23 - Réunion au sommet

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A présent je comprends mieux pourquoi Théoden a préféré laisser passer la nuit avant d'engager le convoi sur le chemin en lacet.
C'est une vrai ascension que nous faisons là.
Eomer m'a expliqué que ce chemin était fait pour être difficile d'accès et empêcher une intrusion surprise sur le plus haut plateau, les deux autres accès étant une pente plus douce descendant jusqu'au Gondor et bien gardée, puis le chemin menant vers les entrailles des Montagnes Blanches, là où nul ne va, ni en revient.
Je dois avouer que c'est bien pensé mais l'ardue montée entame grandement mon émerveillement sur l'intelligence des Hommes.
Je suis bien contente d'en voir la fin, surtout que l'on arrive sous un beau soleil de fin d'après-midi. Le plateau est gigantesque, bien assez grand pour accueillir toute notre armée et offrir du fourrage en abondance. Tout en regardant autour de moi, je m'empresse de suivre mes compagnons jusqu'à une petite tour jonchée sur une butée. La vue jusqu'au Gondor est époustouflante mais les Ténèbres qui y règnent n'ont rien de rassurant.

– Les feux d'alarmes sont éteints, soupire Legolas. Ils n'ont pas été utilisés, le Gondor n'a pour l'instant pas demandé d'assistance.

Je me penche pour voir de petites constructions carrées installées à intervalles réguliers sur quelques sommets des Montagnes Blanches. Je n'arrive à discerner que les trois premières, le reste étant noyé dans les brumes opaques. Impossible de dire s'il y a encore des gens prêts à allumer les feux...
Et si le Gondor était déjà tombé, sans avoir le temps de faire appel au Rohan ?
Isil...
Je sursaute avant de me retourner. Un frisson m'agite quand je vois qu'il n'y a personne derrière moi, mes amis sont rassemblés à un bon mètre et parlent entre eux. Personne ne s'adresse à moi...
Je crois que ces histoires de fantôme m'usent les nerfs mais si je commence à avoir des hallucinations, la fin est proche.
Je me force à me détendre avant de replonger mon attention vers le Gondor. J'ignore à quelle distance se trouve la cité de Minas Tirith, ni combien de temps il faudrait pour que les derniers feux d'alarmes soient allumés, nous prévenant ainsi, mais j'ai peur que ça soit déjà trop.
Admettons qu'ils s'allument là maintenant, le temps qu'on se prépare et que l'on rallie la citadelle il se sera passé plusieurs jours, et je suis maintenant bien placé pour savoir que cela peut être décisif dans une bataille...
Du coup, pourquoi ne pas partir maintenant ?
Au pire le Gondor sera juste vexé qu'on entre comme ça sur leurs terres mais en cas de siège, ils seront bien contents, non ?
Isil...
Cette fois je fais volte-face, alarmée.

– Un problème ? S'enquit Aragorn.

Comment dire... ?

– Je... je ne sais pas.

Je m'avance contre le parapet pour regarder en bas, il n'y a personne hormis Le Warg qui attend sagement couché dans l'herbe. Je me plonge alors dans les pensées qu'Équinoxe qui m'assure n'avoir rien entendu.
Très bien...

– Isil, que se passe t'il ? S'impatiente Gimli en me prenant le bras.

Je tressaille avant de lui faire face.
Isil...
Ça y est, j'ai la trouille.
Entendre quelqu'un, ou quelque chose, murmurer mon nom alors qu'il n'y a personne a de quoi m'alarmer.

– Je... Quelqu'un m'appelle. Je l'entends...

Je vois de l'incompréhension, de l'inquiétude et de la surprise s'afficher sur les visages de mes amis.

– C'est dans votre esprit ? Me demande alors Aragorn.

– Je crois, oui.

– Est-ce que c'est comme lorsque nous avons rencontré le Nazgûl ? S'enquit Legolas.

Je frémis puis je secoue la tête. Loin de me trouver folle, ils tentent de m'aider.

– Comme lors de l'emprise des runes à Imaldris ? Enchérit Elrohir.

– Non, c'est différent. Plus léger... comme le vent.

Isil...


– Ça vient de recommencer !

Aragorn secoue la tête, le front barré par un pli soucieux.

– Nous n'avons rien entendu...

– N'a t'il pas eut un sifflement dans le vent ?

Tous les regards se tournent vers Legolas. Il a fermé les yeux et semble scruter les sons alentours. Moi, je n'entends que les battements affolés de mon cœur. Soudain un cor explose le silence me faisant sursauter.
Mes amis s'empressent de sortir de la tour où je me retrouve seule avec Elrohir. Il va pour suivre les autres quand je l'attrape par le bras.

– Ça... pourrait pas être un fantôme, n'est-ce pas ?

Elrohir se met à rire avant de remarquer que je suis vraiment au bord de la crise de panique.

– Désolé... Ce ne sont que des histoires, de vieilles légendes, n'y prêtez pas tant d'attention. Puis pourquoi un fantôme viendrait-il vous hanter ?

J'ai bien envie de lui rétorquer que j'ai quand même tué quelqu'un de sang-froid mais je crains que ça ne réveille sa culpabilité alors je me tais.
Elrohir m'adresse un sourire rassurant puis me prend la main.

– Isil, venez voir ! s'écrit alors Legolas.

Elrohir m'entraîne hors de la tour et on rejoint les autres qui scrutent les cieux en direction du Gondor.

– C'est quoi ça ? M'alarmai-je.

– Il semblerait que cette fois, ça soit réellement un aigle, me répond Legolas.

– Il n'a pas l'air de vouloir s'approcher plus des montagnes, note Gimli. Même les animaux ne veulent pas fouler ces terres maudites.

J'adresse un regard noir à Elrohir et ses foutues légendes mais à nouveau mon nom résonne dans les airs.

– C'est lui... Il m'appelle, m'étonnai-je. On dirait... qu'il me cherche.

– Qu'attendez-vous ? S'agite Gimli. Allez le voir.

– Je ne le connais pas, moi, cet aigle !

Je prends conscience de l'absurdité de ma réplique en même temps que je la dis et que les autres se marrent. Je m'empourpre mais déjà Aragorn vient à mon secours.

– Allons voir ce qu'il vous veut. Ensemble.

Je hoche la tête, voilà enfin quelqu'un de gentil, et je le suis. Les autres nous emboîtent le pas tandis qu'on nous ouvre la barricade. On descend la pente douce vers l'aigle qui tournoi dans les airs.

– Il ne veut pas se poser, compris-je dans le méli-mélo de ses pensées. Il veut repartir et vite.

– Pourquoi est-il venu jusqu'ici ? Demande Elladan.

Aucune idée...
Je m'avance en tête, les yeux braqués sur cet immense oiseau qui fait des ronds dans le ciel. Il est démesuré et d'une grande beauté. Son plumage cuivré moucheté de doré scintille sous les rayons du soleil et ses serres seraient assez puissantes pour emporter un cheval aussi imposant qu'Équinoxe.
Mais que fait-il ici ?
Je tends mon esprit vers le sien et je vois le monde si petit par ses yeux. Il comprend alors qui je suis et pique vers moi. Je n'ai plus vraiment peur, je sais que c'est un allié mais je ne peux m'empêcher d'avoir le souffle coupé quand il me survole. Il passe qu'à quelques mètres au-dessus de moi et je me dévisse le cou pour le suivre du regard, mais soudain mon ébahissement est rompu par une vive douleur sur mon front. Quelque chose vient de me tomber sur la tête avant de se perdre dans les hautes herbes.
Cet aigle vient de me balancer un truc en pleine figure !
Je tressaute avant de porter ma main à mon front douloureux. J'enrage et l'amusement que je ressens dans l'esprit du rapace accroît encore ma colère.

– Mais ça va pas ?! M'écriai-je outré. Vous venez jusqu'ici me lancer des cailloux ?

L'aigle m'adresse un sifflement que je juge moqueur puis fait une pirouette avant de s'en aller à tire d'aile.
Furieuse, je laisse mon feu jaillir et s'élancer sur mon corps.
Que je ne le recroisse pas ce piaf ou j'en fait du poulet rôti !
Je n'ai pas le temps de m'énerver d'avantage car soudain l'air crépite autour de moi puis explose.
Je sens l'onde agiter mes vêtements et mes cheveux comme un vent violent puis une odeur de brûlé envahit l'air. A mon grand étonnement, je me retrouve au milieu d'un cercle d'herbes carbonisées.
Legolas et Elrohir s'arrêtent à la frontière entre l'herbe sauve et la brûlée pour me dévisager avec des yeux ronds.

– Ce n'est pas ma faute, répondis-je en levant les mains. Je n'y suis pour rien. C'est... je ne sais pas ce que c'est mais ce n'est pas de mon fait.

Les deux Elfes abordent une mine perplexe tandis qu'Elladan arrive à leurs côtés suivit par Gimli et Aragorn.

– Vous n'aviez jamais fait... ça, reprend le Nain sceptique. C'est comme si l'air avait pris feu autour de vous.

– Je vous dis que je n'y suis pour rien, répété-je vexée.

Gimli n'est clairement pas convaincu et je cherche alors du réconfort dans le regard d'Aragorn qui a l'air de ne pas savoir quoi en penser. Je remarque alors le petit groupe amassé au niveau des barricades et qui me fixe en silence.
La honte...

– Regardez qui vous est revenu, fait alors Legolas.

Je me retourne pour le voir ramasser quelque chose. Il me le tend et je frémis en reconnaissant la pierre d'élément trouvée dans les mines de la Moria.

– Anar... Je lui avais confié, pourquoi me la rend t'il ?

– Cet aigle ne vous a rien dit de plus ? Me demande Elrohir.

– Non, il m'a juste jeté ça, c'est moqué que je me le sois pris en pleine figure puis il est parti.

– En tout cas cette réaction est sans doute due à votre feu, intervient Aragorn. Gardez en sûreté cette pierre, elle pourrait se révéler dangereuse.

C'est bien pour cela que je l'avais laissé en Fangorn... Mais ça je m'abstiens de le dire.
Legolas m'attache le collier tandis que j'observe la petite sphère renfermant un feu mouvant, le feu d'un Balrog.
Pourquoi me revient-elle sans cesse ?
Anar aurait-il vu un danger tel qu'elle me sera utile ?
Peut-être...
Je me tourne vers le Gondor. Les combats qui nous y attendent seront sans doute les plus importants de toute l'histoire de la terre du Milieu, mais en ressortirons-nous vivants ? Tous ?
Rien n'est moins sûr.


***

Tome 3 - La lune ardente de FangornOù les histoires vivent. Découvrez maintenant