Chapitre 10 : Au royaume des sciences

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Axelle grattait frénétiquement le papier, excitée par ses découvertes, quand on frappa à la porte de son laboratoire. Elle courut ouvrir, comptant bien passer les deux prochaines heures à expliquer à l'imprudent qui passait par là toutes ses théories quant à ses recherches, et notamment celles portant sur le rodeur nocturne qui trônait, les organes à l'air, sur la grande table rectangulaire carrelée au centre de la pièce. Elle ouvrit d'un grand geste la porte, tout sourire.

L'odeur de formol agressa le nez de Swann et celui d'Alexandre, bien que ce dernier ait déjà eut connaissance du fameux « supplice du laboratoire », consistant à devoir écouter durant un temps indéfini - mais sans nul doute trop long - l'excitée sautiller en expliquant le rôle essentiel des pistils en formes de spirales de telle fleur qu'on lui avait rapportée.

Mais le labo était un endroit qu'il ne pouvait pas écarter, car il avait acquis une grande importance dans la vie des habitants de la Semîle. Volonté de Bens, bien entendu. Rien ne se faisait sans qu'il n'ait fourré son nez dedans et accordé sa permission, et il ne faisait rien sans que cela ne puisse lui rapporter un atout. Il avait donc donné une grande importance au labo, insistant pour que tous les jours, à tour de rôle, une personne assiste Axelle dans son travail, et pour que l'on pense toujours à ramener des sujets d'études à la jeune scientifique durant les expéditions. Il fallait à tout prix, déclarait-il, favoriser la science, la recherche et la curiosité intellectuelle, afin de mieux comprendre ce qui était arrivé à notre monde et être capable de l'appréhender. En réalité, Bens n'en avait sûrement pas grand-chose à faire de la soif de découverte, mais il se projetait dans le futur, imaginait le jour où tous les Pans se regrouperaient, formeraient un conseil et où lui, fièrement, représentant de la Semîle, pourrait mettre en avant les infrastructures qu'il avait développées, en avance sur tous les autres regroupements de Pans qui végétaient dans leurs mode de vie primitif. A coup sûr, les découvertes qu'il présenterait lui vaudraient respect et admiration, constitueraient un magnifique bonus pour la suite...

Axelle, plus terre à terre, bien loin de ces considérations, était amplement satisfaite des moyens mis à sa disposition. Elle ouvrit un sourire encore plus large en reconnaissant Alexandre, et une jeune fille qui se tenait à côté de lui.

« Tu es la long-marcheuse qui a été blessée, c'est ça ? Devina t-elle en entraînant Swann dans son labo. Viens là, je vais te montrer des tas de trucs que tu pourras raconter dans les autres communautés Pans ! »

Et elle commença à lui désigner ses collections de bocaux, ses plants et ses tentatives de greffes entre plantes similaires plus ou moins abouties, ses échantillons exposés à la lumière, un végétal curieux qui semblait dégager du gaz, coincé dans un montage complexe de tubes à essai et de tuyaux transparents... Plus loin, sur des étagères, des bocaux contenaient toutes sortes de choses, certaines facilement identifiables d'autres d'aspect moins... sympathiques. Et partout des plans de travail, des tables couvertes de feuilles, de loupes, de l'alcool à brûler, même d'un gros microscope, et des piles de croquis et de notes qui chancelaient quand on s'en approchait trop. Et Axelle au milieu de tout ça, sautillant, passant d'une explication à une autre, revenant à la première, aussi douée pour la recherche que maladroite pour structurer son propos.

Alexandre s'attendait à diverses possibilités de réactions de la part de Swann. Elle pouvait bailler et faire semblant d'écouter docilement, s'enfuir le plus loin possible, jeter un objet à la tête d'Axelle en lui intimant de se calmer. Mais dans aucune de ces options, il ne l'imaginait faire ce qu'elle fit : sortir un carnet et un crayon de sa poche, et se mettre à écrire frénétiquement en buvant les paroles de la rouquine. C'est pourtant bien ce qu'elle venait de faire. Lui, resté sur le pas de la porte, prêt à quitter les lieux au plus vite, resta abasourdi lorsqu'il vit la jeune fille se passionner pour les recherches de l'excitée, et même lui poser des questions ! Elle n'était décidément pas commune.

Autre Monde : L'appel des Longs-MarcheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant