Chapitre 1 : Avant la chute

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Nul n'aurait pu prévoir ce qui allait arriver. Tout le monde y avait déjà pensé une fois au moins dans sa vie, c'était une de ces idées qui passent, qui nous font frémir de peur et d'excitation, puis que l'on range soigneusement dans un coin de notre tête, tout au fond.

Pourtant, par la suite, l'humanité toute entière se souvint avec précision du 26 décembre 2019, comme d'une date fatidique, une date qui avait marqué la séparation entre l'avant et l'après. Cette date serait toujours évoquée avec ce tremblement de la lèvre, ce ton déférent, cet intonation propre aux choses sacrées qui frôlent la religion.

Comme tous les adolescents de son âge qui l'avait vécu, Swann Miller, dans la soirée du 26 décembre, ne se doutait en rien de ce qui l'attendait le lendemain. Etendue sur son lit, dissimulée presque entièrement sous un épais plaid rose et ses écouteurs couvrant ses oreilles, Swan feuilletait un magazine de sport nautique.

Swann, plutôt grande pour ses quinze ans, était dotée d'un physique assez anodin  : des traits relativement réguliers, des yeux d'un bleu trop clair, translucide, un nez droit à l'arrête tranchante, c'était à peu près tout ce que l'on pouvait dire de son visage. Son corps, forgé par la pratique de nombreux sports, était svelte et athlétique, mais souffrait néanmoins d'une absence quasi-totale de courbes féminines. Swann ne s'intéressait pas à son apparence, hormis ses très longs cheveux d'un blond cendré qui lui descendaient jusqu'au bas du dos et qu'elle tenait à laisser détachés le plus souvent possible, bien qu'ils la gênaient dans ses sports.

Swann balançait la tête au rythme de la musique quand un coup de tonnerre particulièrement puissant retentit. Elle se leva de son lit, se dirigea vers la fenêtre et écarta un rideau. Dehors, les rues de New York étaient plongées dans la nuit, on ne distinguait presque rien à cause de la pluie diluvienne qui fouettait la fenêtre. Elle n'avait pas vu un orage comme celui là depuis des années. Probablement même depuis toujours. La neige se mit également de la partie, il devint alors encore plus difficile de discerner l'extérieur. Un nouveau coup de tonnerre ébranla New York pendant de longues secondes.

Swann regardait toujours la tempête qui faisait rage avec une forme de sérénité, quand une lueur bleutée entra dans son champ de vision. Elle disparut presque aussitôt. Swann plissa les yeux pour mieux voir, intriguée. Quelques minutes plus tard, une nouvelle forme bleutée se matérialisa dans la nuit. Elle bougeait. C'était bleu électrique, ça clignotait un peu, ça avait l'air de grimper à un building. De ramper sur un building.

Ca avait cinq doigts, cinq éclairs bleus, qui se rejoignaient en un éclair plus court et plus épais qui formait le poignet de cette main étrange. La main montait à la vertical, s'arrêtait, repartait. Swann ne comprenait strictement rien à l'étrange scène à laquelle elle assistait, c'était si bizarre qu'elle ne se sentait même pas inquiète.

Du moins jusqu'à ce qu'elle comprenne le manège de la « main ».

Celle-ci s'agrippait effectivement au building, s'arrêtait en face d'une fenêtre, pointait un doigt devant celle-ci, crevait la vitre et ressortait quelques instant plus tard, une fumée blanchâtre s'élevant parfois de la fenêtre et dissipée dans l'instant par la pluie. Swann ne parvint pas à crier, resta la bouche ouverte, muette d'effroi. Dans des rues plus lointaines, partout surgissaient des ces éclairs cauchemardesque rampant sur les façades.

Swann aperçut soudain une lumière bleutée intense qui apparut sous sa fenêtre. Puis, comme dans un cauchemar, une main surgit, gigantesque. Elle était si grande qu'on ne la voyait pas entière dans l'embrasure de la fenêtre. Swann resta figée d'horreur, incapable de crier, de bouger, de remuer un seul membre. La main pointa un doigt, comme prête à l'attaque.

La vitre vola en éclat.

Swann aussi.


Autre Monde : L'appel des Longs-MarcheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant