FOSSEA Revelatio Tome 1

Confession

Les jours défilent toujours à une très grande vitesse quand vous êtes bien quelque part. Mon coeur et mon corps peuvent enfin se reposer. Je passe mes journées à lire, à me promener, à aider ma mère à coudre et à cuisiner, et mon père à jardiner. Des choses simples mais dont on savoure l'importance quand on en est privé. Sirice, la femme de mon frère, attend son premier enfant qui doit naître dans quelques mois. Ils ont choisi d'avoir une fille. Je suis très heureuse pour eux.

Un jour, tandis que je me retrouve seule avec ma mère, elle aborde le sujet de ma vie sans Loïs. 

— Je sais tellement ce que tu ressens, me dit-elle soudain, alors que nous sommes assises dans la cuisine.

Je la regarde surprise.

— Tu sais, poursuit-elle, je ne t'ai jamais raconté cette histoire mais avant de sortir avec ton père, j'avais un petit ami au village. Je l'avais rencontré à l'âge de quinze ans. On était toujours ensemble, lui, moi et papa, qui n'était qu'un copain à l'époque. Il s'appelait Aldwin et nous étions très amoureux. Nous nous sommes retrouvés sur le même site de travail mais lui a décidé de suivre une formation de sentinelles.

Je suis très étonnée par cette révélation. Je pensais que mon père avait été le seul amour de ma mère. Elle continue.

— Nous avons vécu une véritable passion à ce moment là. Puis, alors qu' Aldwin avait dix-neuf ans, il est parti en mission avec sa patrouille. Cela lui arrivait souvent. Je m'inquiétais toujours pour lui mais j'essayais de ne pas penser au danger qui l'attendait. Ce jour là, fait-elle, je m'en souviens comme si cela s'était déroulé hier. Ça restera la journée la plus atroce de ma vie...

Elle fait une pause, regarde par la fenêtre. Elle paraît encore très touchée par cet épisode.

— Je partais pour mon village, j'allais monter dans mon wagon quand quelqu'un est venu m'avertir qu'Aldwin avait été tué dans une embuscade. J'étais complètement dévastée. J'ai dû prendre le train sans en savoir davantage. On a ramené son corps dix jours plus tard pour que sa famille l'enterre. Si je n'avais pas eu ton père pour me soutenir, je crois que je ne m'en serais jamais remise.

Je suis abasourdie par ce que j'entends. Je ne sais pas quoi lui dire.

— Tu sais Manéa , si je te dis ça, c'est pour que tu saches que la vie nous réserve parfois de bonnes surprises. Ton père m'a redonné goût à la vie. J'ai appris à l'aimer et pour rien au monde je ne regrette ce choix. Toi aussi tu trouveras quelqu'un qui atténuera ta peine et ta souffrance. J'en suis sûre. Garde toujours espoir. Même quand tout semble s'écrouler, il y a souvent une petite lueur quelque part qui ne demande qu'à s'illuminer.

— Tu as peut-être raison, maman. Merci de t'être confiée à moi.

J'apprécie que ma mère se soit découverte ainsi, mais pour l'instant, si cette lueur existe, je ne la vois pas !

Le lendemain, mon frère me propose de passer la journée avec lui. Il n'a pas trop de travail aujourd'hui et il peut s'absenter. Lorsque vous êtes de retour dans votre village, après dix longues années passées sur votre site, le comité de pouvoir vous attribue une maison. Après, c'est à vous de gérer votre vie. Chaque famille reçoit cents diwats (DWT) par mois. Le diwat est une unité de monnaie. Il sert pour l'achat de nourriture, de vêtements, de médicaments... En dehors de cet argent, le comité de pouvoir nomme dans tous les villages un ou deux professeurs pour faire l'école et un médecin qui s'occupe essentiellement de soigner les accidents. En effet, chaque année nous recevons une injection d'un vaccin qui protège contre la majorité des virus recensés sur terre.

Dans toutes les maisons, les habitants ont l'habitude de vivre en autarcie : ils produisent leurs légumes en effectuant la pollinisation eux-même, cousent leurs vêtements et se chauffent avec du bois qu'ils vont couper dans la forêt. Ils achètent juste  les produits à base d'insectes pour les protéines. Chaque voisin s'entraide mutuellement.