Chapitre 5 : La Colonie

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Swann et May furent guidées par William jusqu'à la mairie du village. Un jeune homme d'environ seize ans, les y accueillit. Il avait des cheveux cuivrés dont une mèche retombait sur son visage et des cernes discrets sous les yeux.

Il serra la main aux deux adolescentes en se présentant : « Je suis Thomas, le responsable de la Colonie. Enchanté. » Puis il se tourna vers William et lui posa une série de questions.

« On m'a averti de ton retour. Tu les as trouvés où ?

- A trois kilomètres du camp environ. Le retour nous a pris pas mal de temps.

- Comment les as-tu repérées ?

- Elles ont entendu mon cheval et m'ont appelé.

- Elles ont eu des difficultés ? Attaque, manque de nourriture, autres ?

- Non.

- Mutants, adultes, créatures autres ?

- Elles n'ont pas vu d'adultes, et pour les mutants elles n'étaient pas au courant.

- Aucune animosité, ou agressivité quelconque ? »

Les filles levèrent un sourcil, étonnées. Elles n'appréciaient pas beaucoup cet examen qui les concernait et auquel elles ne participaient pas.

« Non, aucune, répondit William.

- Très bien, dit Thomas en se tournant de nouveau vers les filles. Vous êtes prises. Bienvenue à la Colonie. Vous devez être fatiguées, on va se charger de vous trouver où dormir. Demain, revenez me voir, disons, vers 10 heures, je vous expliquerai plus en détails la vie ici. William, tu peux encore te charger de leur trouver un logement ? Je dois gérer la répartition des tâches pour après-demain, j'ai pas le temps pour ça. Si t'es trop fatigué, je demanderais à Céline de le faire à ta place...

- Laisse, je suis encore d'attaque, mentit son interlocuteur en réprimant un bâillement. Mais ne te surmène pas, Thomas...

- Je sais. Toi aussi, fais attention à toi, lui répondit le brun-cuivré avec un regard ambigüe.

Le grand William emmena les deux filles jusqu'à une maison plutôt grande, où il frappa en marmonnant : « Normalement, ici c'est bon. » Deux filles lui ouvrirent. D'autres regardaient, intriguées, dans l'embrasure de la porte. Il expliqua d'un air embarrassé : Salut les filles, y a les deux nouvelles à qui on n'a pas encore attribué de logement. Vous pouvez les prendre avec vous cette nuit au moins ? »

Swann, si exténuée que depuis tout à l'heure elle se laissait entraîner par les évènements, entendit à peine ce qui suivit. Elle comprit vaguement que les filles les faisaient entrer, les entrainaient jusque dans une chambre vide d'occupante où il n'y avait qu'un lit, et un matelas posé à même le sol qui avait été ajouté. Elle voulut proposer à May de choisir où elle dormirait, avant de s'apercevoir que celle-ci s'était écroulée sur le matelas.

Swann n'eut donc pas de scrupules à prendre le lit. Elle se laissa tomber dessus sans même retirer ses vêtements, et s'endormit aussitôt.

***

Le lendemain, Swann fut réveillée par les voix des filles qui papotaient dans une pièce à côté. Elle se redressa, se frotta les yeux et se rendit compte qu'elle ne s'était même pas glissée dans les draps le soir précédent et qu'elle avait dormi sur le lit. Elle jeta un œil à May, qui, dans son sommeil, arborait un sourire béat. Elle se leva silencieusement et quitta la pièce. Elle se dirigea un peu au hasard dans la maison, jusqu'à trouver d'où provenaient les voix. Elle entra dans une pièce qui semblait être le salon. A son entrée, les conversations s'arrêtèrent et les filles se tournèrent vers elle pour la dévisager. Swann, qui n'avait pas trop l'habitude de se mêler aux autres durant sa vie d'avant, éprouva un certain malaise. Puis le groupe d'adolescentes se mit à parler au même moment. Qui était-elle ? D'où venait-elle ? Avait-elle vu des adultes ? Et les survivants ? Allait-elle rester ? Venait-elle d'une autre colonie d'enfants ? Ces colonies existaient-elles réellement ?

Après que Swann ai répondu tant bien que mal aux questions –réponses qui provoquèrent un certain désappointement chez les filles qui se rendirent compte que le parcours de Swann n'avait rien d'extraordinaire et était en tous points similaire au leur- elles se présentèrent une à une d'un ton amical en énumérant des noms que Swan oublia ou mélangea soigneusement, ce qui lui fit se promettre de ne pas les appeler par leur prénom avant d'avoir appris par cœur chacun d'entre eux, sans quoi elle risquait très fortement de tomber à côté.

