q u a t r e

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« Mon pauvre amour,

J'ai rêvé de toi la nuit dernière. Tu m'avais remplacé par une autre fille et pourtant j'essayais de te séduire, sans succès, bien-sûr. La fille en question ne voyait rien, et toi non plus, d'ailleurs. Mon réveil a été très douloureux, vraiment. J'ai pleuré un petit peu, je me suis fait un café et j'ai fumé une cigarette. J'ai commencé à fumer après ton départ pour me détendre. Je dois t'avouer qu'au début, je détestais le goût mais avec le temps, je me suis habituée. Evidemment, ma psychologue ne voit pas cela d'un très bon œil. Mais je n'en ai rien à faire, pour tout te dire.

Que suis-je en train de devenir à cause de toi ? Je ne travaille plus, je suis obligée de prendre mon argent de côté pour vivre, je fume et mes rêves partent en fumée. Il faudrait que je me reprenne en main, mais comment ?

Mon amour, je vois la vie comme un fardeau, maintenant. Pourquoi mes parents m'ont donné naissance ? J'aurais préféré ne jamais voir le jour. J'ai déjà pensé à mettre fin à mes jours mais je n'ai pas le courage d'y mettre dun terme. Je suis aussi lâche que toi, finalement. Ma psychologue pense que ce n'est pas de la lâcheté mais que ne pas vouloir mourir est un soulagement. Pour elle, c'est un signe de courage. Je ne la comprends pas très bien mais tant pis.

Elle est gentille avec moi, elle m'écoute et me pousse à approfondir mes réflexions. Son but, c'est que je m'en sorte par moi-même, qu'elle n'est là que pour me soutenir et m'aider à trouver les clés. Je suis enchainée à mes souvenirs, à nos souvenirs. Ma psychologue m'a dit que c'était moi qui en avais les clés et qu'il fallait juste que je sache où elles sont.

Je ne vois plus la lumière. Je souffre mais pas assez pour me faire du mal, même si je sais que c'est une bonne nouvelle. Peut-être que c'est mieux de fumer que de se faire du mal. Qu'est-ce que tu me dirais, toi ? Je me le demande.

Mon avenir m'échappe, mon amour, que vais-je devenir ? J'avais tout prévu pour m'en sortir malgré les faibles revenus de mes parents. J'allais réussir mais je me suis mise dans une mauvaise situation toute seule.

Ma psychologue dit que j'ai une dépendance affective. D'après elle, ce serait la raison pour laquelle je souffre autant.

Je n'aime pas les autres, mais je t'aime toi. C'est peut-être une autre raison pour laquelle je pleure tous les soirs. Je pleure moins à présent, peut-être un signe de ma guérison.

Ma mère m'a toujours dit « je voudrais que tu sois quelqu'un qui est capable de croire parce que c'est facile de douter mais il faut être courageux pour croire ». Je sais qu'elle a raison, mais je ne suis pas courageuse et je ne crois en rien pas même en moi. C'est un gros défaut de ne pas croire en soi. Toi, tu avais confiance en toi et je t'admirais pour cela. Tu dégageais quelque chose de fort qui imposait le respect. Tout le monde t'aimait parce que tu dégageais quelque chose de positif. Peut-être que je t'aimais – t'aime – parce que tu avais ce quelque chose qui me manque. J'avais besoin de toi pour me construire. Mais tu y as mis fin avant que le travail soit fini.

Ma psychologue dit que je dois me construire par moi-même et non par les autres. Le paradoxe c'est qu'elle m'aide à me construire, donc ce n'est pas par moi-même. Je n'ai pas osé lui dire. C'est ce que je te disais, je ne peux pas faire confiance aux autres. Peut-être parce que je n'ai pas confiance en moi.

Certains pensent que si on ne s'aime pas les autres ne peuvent pas nous aimer. Mais si personne ne vous aime comment peut-on s'aimer ? C'est le serpent qui se mord la queue. Je pense que tu serais d'accord avec moi.

On était souvent d'accord toutes les deux. On avait les mêmes valeurs, les mêmes penchants politiques, le même humour – un peu noir il faut l'avouer.

Je me souviens qu'on avait beaucoup ri ensemble. Notamment avec un jeu où il faut remplir une phrase par nos cartes (NDA : je ne citerai pas le nom parce que je ne suis pas sponsorisée). Tu étais drôle comme personne. Encore une qualité, tiens. Je pense que je t'idéalise encore un peu parce que je pense plus à tes qualités qu'à tes défauts. Le seul que je peux te donner c'est ta lâcheté, le reste, je n'arrive pas à le voir.

« Hein, je suis belle.

- Oui, c'est vrai. Mais tu es bien plus que cela. »

Tu avais fait tellement d'efforts pour me faire plaisir. Malgré nos quelques différences, on s'entendait à merveille au point de pouvoir vivre ensemble. Nous nous ne sommes pratiquement jamais disputés.

J'ai parlé de cette conversation à ma psychologue.

« Je suis belle et intelligente.

- Mais je m'en fiche de cela.

- Pourquoi ? » avais-je dit, vexée.

« Parce que vous n'êtes pas que cela. »

Effectivement, vous aviez le même point de vue à mon sujet. Et je voulais te dire que cela m'a vraiment fait plaisir. 

𝗟𝗔 𝗟𝗘𝗧𝗧𝗥𝗘, weƞɾeƞeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant