que Harry ne puisse sortir de la stupeur dans laquelle l'avaient plongé les mots de Drago, le blondinet était parti à grands pas rageurs.

Les douze jours de NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant