Chapitre 16

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Je me lève et l'entraîne vers ma chambre...

- tu l'as éclaté?

- il a ses précieux attributs en pendentif et se tortillait par terre avant que je parte.

- bravo.

Je gagne un petit bisou dans le cou... nous rigolons doucement. J'éteins la grande lumière pour ne laisser que ma petite lampe de bureau anti cauchemar.

Benjamin s'assoit sur le lit après avoir retiré ses chaussures et attend docilement que je lui dise comment il doit se comporter... il en sait beaucoup sur moi, j'en suis sure.

- j'ai rien à te prêter pour dormir... peut être un tee shirt...

Je farfouille et retrouve le tee shirt encore emballé que j'avais eu en cadeau à la kermesse de l'école d'Émilie.

Benjamin retire sa chemise et le passe... le logo du marchand de légumes du quartier me fait sourire, il retire son jeans et ses chaussettes et se laisse tomber sur le lit... je soulève la couette et l'invite dessous avec moi, nous avons passé quelques nuits ensembles mais celle là va être différente... nous appréhendons tous les deux... il m'ouvre les bras et je m'y blottis, dos à lui, en cuillère... j'ai peur de son regard quand je vais lui parler de mon oncle... il le comprend, je crois, et me serre tendrement contre lui... il embrasse mes cheveux et attend... une attente toute douce, sa main enlace ma main, son pouce caresse le dos de la mienne.

- quand j'avais 16 ans...

je lui raconte tout, bien plus qu'à Jackie, mon âme se déroule devant lui... je lui parle de mon adoption, de ma famille désolante d' indifférence, de mon oncle d'abord tactile puis, un jour, de son arrivée devant mon lycée... et tout le reste, le garage, la cage, la salle spéciale, les mauvais traitements, les actes sexuels... avec ou sans 'jouets' tous plus douloureux les uns que les autres, je lui avoue même la soumission, le lent lâcher prise...

Ma voix se brise quand j'allais parler de la révélation qu'a été ma supposée grossesse, je ne peux pas mettre Émilie dans l'équation, je ne sais pas ce qu'il ferait, s'il l'accepterait... ça, c'est trop...

J'en viens directement, après un silence qu'il respecte, à parler de la venue de la femme et de ma fuite...

« voilà, tu sais tout... non pas tout...»

Je lui raconte la journée qui a précédé notre rencontre et je conclus

- j'ai gardé mon boulot, ce jour là, grâce à toi, j'étais si fière de moi, je croyais avoir surmonté mes... problèmes et pouvoir gérer mon stress, mais j'ai compris, ce soir, que je gérais que dalle, c'est toi... comme si mon corps sentait que tu es foncièrement différent de ce monstre... de tous les monstres...

- je gère que dalle... moi non plus...

Ses mains me demande de me retourner vers lui, je le laisse faire, j'ai peur... je croise un regard gris impossible à décrire, bouleversé, admiratif, fasciné... amoureux?????????? Je dois rêver.

Il me caresse le visage et en admire chaque centimètre... je craque et je fais pareil... avant de poser mes lèvres sur les siennes... pour le plus merveilleux baiser du monde...le plus doux, le plus fusionnel, le plus intense, le plus confiant... le plus plus de l'univers!

Il finit par s'écarter un peu, lui aussi, il a promis de me parler... je comprends qu'il va le faire... le faire en me faisant face... il respire profondément et moi, j'avale péniblement ma salive. Je ne suis pas sure d'être assez forte pour supporter ce qu'il va me raconter... Une fois encore, il embrasse ma main comme pour me donner du courage, du courage pour pas m'enfuir?

- attend, qui me parle?

- comment ça?

- si c'est 'connard' ou même juste 'gentil' je ne veux rien entendre... je veux parler avec toi, juste toi, Benjamin.

Il se marre.

- tu as découvert mes masques? S'amuse t il... ma femme parlait de mon masque d'ours mal léché... mais tu as raison avec tout ça, il a viré au connard...

« ta 'femme'????'tout ça'???»

- il faut que tu saches que moi... le vrai Benjamin, je crois plus être disponible... je suis une enveloppe vide...

Je secoue la tête et lui caresse les cheveux, 'il en reste assez, la preuve, tu es là devant moi'... Mais, je me tais et lui laisse le temps de trouver le courage...

Peu à peu, les masques tombent, il a son regard soudé au mien comme à un gilet de sauvetage... c'est bouleversant...

Il parle, dans un souffle... il est le fruit d'un viol... sa mère a été violée une première fois et a donné naissance à sa grande sœur, puis un an plus tard, le type a retrouvé la trace de cette femme qui refaisait sa vie et a recommencé... ainsi Benjamin a vu le jour, issu d'un viol et d'un meurtre puisque sa mère voulant défendre son bébé a su trouver la force de pousser son agresseur qui est mort le crane fracassé par terre. Cette histoire résonne en moi...

Il y a, comme dans le mien, des silences dans son récit... il retrouve un peu de vie en me parlant de sa rencontre avec son amour de jeunesse, en seconde au lycée, Sue, une jeune femme qui lui a pris le cœur... et l'a malmené... refusant de rencontrer sa famille, anorexique puis dépressive, belle comme le jour, merveilleuse quand elle était enjouée... bosseuse, intelligente... Ils se sont mariés à 18 ans... puis je le vois lutter pour ne pas remettre de masque... il n'a jamais parlé de ça à personne, juste évoqué des mois difficiles... Sue est devenue une horreur, méprisante puis aimante, violente puis désespérée... quand on aime une femme à se damner, que doit on faire quand elle nous attaque avec un couteau? souffrir... puis la consoler quand elle comprend ce qu'elle a fait...aller à l'hôpital quand on reçu une cocotte minute au visage...et l'aimer quand même... vouloir partir mais quand elle met le feu à la maison où on l'a laissée seule, revenir... et endurer... jusqu'à la folie... jusqu'à plus rien... jusqu'au verdict des médecins, une tumeur au cerveau... et la mort puis le deuil... de sa femme, de son amour et de soi même...

Comme moi, il reste silencieux à la fin de son récit... Je pose ma main sur son torse, sur les cicatrices... j'ai, comme beaucoup de femmes, souvent été incrédule en entendant parler d'homme battu... je comprends, à présent, que ce n'est pas une histoire de muscles, de force physique pour se défendre, ou même de virilité mais d'amour, de solitude, d'absence de solution... qu'aurait il pu faire? la frapper malgré son amour et devenir un monstre? La quitter et la laisser se tuer...et devenir insensible? Je comprends qu'il avait, lui aussi, une cage autour de lui...

- quand tu pars le matin, reprend Benjamin en appuyant son front glacé sur le mien, tu n'as pas idée du vide que tu laisses, Haylee, je t'ai dans le... l'esprit toute la journée... mais il le faut, il y a tellement de démons dans ce loft... en plein jour, ils me sautent dessus... tu t'es sentie méprisée, je le comprends, mais c'est juste la seule solution... je ne peux plus supporter... pardon pour mon comportement...

- pardonne moi pour le doigt d'honneur...

- pardonnée.

- pardonné...

SURVIVRE APRÈS MON ENLEVEMENT  Spin off M.A.P.L.V.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant