2 - La traque est lancée

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Je regarde les flammes ronger le bois et j'écoute le crépitement mais le feu peine à nous réchauffer. Il fait plus de fumée que de chaleur sur ce combustible humide.
Tout est humide, le sol, l'air, même moi.
La pluie s'est arrêtée et nous pour la nuit, mais je doute qu'elle soit tranquille. Comment dormir par ce temps et avec la potentielle présence d'Orques alentour ?
Je regarde les Hommes pelotés tout près des feux. On a tous froid.
La bruine reprend et je ne peux m'empêcher de pester.

– Ça ne s'arrête jamais ?

– On va finir par rouiller avec toute cette eau, soupire Gimli à côté de moi.

Je ris, le Nain n'aime pas ce temps au moins autant que moi. Je resserre ma cape sur mes épaules et j'enfouis la tête dans ma capuche quand Elrohir se lève. Lui il se fiche de la pluie...
Je le regarde passer et s'éloigner de l'aura des feux. Je me reporte sur les flammes jaunes qui dansent dans la fumée plus épaisse. Je jette un nouveau morceau de bois et j'intensifie le feu. Je sais qu'Aragorn veut que je m'économise mais je ne peux laisser les feux s'éteindre. C'est un peu la lueur d'espoir des Hommes dans cette longue traversée.
Je caresse Le Warg roulé en boule tout contre moi puis je me lève. Je m'étire, frissonne et part vers le paddock improvisé.
J'y trouve Symbel qui profite d'un repos bien mérité. Je vérifie ses flancs, je ne voudrais pas que les sangles de son lourd chargement ne le blessent, puis je me tourne vers Équinoxe qui m'a rejoint. Il m'envoie son envie de galoper en même temps qu'un coup de museau dans ma figure.

– Arrête, soufflé-je. Puis tu pourrais tomber avec toute cette boue.

Équinoxe s'indigne, lui ne chute jamais.

– Ce n'est pas mon cas... soupiré-je.

Équinoxe se calme et je colle mon front contre son encolure humide. Je déteste ce temps qui m'empêche même de savourer la chaleur de mon ami.
Soudain des bras m'enlacent. Amusée, je bascule à la tête en arrière, exposant mon visage à la bruine et au doux sourire d'Elrohir.
Il dépose un baiser sur mon front puis ma tempe avant de descendre le long de ma mâchoire vers mon cou. Je frissonne mais je refuse de rompre le contact malgré mon feu qui s'agite. Je lutte mais rien n'y fait, le feu est toujours plus fort. A contre-cœur, je recule, notant au passage le sourire d'Elrohir.

– Vous avez toujours froid ?

Je ris avant de secouer la tête.

– Non, ça va, merci.

Elrohir rit avant de mimer une révérence.

– A votre service.

Je ris à nouveau avant de l'embrasser. Nos lèvres trahissent nos désirs ardents mais on s'y refuse. Ce n'est pas le moment.

– Qu'est-ce qui s'est passé tout à l'heure ? Demandé-je alors. Vous pensiez que j'allais tuer ce garde, ce Rutz ?

Son nom me donne déjà la nausée.

– Je préfère être prudent, puis vous avez un arc.

Comme si j'étais capable de le tuer d'une flèche...

– Je n'en peux plus de le voir, avoué-je après un temps. Rien que de le savoir là...

– Je comprends, me coupe Elrohir. Mais pour l'instant on n'y peut rien.

Je soupire, je sais qu'il a raison mais ça ne me plait pas pour autant. Je me laisse un temps pour me calmer avant de reprendre.

– Est-ce que parfois ça vous arrive d'avoir peur de votre destin ?

Elrohir m'adresse un regard surprit puis je le sens prudent.

– Non. C'est par instant difficile mais il vaut mieux ne pas savoir ce que l'avenir nous réserve. Je n'envie pas le don de mon père.

– Il peut aussi se tromper, peut-être qu'au fond rien n'est vraiment fixé...

Est-ce que je pourrais survivre ? Ressortir vivante de cette longue épopée qui nous mène droit vers les Ténèbres ?
Je l'ignore.
Je tressaille quand Elrohir m'effleure la joue.

– Ça va ? S'enquit-il. Vous avez l'air pensive.

Je hoche la tête mais je ne peux le convaincre si facilement.

– Est-ce que vous croyez en certaines prophéties ?

– Je ne me suis jamais vraiment posé la question, hésite Elrohir. Mais cela reste pour moi incertain. On ne peut être né juste pour accomplir une tâche. La vie est plus complexe que cela.

– Mais on peut le croire. On peut penser être venu au monde pour ne servir qu'à une chose.

– Je ne dis pas le contraire mais au final cela ne change rien. On est libre de choisir sa voie, vous êtes bien placé pour le savoir.

Je ne peux m'empêcher de sourire, tout me paraît si simple quand j'en parle à Elrohir. Je me penche et je dépose un doux baiser sur ses lèvres tandis qu'il s'apaise.
Il m'enlace tendrement et je profite de ce moment, même la pluie ne me paraît plus aussi gênante.
J'aimerai prolonger ce moment durant une éternité mais déjà le camp s'agite. On se sépare pour tendre l'oreille : les éclaireurs sont revenus.

– Les affaires reprennent, soufflé-je avant de prendre la direction de l'agitation.

Elrohir me suit sans un mot. On sort du paddock et on rejoint les Hommes déjà attroupés.

– Vous vous êtes bien réchauffé ? Nous accueille Elladan.

Elrohir adresse un regard noir à son jumeau tandis que je l'ignore copieusement. Legolas s'en mêle en ricanant comme une pie, ce qui m'oblige à faire tournoyer un étendard pour le frapper. Mon idée était bonne mais ce fourbe d'Elfe esquive et le montant auquel est accroché l'étendard heurte l'épaule d'Aragorn qui se retourne.
Je lui adresse mon sourire le plus innocent mais je doute qu'il soit si crédule. Il me dévisage un instant avant de se reporter sur les éclaireurs.

– Elle est belle la sagesse des Elfes, soupire Gimli. On peut écouter maintenant ?

Je sens mes joues s'empourprer et je préfère ne pas répondre, me concentrant moi aussi sur les éclaireurs.

– Aucune présence d'Orques à l'allée comme au retour, mais on a vu comme des pistes dans les hautes herbes.

– Il y avait des empreintes ? Demande Aragorn.

– Le terrain était plutôt boueux alors j'aurais tendance à dire oui mais avec la nuit qui tombait on
a rien vu de particulier.

Aragorn prend un air soucieux que je lui connais bien, il hésite à aller voir.

– Ça ne serait pas sage d'y aller, intervient alors Legolas. Il fait nuit noire, nous pourrions nous faire surprendre ou rater quelque chose.

Aragorn lui adresse un signe de tête puis regarde vers le lointain.
J'échange un regard avec Legolas et les jumeaux, ce n'est pas prudent certes mais de là à dire que la meilleure décision est de rester sagement au camp... Je ne sais pas, alors j'attends la décision d'Aragorn.

– Nous irons demain à la première heure.

On acquiesce tous, à la fois inquiet et soulagé.
J'ignore si c'est la bonne décision mais comme plus personne ne semblent vouloir en parler, je préfère retourner auprès d'un feu.


Tome 3 - La lune ardente de FangornOù les histoires vivent. Découvrez maintenant