Les filles discutèrent encore un peu, puis Swann, remarquant la forte luminosité extérieure, s'informa de l'heure. Une petite blonde-rousse lui indiqua du doigt une grosse horloge, qui marquait dix heure et quart.

Swann avait complètement oublié Thomas ! Elle fila en quatrième vitesse réveiller May, et fila en direction de la Mairie. Elle monta les escaliers quatre à quatre, se dirigeant un peu au hasard dans l'édifice heureusement peu imposant, et finit par trouver le bureau du maire où, comme elle s'en doutait, Thomas avait élu domicile. Elle traînait derrière elle une May un peu hagarde, encore ensommeillée malgré sa grasse matinée.

Swann, essoufflée plus par le stress que par l'effort, entra sans frapper dans le bureau. Thomas, assis dans le fauteuil du maire, où plutôt de l'ancien maire, écoutait une grande blonde aux couleurs délavées faire un rapport de l'état des provisions, qui manquaient évidemment.

Les deux jeunes se retournèrent vers Swann et May lorsqu'elles entrèrent. La grande blonde signala qu'elle avait fini et lui signifia qu'elle s'en allait. Demeurées seules avec Thomas, les deux filles se concertèrent du regard.

« Allez-y, prenez un siège et asseyez-vous », leur lança le jeune homme sans se formaliser de leur retard.

Swann et May prirent chacune un des sièges qui avait été poussé contre le mur et s'assirent en face de lui.

« Bon. J'imagine que vous vous en êtes rendues compte, mais je suis le responsable de la Colonie. Vous allez, vous aussi, intégrer la Colonie –du moins si c'est bien ce que vous voulez, se hâta-il d'ajouter. Depuis le soir de la Tempête, le monde a radicalement changé. En quelques jours, la nature a repris ses droits, maintenant c'est à nous de nous adapter si nous ne voulons pas mourir.

C'est pour cela que je vous demanderai de vous conformer aux règles de la Colonie. Je sais que certaines sont contraignantes et qu'on n'a pas toujours envie de les suivre, mais nous n'avons pas le choix. Autrement nous serions tous mis en danger. »

Les filles acquiescèrent. Thomas poursuivit : « Les règles qu'on a établie pour l'instant sont : participer aux tâches qui vous seront attribuées, ne pas voler ni détériorer les maisons qui vous seront prêtées, ne pas se disputer avec les autres enfants – je sais ça peut paraître un peu extrême mais nous devons le plus possible sauvegarder notre unité, faire un rapport pour tout phénomène qui vous paraîtrait anormal, ne pas sortir de l'enceinte sans autorisation express, se montrer toujours respectueux des autres. Et, une dernière chose, vous devez veiller sur les plus jeunes, les enfants de moins de dix ans. Il n'y en a pas beaucoup mais, pour eux, ce que nous vivons et beaucoup plus difficile que pour nous. Surtout (il baissa les yeux et sa voix se fit plus basse), la perte de leurs parents. Avez-vous tout compris ?

- Oui, répondit Swann.

- Oui, répondit May.

- Je crois que je n'ai oublié aucune règle. Maintenant, je vous explique rapidement les diverses tâches qu'il vous faudra effectuer. D'abord, il y a le rabattage. Cela consiste à chercher les survivants qui, comme vous, peuvent se trouver dans les alentours. C'est ce que faisait William quand il vous a trouvé. Ensuite, il faut s'occuper d'approvisionner la Colonie. Pour cela, on met en place des expéditions qui vont chercher des conserves, des surgelés et autres dans un supermarché. Le problème, c'est que la ville qui en détenait un dans l'ancien monde était déjà plutôt éloignée d'ici, et la pousse de la forêt n'a pas aidé. Bref. On a également commencé à faire des cultures, si un jour on se retrouvait bloqués ici, et il faut aussi s'occuper des chevaux dont on se sert pour le rabattage, entretenir la barricade, couper la végétation qui poussent sur les maisons à une vitesse folle... Bref. Y a pas mal de tâches qu'on se répartit. On vous mettra au courant de votre emploi du temps de la journée au moins la veille, plus tôt si on peut. C'est à peu près tout. Aujourd'hui vous avez quartier libre. Des questions ? »

Swann et May n'en avait aucune. Elles avaient juste une nouvelle preuve que leur vie de confort était belle et bien terminée.


Autre Monde : L'appel des Longs-MarcheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant